Conférence de Françoise Collin (19 mars 2011) Donnée dans le cadre du cycle "Quarante ans de recherche sur les femmes, le sexe et le genre", à l'auditorium de la Grande Galerie de l'Évolution au Muséum national d'Histoire naturelle (77 mn, filmée par le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir).
Affirmer que ce qui fut partout et toujours (une fois dissipé le fantasme un moment esquissé du matriarcat) ne sera plus : telle est l'impertinence et l'audace insolente du mouvement féministe quand il met en question les rapports séculairement noués entre les sexes, comme on prouve la marche et marchant.
Être féministe, c’est découvrir la réalité de cette condition. C’est par là même faire l'expérience de la ‘sisterhood’, de la sororité. C’est affirmer que la discrimination dont les femmes sont l’objet en tant que femmes n'est pas nécessitée par la nature, et en particulier par la nature biologique, mais qu’elle est construite et liée à des formes sociales déterminées. C’est lutter pour que cette situation soit renversée et pour que les femmes puissent assumer elles-mêmes leur propre existence, dans le sens qu’elles choisissent. C’est inévitablement vouloir une autre société.
les femmes fournissent les deux tiers des heures totales travaillées et ne reçoivent que 10% du revenu mondial
La jouissance du corps de l’autre est une composante majeure de la hiérarchie
Mon rôle, dans la deuxième partie de ma vie, est de contribuer à penser, de provoquer des éclaircies, de formuler des mises en garde, d’interroger des évidences, d’éviter des impasses, d’indiquer des risques, plutôt que de définir les solutions, même si je prends parti dans les débats qui polarisent la réflexion et l’action tels qu’ils se formulent sur la scène qui est aujourd’hui la mienne. Il m’importe surtout de relancer le dialogue
une fenêtre bat dans l'encore dormir…
extrait 2
hier, au moment de fermer les yeux, elle périssait. Et dans la nuit encore, trois fois réveillée. Maintenant, flottante, elle émerge au seuil d'un immense dimanche, tandis que s'enfuient à toutes jambes deux petites sœurs en jupes écossaises, abandonnant leur corde à danser dans la poussière.
eux devant la porte, attroupés, conversent déjà, maris méditerranéens de femmes absentes ou vouées au lavoir, leur trop d'enfants entre les jambes
à nos linges pliés nous nous reconnaissons, à nos paquets portés à travers rue. L'une, cheveux défrisés et teints en roux, proteste son destin parmi les autres à longues jupes. L'une rêve d'ailleurs, l'autre d'ici. Elles s'engouffreront dans la même voiture pour la promenade cet après-midi
L’espace symbolique, le façonnement des formes et des représentations qui structurent notre imaginaire, est presque exclusivement le fait des hommes
Sur le plan social et culturel, comme sur le plan économique, la production des femmes est annexée et capitalisée par [les hommes]. La dominance masculine est donc tout à la fois inscrite dans le processus de la réalité elle-même, et renforcée tant par son autoprésentation que par la lecture du savoir historique traditionnel. La part innovatrice des femmes dans la constitution du monde commun leur est ainsi doublement dérobée. Ce qu'une histoire "féministe", c'est à dire libérée de préjugés concernant le rapport des sexes, peut faire apparaître, ce sont tout à la fois les mécanismes par lesquels les femmes ont été traditionnellement, et dans chaque conjoncture particulière, "minorisées", mais aussi et en même temps leurs apports constitutifs oblitérés à la chose commune. Car l'absence des femmes dans l'histoire signifie leur éviction du pouvoir plutôt que leur manque d'activité : ce qu'elles produisent et agissent, dans le cadre général de la domination, n'est pas porté à leur crédit.
Le problème spécifique de l’hétérosexualité est qu’elle se greffe sur la division sociale hiérarchique entre hommes et femmes, qu’elle s’inscrit dans son pli, dans une structure qui est l’objet de notre réflexion et de notre action politique transformatrice. Mais une révolution n’est pas une éradication du désir
je pense que la prostitution, et son développement actuel, est pour les hommes, qu’ils y recourent ou pas, un phénomène compensatoire de réassurance de soi qui fait obstacle au processus de reconnaissances des femmes que le mouvement féministe a réalisé et qu’il ont dû accepter par ailleurs