Je n’ai par ailleurs trouvé de réponse à aucune des questions qui reviennent sans cesse marteler mon crâne. J’aurais dû devenir fou. Peut-être le suis-je. Kojirō n’avait pas d’autre nom qu’une série de chiffres. Je l’ai nommé ainsi par défi en repensant à un combat qui a marqué l’histoire du Japon. D’un côté, Miyamoto Musashi, samouraï errant au corps aguerri et à l’esprit vif, aussi adroit avec un sabre qu’avec un pinceau. De l’autre, Sasaki Kojirō, dont la technique remarquable reposait sur l’imitation du vol d’une hirondelle. Il est admis que Kojirō fut rapidement terrassé. En donnant naïvement le nom du vaincu à la forme invisible qui a précipité l’effondrement des hommes, je fais germer l’espoir d’un possible salut.
Je ressors de l’épicerie avec des cornichons, trois boîtes de raviolis ainsi que deux bouteilles de Côte du Rhône oubliées dans la réserve. Ce soir je bois aux anges. La présence exclusive de raviolis dans les rayons est un mystère que je ne cherche plus à élucider. Il en va de ma santé mentale. J’ai appris à les aimer.