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Citations de Georges-André Quiniou (11)


Sincèrement, je peux me considérer comme quelqu'un totalement dénué
d'ambition. La position sociale confortable — mais sans aucun éclat particulier
— à laquelle j'étais parvenu tenait davantage à l'enchaînement de hasards
heureux qu'à une féroce volonté de réussite personnelle. A ceux qui auraient pu
l'envier et penser que j'avais fait des pieds et des mains pour en arriver là,
j'affirme qu'il n'en est rien. Ç'aurait d'ailleurs été un bien médiocre résultat,
pour y avoir consacré la moitié de sa vie, que de se trouver dans la situation que
j'occupais alors. Si elle me convenait c'est que je n'avais rien fait pour l'obtenir,
rien d'autre que remplir avec conscience mes obligations professionnelles.
Voilà où j'en étais lorsqu'un soir tout fut remis en question. Ne croyez pas
que je cherche à me justifier en quoi que ce soit en relatant ces événements ; je
voudrais seulement apporter au public les éléments d'information dont je
dispose concernant un phénomène qui a toujours passé pour assez mystérieux.
Ce soir-là, donc, je rentrai chez moi comme d'habitude vers sept heures et
demie. De mon bureau, en plein centre ville, à cette maison que nous avions
achetée quelques années auparavant ma femme et moi, il y a bien dix minutes —
un quart d'heure de voiture, parfois davantage lorsqu'il fait mauvais temps
comme aujourd'hui. On était fin novembre ; la nuit était depuis longtemps
tombée. La pluie radoucissait la température mais un vent violent de tempête
venait de se lever. Ce temps-là ne me déplaît pas : j'aime sa fraîcheur vivifiante,
l'atmosphère purifiée par les coups de boutoir des bourrasques qui font gémir
les lignes électriques. Sur le pare-brise noyé, le métronome ronronnant des
essuie-glaces scandait la progression d'une file de feux rouges devant moi. Tout
cela promettait le confort des quatre murs solides et du toit où l'on trouverait
bientôt protection.
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C'est ce soir-là que j'ai rencontré Cynthia; donc le mardi 20 mars. J'ai déjà expliqué pourquoi je me souviens aussi précisément de cette date. Elle était habillée en lapin mais, sur le coup, je n'ai trouvé là rien d'étrange. D'ailleurs il n'y avait pas de confusion possible, il ne s'agissait que d'une vague évocation de lapin : au sommet d'un bonnet de fourrure synthétique rose, à poils ras - une sorte de passe-montagne plutôt -, oscillaient assez gentiment à chacun de ses mouvements deux lamentables oreilles de peluche grise, à l'intérieur blanc (dont l'une, intentionnellement cassée, était probablement censée faire encore plus "lapin"); une grosse houpette de fourrure, blanche elle aussi, mystérieusement fixée au bas des reins, rappelait la petite couette qui caractérise ces animaux-là, surtout dans les dessins animés. Mais les attributs la rattachant à la famille des léporidés se limitaient à cela car pour le reste (les incisives proéminentes sous un museau fendu en bec de lièvre, ces globes inexpressifs des yeux disposés chez les lapins de chaque côté de la tête), cela n'avait rien à voir : sa parfaite denture que révélait son sourire de commande, l'éclat enjoué de son regard étaient bien ceux d'une jeune femme tout à fait normale; et même un peu au-dessus de la normale, ajouterai-je.
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Il s'est tu, et le silence a duré jusqu'à ce qu'il fasse mine de se lever en posant les mains sur ses cuisses :
« Eh bien voilà ! Tu sais tout... Ça en valait la peine, non ?
- Cette fille-là est une garce », ai-je fait sans réfléchir.
Ça l'a fait bondir :
« Ah, non ! Je ne veux pas qu'on pense ça ! Tout ce que tu voudras sauf une garce !
- Je ne te comprends pas, Philippe.
- Moi non plus », a-t-il répliqué durement.
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"Elle était comment ta poupée, avait demandé le monsieur en lui prenant la main ; c'était une belle poupée ?"
Agathe avait hoché la tête à plusieurs reprises, reniflant par à-coups.
"Mais elle était comment ? avait repris le monsieur.
- En chiffon, avait fait Agathe qui avait maintenant cessé de pleurer ; en chiffon avec des cheveux rouges, enfin roux, quoi ; et puis tu sais elle a une robe bleue avec des fleurs blanches jusqu'aux pieds ; elle a une autre robe aussi, pour l'hiver, c'est du velours marron avec de la dentelle ; celle-là c'est maman qui l'a faite ; et puis...
- Elle est grande ? l'avait interrompue le monsieur.
- Elle a trois ans, avait dit Agathe ; c'est déjà grand pour une poupée."
L'homme avait souri ; il s'était relevé pour s'asseoir près d'elle ; il avait posé sur le banc sa mallette de cuir noir et elles s'étaient poussées un peu toutes les deux, Cécile et elle, pour lui faire de la place. Elle était toute prête maintenant à bavarder.
"Ce n'est pas son âge que je te demande, avait repris le monsieur - et quand il avait commencé à parler le sourire était parti de ses lèvres mais on voyait bien qu'il était resté dans ses yeux -, je te demande si elle est grande : est-ce que c'est une grande ou une petite poupée ?
Agathe avait tendu sa main à la hauteur du siège sans une hésitation :
- Comme ça ; elle arrive juste là... Nunuche est un peu plus grande ; mais ça veut rien dire la grandeur des poupées, y'en a même des toutes petites, j'ai une copine à l'école...
- Bon, écoute, avait dit le monsieur, on va la chercher ensemble tous les trois; elle n'est sûrement pas très loin ; ça ne se sauve pas les poupées.
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Lagadu - c'était le nom du lutin - n'avait pas remarqué l'irréversible transformation du bourg, même si, de temps à autre, il s'étonnait de la foule estivale toujours plus dense sur la grande plage et de la construction çà et là d'une maison nouvelle. Il se demandait bien parfois ce qui pouvait amener tous ces gens sur le sable et dans l'eau, d'autant plus que - vous le savez sans doute - les lutins ignorent le plaisir de la baignade, trouvant leur pleine satisfaction dans la contemplation de la mer et une jouissance affinée de l'air salin des grèves. Il se posait quelques vagues questions, mais n'étant pas, comme vous, naturellement porté aux spéculations économiques et sociales, n'avait jamais pris conscience des phénomènes de migration saisonnière, de congés payés ou de prolifération des résidences secondaires.
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Le talon d’Achille

Mais oui je m’en serais allé
Au gré des vagues de la ville
Si je n’avais le pied lié
Chacun a son talon d’Achille

Le pied lié par ton regard
Si dépendant et suppliant
Et pourtant fier comme le phare
Qu’isole un mauvais océan

Je m’en serais allé malheur
Sur moi qui n’aurais pas su vivre
Car tu aurais caché tes pleurs
Sans essayer de me poursuivre

Aussi lorsque je suis méchant
Comprends que c’est par trop d’amour
C’est s’en aller pour un instant
Mentalement dans un long jour.
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L'idée lui était venue comme cela, sans réfléchir : "Je voudrais être roi, alors. Ouais, un roi comme ceux qu'on voit dans les magazines, tu sais Jour de France ou Point de vue, t'as jamais lu ça ? Des types qui passent leur temps dans les réceptions ou sur des yachts, avec plein de belles filles en robes longues, diamants et tout. Ils en fichent pas une rame et au moins ils ne sont pas comme nous dans la merde."
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- Écoute, Michel, on s'en fiche des autres. Je te demande de venir pour moi, uniquement pour moi, tu peux bien faire ça ?
- Plus maintenant, ai-je dit.
- Alors laisse-moi au moins venir chez toi... t'expliquer...
- Non, ça ne servirait plus à rien.
Elle a attendu quelques secondes avant d'accepter mon verdict et a repris de sa voix normale, sans plus se soucier que les autres puissent l’entendre :
- Bon ; j'ai compris, tu sais. Je crois qu'on n'a plus rien à se dire...
Je ne sais pourquoi je lui ai soudain demandé de ne pas raccrocher tout de suite, pas avant que la chanson ne soit terminée. Elle n'a rien répondu mais j'ai entendu les bruits du bar et la voix de Piaf jusqu'à la fin, mêlés au souffle trop rapide de Sophie dans le microphone. "... Aujourd'huiii... ça commence avec toi !!!..." Je me suis figuré qu'elle pleurait, bien que rien ne m'ait permis de l'affirmer avec certitude. Après que se soient éteints les derniers flonflons de la chanson elle a simplement murmuré :
- Voilà, c'est fini...
Puis elle a raccroché.
J'ai raccroché à mon tour et je suis redescendu au jardin. Le soleil n'avait pas beaucoup baissé et la chaleur était toujours aussi étouffante.
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« J’ai aussi reçu un autre coup de téléphone : d’Alfred... Vous saviez que Rémy Dorval avait été retrouvé sur la voie hier après-midi, entre Reims et Rethel ? Mort, bien entendu. »
Atterré, Jacques comprend que l’histoire qu’il allait raconter à Patrick a bien peu de chances de passer, même avec l’appui de Flora. D’ailleurs Flora continuera-t-elle à le soutenir quand elle aura appris la nouvelle ? Sentir que son désarroi lui donne l’air coupable, quoiqu’il puisse dire, ne fait qu’augmenter sa confusion et le rendre davantage suspect. Il faut dire la vérité, tout de suite ; il a les moyens de la prouver : l’enterrement de la tante Berthe, le curé, on peut aisément vérifier. Mais sous le coup de la révélation il murmure, incrédule :
« Un accident ? »
Patrick ne rit pas.
« Je ne connaissais pas Dorval, mais si j’en crois Alfred il n’était pas du genre à sauter tout seul d’un train en pleine vitesse. »
Jacques entrevoit la seule chance qu’il a de s’en sortir.
« Les deux types de la gare ?
— Peut-être... Vous les aviez repérés, non ?
— Je ne les ai jamais vus, je vous assure, c’est un malentendu. Je vous ai peut-être laissé croire... »
Mais Patrick ne lui permet pas d’achever.
« Qui êtes-vous ? »
Il ne le quitte pas des yeux et Jacques n’aperçoit pas tout de suite le petit automatique nickelé de la veille qu’il tient braqué sur lui. Il voudrait lever les mains comme on le voit dans les films, mais cela c’est justement dans les films et lui reste paralysé, les bras ballants le long du corps.
« Je m’appelle Jacques Dorival, parvient-il à articuler d’une voix ferme, mais je n’ai rien à voir dans tout cela. Je suis architecte.
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« Ah ! tu écris encore une de tes histoires ? ça tombe bien : je viens justement t’en raconter une, et qui en vaut la peine, je te prie de croire ! T’as un peu de temps, non ? »
Philippe avait sonné alors que j’entamais à peine le premier chapitre. Comme je voulais lui faire comprendre que je travaillais, je l’avais introduit directement dans le bureau. Il avait vu ma vieille Triumph sur la table — je venais d’y engager une feuille blanche -, les notes éparses alentour ; peut-être à travers la porte m’avait-il entendu taper avant de sonner.
« Tu sais, le temps… c’est pas ça que j’ai en trop en ce moment… »
Évidemment il faisait semblant de ne pas comprendre ; quand il était disponible, il fallait que les autres le soient aussi. Il tournait en rond dans la pièce, les mains dans les poches, très à son aise comme d’habitude ; jetait un coup d’œil aux rayonnages de bouquins, se plantait devant la porte-fenêtre pour humer l’air du jardin ; il n’arrêtait pas d’aller et venir.
J’étais retourné m’asseoir au bureau ; ostensiblement je m’étais mis à feuilleter mes notes ; ça ne ferait pas avancer mon travail, mais j’étais trop contrarié : je ne voulais pas lâcher pied devant lui ; il faudrait bien qu’il comprenne un jour !
« Bon ! Alors tu ne veux pas de mon histoire ? »
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Il était une fois, dans un pays tout près d’ici mais dont personne ne soupçonne l’existence, une petite fille appelée Crapie. Elle aurait préféré s’appeler Amandine, ou Clémence, ou encore Louise mais ses parents l’avaient appelée Crapie et elle s’était habituée à ce nom-là, même si cela lui faisait penser un peu à crapaud.
Un jour qu’elle allait chercher une baguette pour son goûter à la boulangerie du quartier (car elle était assez grande maintenant pour aller toute seule à la boulangerie) elle entendit crier son nom – « Crapie ! » – et du coup se retourna : mais il n’y avait personne derrière elle ; personne devant non plus ; elle était toute seule dans la rue. Il n’y avait qu’un gros chat gris, assis sur le rebord d’une fenêtre, avec des yeux verts parsemés de paillettes dorées, et qui la regardait.
« Bonjour, chat… lui dit-elle.
– Crapie ! » miaula le chat.
Un peu surprise qu’un chat qu’elle n’avait jamais vu connaisse son nom, elle s’approcha de la fenêtre pour le caresser car il lui semblait plutôt gentil et qu’elle aimait bien les chats, qu’ils soient noirs et blancs ou tigrés, ou roux, et même ceux qui étaient tout gris. Elle lui fit une caresse sur le dos, de la tête à la queue, et trouva qu’il avait un beau poil, très épais et très doux. Elle allait lui faire une deuxième caresse lorsque le chat dit encore une fois : « Crapie…
– Oui, ben c’est moi, répondit Crapie ; qu’est-ce que tu veux ? »
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