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Citation de MIP


Après cette tentative d’assassinat, Spinoza prend pour devise le mot latin Caute, « Méfie-toi ». Ce qui le conduira par la suite à renoncer à publier certains de ses ouvrages ou bien à les publier sous un nom d’emprunt. Peu de temps après cet événement tragique, comme aucun arrangement ne semblait possible entre le jeune homme et les autorités de la synagogue, ces dernières prirent la décision de bannir définitivement Spinoza de la communauté. Le 27 juillet 1656, se déroule dans la synagogue d’Amsterdam une cérémonie aussi rare que violente : les anciens prononcent un herem, un acte solennel de « séparation », envers Baruch Spinoza, alors âgé de vingt-trois ans. Le texte a été retrouvé dans son intégralité : « À l’aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos livres saints et des six cent treize commandements qui y sont enfermés. Nous formulons ce herem comme Josué le formula à l’encontre de Jéricho. Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l’on trouve dans la Loi. Qu’il soit maudit le jour et maudit la nuit. Qu’il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille. Qu’il soit maudit à son entrée et qu’il soit maudit à sa sortie. Veuille l’Éternel ne jamais lui pardonner. Veuille l’Éternel allumer contre cet homme toute Sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi : que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais, et qu’il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d’Israël en l’affligeant de toutes les malédictions que contient la Loi. Et vous qui restez attachés à l’Éternel, votre Dieu, qu’Il vous conserve en vie. Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation écrite ni verbale. Qu’il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l’approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits. »
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C’est ainsi que David Ben Gourion, alors Premier ministre du jeune État hébreu, proposa en 1953 de faire de Spinoza un « père fondateur » du nouvel État juif. Les rabbins lui répondirent par une fin de non-recevoir. Ils protestèrent aussi violemment lorsque, en 1956, à l’occasion du 300e anniversaire du herem de Spinoza, il envoya l’ambassadeur d’Israël aux Pays-Bas assister à la cérémonie au cours de laquelle on dressa, dans le cimetière où il avait été enterré, une stèle commémorative, financée par les dons de juifs israéliens, sur laquelle était inscrit en hébreu : « Amcha », « Ton peuple ». Ben Gourion, à qui on avait aussi demandé de faire lever le herem à cette occasion, se refusa à entreprendre cette démarche, non seulement parce qu’il savait cette cause perdue d’avance, mais aussi parce qu’il considérait que le herem était « nul et non avenu ». « Il y a, à Tel Aviv, une rue qui porte son nom, écrit-il, et il n’est pas une seule personne dotée de raison dans ce pays pour considérer que son exclusion est toujours en vigueur6. »

En 2012, toutefois, le grand rabbin d’Amsterdam fut sollicité par de nombreuses personnalités juives, afin de lever le herem et de réintégrer Spinoza dans la communauté. Il créa une commission pour étudier « le cas Spinoza » (à laquelle participeront non seulement des religieux, mais aussi des philosophes et des historiens, tel Steven Nadler), laquelle conclut, en juillet 2013, qu’une telle levée était impossible non seulement parce que les motifs qui l’avaient motivée restaient intacts, mais surtout parce que Spinoza n’avait jamais exprimé le moindre repentir, ni le moindre désir de rejoindre la communauté juive.
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