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Citation de marguerite18


Je me postais d'ordinaire sur un petit escalier situé face à l'immeuble. Et d'abord, et comme toujours en ce qui concernait la personne de mon père, il y avait dans cette attente, en dépit de l'habitude, un grain d'anxiété : serait-il content de me voir ou, pour des raisons inconnues, aurait-il son air préoccupé des mauvais jours ? Mais déjà sa silhouette était sur le pas de la porte. A un geste imperceptible de la main - aussitôt réprimé - je pouvais mesurer le contentement qu'il venait d'éprouver en m'apercevant. Mais, d'emblée, les choses, pour nous, se compliquaient : sans doute étais-je content, tout au fond, que mon père fût heureux de me voir et aussi qu'il le manifestât par ce geste imperceptible de la main, aussitôt, d'ailleurs, réprimé. Ce qui était, chez lui, déjà, une démonstration. Mais en même temps, la vue de ce contentement me causait une gêne. Par une sorte de réflexe, hérité de lui sans doute et qui finissait naturellement par se retourner contre lui, il m'était difficile, pour ne pas dire intolérable - et cela n'a guère changé - que quelqu'un pût éprouver une satisfaction quelconque à me voir. Cela me paraissait à la fois incongru, en même temps que j'y voyais, je me rappelle, comme une obscure offense faite à la vie. A la moindre manifestation de ce contentement, redouté à la fois et non désagréable, j'aurais voulu rentrer dix pieds sous terre. J'allais jusqu'à y percevoir quelque chose d'impudique ; et je suis persuadé que mon père devait réagir de même. D'où la ténuité de son geste. Mais en vertu de ce que je viens de dire et du subtil jeu de miroir de nos rapports, cette réserve, cette économie de moyens dans la démonstration paternelle, la rendant plus éloquente, loin de diminuer ma gêne, ne faisait que l'accroître. Cette mutuelle discrétion finissait par nous paralyser.
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