Et cette pensée me poursuivait : peut-être bien que la plupart des gens que nous voyons marcher sont morts. Nous disons qu'un homme est mort quand son cœur cesse de battre, pas avant. Ça semble un peu arbitraire. Après tout, il y a des parties de votre corps qui continuent à fonctionner -le poil, par exemple, pousse encore pendant des années. Peut-être un homme meurt-il vraiment quand son cerveau s'arrête -quand il a perdu l'aptitude à enregistrer une idée neuve. Ce cher Porteous est comme ça. Une merveille d'érudition, une merveille de bon goût -mais incapable de changer. Dit les mêmes choses, remâche les mêmes pensées, jour après jour, année après année. Il y a des tas de gens comme ça. Morts dans leur tête, bloqués de l'intérieur. Avançant et reculant sur la même voie exiguë, et perdant sans cesse de leur consistance, comme des spectres.