San Michele Arcangiolo, qui sait toujours exactement comment se conduire avec les gens, et surtout avec les scimiotti comme celui-là, enfonça sa lance dans le ventre du petit diavolo, tout comme Gianetta quand elle embroche une bécasse pour la faire rôtir. Tout en le maintenant ainsi devant lui – car il vaut toujours mieux tenir les méchants devant soi -, le grand archange emporta jusqu’à notre monde le petit diavolo qui se tortillait et s’agitait sans cesse. Les flammes, comme à l’aller, dansaient autour et au-dessus de lui, sans jamais qu’une seule plume ne brûlât et sans jamais que sa peau si blanche ne s’abîmât, parce qu’elles ne pouvaient pas transpercer la glace de sa pureté. Le diavolo, par contre, se tordait et se tourmentait quand elles le touchaient – exactement comme je le ferais, Monsieur, si vous me fouettiez nu avec des câbles de métal chauffés à blanc, et non avec des brindilles de lilas comme vous le faites d’habitude quand je vous ai désobéi.
Mais quand les autres âmes damnées virent que la mamma de san Pietro était sur le point de les quitter, elles voulurent s’échapper, elles aussi, et elles agrippèrent ses jupes dans l’espoir de mettre fin à leur supplice. L’ange continuait à monter, la mère de san Pietro tenait fermement son bout d’oignon, et plusieurs âmes torturées s’accrochaient à ses jupes, et d’autres aux pieds de celles-ci, et encore d’autres à celles-là, si bien qu’on aurait pu croire que l’Enfer tout entier était sur le point de se vider. Et l’ange continuait à monter, et sous lui toute une immense chaîne de personnes qui ne tenait que par un petit bout d’oignon.Le bout d’oignon, d’ailleurs, n’allait certainement pas se rompre, car grande est la force d’une bonne action. Cependant, la mamma de san Pietro se rendit compte de ce qui se passait, elle vit qu’un grand nombre d’âmes se servaient d’elle pour s’échapper de l’Enfer, et cela ne lui plut pas. C’était une femme méchante, égoïste et coléreuse. Elle se mit à donner des coups de pied et à s’agiter ; elle prit même le bout d’oignon dans sa bouche, pour avoir les mains libres et faire tomber ceux qui s’accrochaient à ses jupes. Elle lutta avec tant de force qu’à la fin, elle coupa le bout d’oignon avec ses dents, et elle retomba dans les flammes de l’Enfer.