En juin 1852 il passa avec succès l'examen de « matriculation » pour Exeter Collège. Faute de place il n'y put entrer qu'un an plus tard. Mais cette date de 1852 est capitale dans sa vie car elle marque le commencement de son amitié avec Edward Burne-Jones. Les hasards de l'examen voulurent en effet qu'il fût placé auprès d'un grand jeune homme timide qui venait de King Edward's School à Birmingham. I^es deux candidats firent connaissance pendant l'examen, et quand l'année suivante ils se retrouvèrent tous deux pensionnaires à Exeter Collège, au milieu d'autres étudiants dont les visages leur étaient inconnus, ils allèrent naturellement l'un vers l'autre. « Ils avaient beaucoup de points communs intellectuellement, écrit un de leurs biographes, et chez tous deux il y avait un ferment d'enthousiasme et de fantaisie poétique hérité de leur ascendance celtique et par lequel toute leur attitude en face de la vie moderne devait être déterminée. »
William Morris fut le plus grand de tous et son rôle fut considérable dans la transformation de l'art anglais au XIXe siècle. Peu d'hommes furent aussi richement doués, peu de personnalités sont aussi sympathiques que la sienne et commandent autant l'admiration. Avec des dons intellectuels remarquables Morris possédait en effet une merveilleuse aptitude à comprendre la vie, à en accepter les joies sans en être aveuli, les douleurs et les déceptions sans en être découragé. Sa production littéraire et artistique est considérable, mais il fut mieux qu'un grand poète et qu'un grand artiste, il fut avant tout un homme.
L'art anglais avait brillé d'un éclat extraordinaire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle grâce à de grands portraitistes comme Romney, Hoppner, et surtout Gainsborough et Reynolds, mais cette splendeur avait été très éphémère. La « Royal Academy » en instaurant d'étroites disciplines et en érigeant en dogme l'imitation de l'antique n'avait pu arrêter une décadence rapide et lamentable.
La prospérité de sa maison de décoration était alors solidement établie, les ouvriers qu'il avait formés étaient suffisamment entraînés, aussi, se sentant moins nécessaire, dédaigneux d'une tâche trop facile à son gré, il allait, à cinquante-six ans, se renouveler complètement et consacrer ce qui lui restait de forces à la transformation de l'imprimerie. Poète et artiste, il déplorait le commercialisme qui déshonorait les livres ; il s'indignait du manque de conscience et de goût des imprimeurs et éditeurs du XIXe siècle et se prenait à regretter le soin délicat des enlumineurs du moyen âge ou le sens artistique très pur des grands imprimeurs des XVe et XVe siècles.
C'est alors que commença l'action de John Ruskin. Dans une série d'ouvrages aux titres harmonieux et parfois énigmatiques : les Peintres modernes ; les Pierres de Venise; les Sept lampes de l'architecture, qui parurent de 1843 à 1860 il essaya de combattre l'utilitarisme de ses contemporains, de les amener à sentir le charme de la beauté. Avec une vigueur combative qui lui faisait exagérer sa pensée, il attaqua les dogmes artistiques au nom desquels on décourageait les jeunes talents, les poncifs que l'on copiait fidèlement et qui dispensaient d'effort.
Ainsi semblaient être justifiées les doléances de critiques pessimistes qui affirmaient que, sauf de rares exceptions, l'Angleterre n'était pas une nation artiste. Auprès des graves crises économiques et politiques qui bouleversèrent le pays pendant toute la première moitié du XIXe siècle, les problèmes d'art semblaient de bien peu d'importance; les uns les niaient, les autres, plus favorables, en remettaient la solution à plus tard.