FREDERIQUE
Pour accepter de venir d’Anduze où elle habitait depuis toujours, jusqu’à Valleraugue, cinquante-neuf kilomètres, la tante Clémence hésita pendant des années. Quand elle eu enfin cédé à sa nièce, elle avait passé les nonante. […]. Heureuse du voyage accompli, fière de son audace aventureuse, je pense que la tante Clémence força un peu sur la soupe de châtaignes, plat national assez lourd à digérer dont raffolent les purs Cévenols. Après le déjeuner elle sembla s’endormir, mais si profondément que sa nièce la vit morte. Que fit la tante Marguerite ? Elle alla quérir un médecin ? Nullement. Elle courut chercher un pasteur. […]. J’ai peur de rhabiller le passé en disant que le pasteur entra chez nous en robe noire, rabat blanc, une Bible à la main, c’est ainsi que le voit ma mémoire, et son entrée fut saisissante que la tante Clémence se réveilla comme Lazare quand Jésus le lui demanda.