Il suivit des cours à l'Université de Berlin. (...) ... il commença à s'intéresser à la franc-maçonnerie et il semble qu'il y ait trouvé les idées qui devaient animer ses dernières années. Dans un essai intitulé : "Franc-maçonnerie et humanité" publié en 1900, il déclarait déjà que par oeuvre maçonnique il ne fallait pas entendre autre chose que l'effort en vue de l'organisation de l'humanité.
(...)
En mai 1923, Stresemann fut admis comme membre régulier dans la loge "Frédéric le Grand", dont il fut élu grand-maître en 1925. Dans son activité maçonnique, il s'efforça de propager les idées de concorde et de réconciliation. Il chercha à réaliser l'union des loges allemandes, ainsi que le rapprochement de la maçonnerie allemande et de la maçonnerie française. Malheureusement, ses efforts dans ce domaine furent vains. Une conférence entre les grands-maîtres des neufs loges allemandes en vue de préparer la reprise des relations avec les loges françaises n'aboutit à aucun résultat. Sur sa tombe, les membres de la loge "Frédéric le Grand" firent entendre leur chant : "Frères, tendez-vous la main"; ils rendaient par là un ultime hommage à un homme qui avait été pénétré des idées maçonniques et qui s'était attaché à réaliser dans la politique et la diplomatie les idées de concorde et de fraternité.
322 - [p. 17-18-19]
Il avait une véritable admiration pour Clemenceau qui, disait-il, avait été vraiment un homme d'Etat et, même quand les canons allemands bombardaient Paris, n'avait pas un instant douté de la victoire. Avec des hommes comme Clemenceau à la tête de sa politique intérieure et extérieure, Stresemann avait la certitude que l'Allemagne eût gagné la guerre.
324 - [p. 57]
En politique extérieure, Stresemann considérait l'attitude des gouvernements socialistes comme absolument fausse. C'était, selon lui, se faire illusion que de croire l'Allemagne pouvait par des concessions obtenir sa place au soleil, alors que, disait-il, il était certain qu'elle n'arriverait à être traitée en égale par les autres puissances qu'en maintenant et en affirmant sa dignité. La perte de l'Alsace-Lorraine l'affectait extrêmement. Il eût voulu que des représentants des deux provinces perdues fussent admis à prendre part aux débats de l'Assemblée nationale, proclamant que l'Alsace et une grande partie de la Lorraine étaient terres allemandes et de sang allemand. «Quand bien même, s'écriait-il, le drapeau français flottait sur la cathédrale de Strasbourg, c'est un édifice né de l'esprit allemand et qui n'a rien à faire avec l'esprit français... Jamais nous n'oublierons que l'Alsace-Lorraine est allemande, qu'elle restera toujours moralement nôtre et que notre devoir sera de transformer cette possession morale en une possession effective ». A l’Est également, il demandait que le lien spirituel unissant l'Allemagne aux territoires cédés à la Pologne fût éternellement maintenu. Le rattachement de l'Autriche lui apparaissait comme une nécessité inéluctable, et cette perspective était à ses yeux le seul point lumineux dans la tristesse du temps.
325 - [p. 77-78]
Il invoquait le témoignage de Napoléon pour justifier son idée favorite, suivant laquelle l'Allemagne devait avoir une forte marine. Il attaquait vivement les auteurs des manuels scolaires allemands, qui ne voulaient pas admettre que Napoléon n'avait pas été l'ennemi de l'Allemagne, mais bien, en premier lieu, l'ennemi de l'Angleterre. Il n'y a guère d'orateur ou d'historien allemand qui soit allé si loin que Stresemann dans son enthousiasme pour Napoléon, enthousiasme qui n'était peut-être pas inférieur à celui que lui inspirait Bismarck, le héros national allemand. Aussi possédait-il une des plus belles collection de souvenirs napoléoniens, qu'il avait lui-même réunie pièce par pièce. En Napoléon, il voyait non seulement l'homme qui voulait briser l'hégémonie anglaise, mais aussi le génie administratif qui avait instauré en France un ordre nouveau.
323 - [p. 45-46]
La proclamation du royaume de Pologne, en 1916, lui apparaissait comme une des plus graves bévues de la politique allemande. Son point de vue, qu'il défendait avec une extrême âpreté, était que l'Allemagne, tant que la paix n'était pas conclue, n'avait pas à se démunir d'un des gages qu'elle avait conquis par l'épée. Proclamer un royaume de Pologne, alors que la paix n'était pas encore faite, lui semblait une énormité ; et, quand à rattacher à ce royaume les provinces allemandes d'origine polonaise, cela était, à ses yeux, absolument impossible. Le partage de la Pologne était considéré par lui comme un fait acquis par l'Histoire, sur lequel il n'y avait pas à revenir. On ne pouvait, estimait-il, envisager le rétablissement d'un royaume polonais autonome que pour les territoires polonais enlevés par les armes à la Russie.
327 - [p. 50]