AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de SZRAMOWO


Le conducteur de la Peugeot 402 Légère a trente-trois ans. Il porte une veste grise, une chemise humide, une cravate courte, bordeaux. Sa veste en lin est chiffonnée. Il monte de Lyon. C’est la canicule en bas, 37 °C. Il a fait trois heures de route et passé huit barrages. Il a sué.
Le conducteur immobilise le quatre-cylindres route de Villard-de-Lans, devant les deux charrettes qui barrent l’accès nord du village. Il présente son laissez-passer à l’un des cinq maquisards en poste. Le maquisard s’avance et le pointe avec son Sten, une arme britannique qui a plus à voir avec les machines à dénoyauter les pruneaux qu’avec un P-M. Il arbore un brassard tricolore aux couleurs délavées par-dessus la manche de sa chemise bleu foncé, avec la croix de Lorraine et trois lettres en noir, c’est brodé : « F.F.I. » Il sonde l’habitacle, repère le jerrycan sur la banquette arrière et le journal sous le paquet de cigarettes à l’avant. C’est l’édition des Allobroges , une page de papier pliée en huit. Il y a une photo sépia : trois tondues devant la prison de Grenoble. Le maquisard ne sait pas lire. Il est pourtant écrit : « En représentation hier après-midi devant la prison Saint-Joseph, on fit admirer aux Grenoblois l’esthétique de la nouvelle ondulation en faveur dans le haut état-major de la Wehrmacht, au service de laquelle elles avaient mis leurs charmes et leurs activités. »
Le conducteur, lui, a lu l’article. À l’aube, il s’est arrêté à La Côte-Saint-André pour y boire un café, dans les Terres froides exsangues de chaleur. Il a acheté le journal et lu toute la feuille, recto et verso. Les Alliés libèrent les villes et les villages un à un depuis le débarquement de juin en Normandie et celui du 15 août en Provence. Les bombardements redoublent. Caen est une cité maudite, fatras de pierres et amoncellements de cadavres pour l’éternité, une ville fantôme. La Royal Air Force s’occupe maintenant du Havre, y verse des tonnes de métal hurlant du ventre de ses bombardiers.
Commenter  J’apprécie          100





Ont apprécié cette citation (9)voir plus




{* *}