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Bibliographie de Gérard Lambin   (5)Voir plus

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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
L'histoire et l'épopée se rejoignent cependant sur un point essentiel : toutes deux sont filles de la Mémoire, comme Calliope et Clio, les Muses qui président à leur élaboration. La nature différente de la mémoire historique et de celle du poète, l'une censée objective, l'autre sacralisée ... n'importe pas ici. L'histoire et l'épopée sont deux soeurs. Elles jouent le même rôle en constituant une part essentielle de la mémoire collective du peuple dont elles gardent le passé, sans lequel ce peuple ne pourrait trouver son ancrage temporel et s'installer dans le temps linéaire, orienté, que supposent l'espérance et le progrès. Car posséder un passé, un passé définitif à jamais cristallisé dans le récit qu'en font historiens ou poètes, c'est posséder symétriquement un avenir, de l'autre côté de la limite incertaine du présent.

p. 98
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Le banquet n'était pas, dans sa forme idéale, une simple réunion où l'on buvait. Il était l'élément central de la vie sociale, le lieu par excellence où l'on se rencontrait, parlait, échangeait des idées - d'où le genre littéraire, si remarquable, du Banquet, encore illustré par Plutarque, Athénée, l'empereur Julien, bien après Platon ou Xénophon ; il était le prétexte et le moyen d'une convivialité, plus ou moins aristocratique à l'origine, reposant sur une véritable Trinkkultur. Les règles du bien boire furent souvent transgressées, et le banquet se réduisit plus d'une fois à une beuverie où la complicité, la bonne humeur, purent être remplacées par "le tapage et les cris", voire les disputes ou propos trop libres, qu'il fallait oublier. Mais toujours il resta lié à l'identité grecque, qu'une vision hellénocentrique et dichotomique du monde opposait à la barbarie, notamment, des Scythes sauvages et nomades, portant bien connus à Athènes, où certains assuraient la police des rues.

pp. 96-97
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Les épithètes bien connues d'Ulysse "aux mille ruses", "aux mille expédients", suffisaient à le prouver : le héros de l'Odyssée correspond à un type humain qui n'eut pas d'abord sa place dans l'univers aristocratique de l'épopée. Il est le petit qui n'a pas peur des grands - celui que l'on retrouve dans la littérature populaire et notamment enfantine, jusque dans les modernes bandes dessinées - parce que son ingéniosité, avec ce qu'elle suppose de ruse et de tromperie, lui permet de triompher de tous les obstacles et de l'emporter même sur Ajax, qui incarne l'idéal héroïque dans ce qu'il a de plus noble et ds plus rigide. Car les armes d'Achille, tué par Pâris et Apollon, furent attribuées à Ulysse et non pas au grand Ajax, lequel, de désespoir et de colère, se suicida. Décision injuste, scandaleuse, si l'on considère que ces armes revenaient de droit à celui que sa force et sa vaillance plaçaient immédiatement après le héros mort, et pourtant justifiée si l'on estime, en opposant la notion triviale d'efficacité à l'absolu d'un idéal trop oublieux, peut-être, des réalités, qu'il fallait honorer celui qui, par sa ruse, avait causé le plus de tort à l'ennemi.

p. 151
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Anacréon n'avait donc pas besoin de composer un Art Poétique ou de s'interroger, dans ses vers, sur la fonction du poète pour être un novateur et défendre une conception de la poésie qui est, en fait une conception de la vie. Il fut "le sage Anacréon" plus qu'on ne l'a dit, et le digne produit de l'Ionie du VI°s. Simonide, Bacchylide, Pindare sont encore les tenants d'une morale traditionnelle, aristocratique, qui les rattache à la Grèce des héros, à celle d'Homère ; Anacréon, bien que leur aîné, n'appartient plus à cette Grèce-là. L'idéal héroïque, porteur d'une vision du monde, finalement optimiste, où le temps est durée, où le savoir est mémoire, n'a plus cours dans son oeuvre. Son univers est neuf et profane, purement terrestre. Et pauvre. Et, d'une certaine manière, désespérant. Nulle grandeur, nul espoir, rien qui transcende une réalité médiocre. Les dieux et les mythes ne protègent plus les hommes dont l'horizon s'arrête à la lisière de la polis.

p. 138
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Amour, Aphrodite, les Nymphes et, nommé seulement dans le dernier vers [du poème cité] Dionysos, le dieu libérateur qui, dans l'ivresse, fait oublier toute réserve : divinités souriantes et compagnes de jeu, liées entre elles par le jeu, comme si leur nature même avait quelque chose de ludique, comme si aimer jouer, aimer jouer à aimer était, d'une certaine manière, se rapprocher du ciel. Mais n'est-ce pas ce que dit Anacréon d'une autre façon lorsque ... il répondit à qui lui demandait pourquoi il n'écrivait pas des hymnes aux dieux, mais aux jeunes gens : "parce que ce sont eux, nos dieux."

Il y a peut-être dans ces mots plus qu'une boutade. Non pas qu'il faille soupçonner Anacréon d'athéisme. Mais il semble avoir éprouvé de manière particulièrement aiguë le sentiment, partagé sans doute avec beaucoup de ses protecteurs, que le bonheur n'est pas dans un Au-Delà supraterrestre ni dans le vaste monde et la vie des hommes ordinaires, mais dans un cadre étroit, resserré, protégé -- faux. Ce bonheur, il savait le trouver principalement entre les murs de la salle des banquets, dans les cercles mondains réunissant pour quelques heures, dans une atmosphère joyeuse et distinguée, une société qui pouvait n'être pas dupe de la pauvreté de son idéal.

p. 68-69
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(La fonction fabulatrice) est ce qui distingue le langage humain de celui de certains animaux. Le langage, si pauvre, de ces derniers, est purement instrumental. Le langage humain, lui, fait plus qu'être un outil de communication, il est un Verbe créateur de contes, de mythes, de fables, de poèmes, de rêves éveillés aussi bien que de mensonges. La "fonction fabulatrice" est à l'origine des plus hautes et des plus basses créations de l'esprit humain. Elle est, en dernière analyse, à l'origine de toute littérature, comme elle est à l'origine de tous les mythes.

p. 36
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Florence Dupont rappelle justement, après Jesper Svenbro, que "la Grèce classique se méfie de l'écriture quand elle prétend transcrire et conserver la parole des vivants, et de la lecture qui asservit le lecteur à la volonté du scripteur, car la fonction la plus ancienne de l'écriture grecque n'était pas d'enregistrer les paroles des hommes mais de faire parler les choses muettes, coupes ou stèles funéraires, grâce à l'oralisation de l'inscription par le lecteur."

p. 49
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... La pensée rationnelle, si tôt à l'oeuvre dans la Grèce d'Asie, ne fit pas que permettre à la "fonction fabulatrice" de s'épanouir "en romancement de l'imaginaire" (Gusdorf, "Mythe et métaphysique"). Elle s'accompagna d'une dégradation du sentiment religieux, évidente chez Homère (surtout lorsqu'on le compare à Hésiode). Et le mythe, rendu inutile, vacant, lorsqu'il n'était pas lié à ce qui restait de la religion, par la perte de sa fonction explicative, put devenir matière à littérature, offerte à qui voulait la prendre. Les poètes s'en emparèrent tout naturellement les premiers, en faisant de ces fabulations, interprétées de plus en plus librement, la base de leurs propres fabulations : s'il est exagéré de dire, comme G. Gusdorf, qu'"il donne naissance à la littérature, qui, dans son développement progressif, consacre l'humanisation, la profanation du mythe", son importance est extrême d'Homère à Giraudoux, Sartre, Anouilh ou Cocteau.

p. 43
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Le fait que les Grecs, dont la langue est, à bien des égards, une des plus conservatrices des langues indo-européennes, aient été si infidèles à la religion et même à la pensée des Indo-Européens, telles qu'on peut les entrevoir, au point de n'avoir même pas récupéré quelques mythes essentiels pour les transposer dans l'histoire ou l'épopée, comme les Romains ou les Indiens, s'explique à coup sûr par l'influence, si évidente dans le domaine artistique, de la civilisation minoenne, et par celle d'un substrat dit, faute de mieux, "égéen", "méditerranéen" ou encore "pré-hellénique".

p.50
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Les noms de Thalès, Anaximandre et Anaximène, tous trois de Milet, sont liés en effet à une désacralisation du savoir qui fit imaginer des cosmologies non pas entièrement libérées de l'influence des mythes, mais très différentes des antiques cosmogonies dont la Théogonie d'Hésiode reste le témoin, en même temps que se développait une première morale exempte de toute référence religieuse, celle que l'on prête aux Sept Sages. Et surtout un esprit nouveau se fit jour, pour lequel les faits n'étaient plus prédéterminés, contenus par avance dans un mythe donnant /l'idée/, au sens platonicien du terme, le modèle archétype de tout ce qui pouvait survenir. Un esprit nouveau se fit jour, que l'on peut déjà qualifier d'historique, cherchant à découvrir lui-même patiemment, par une "enquête" - tel est le sens premier d'/historia/ - une vérité purement humaine. Faire avait cessé d'être refaire ; l'homme était devenu un individu à l'irréductible singularité ; le temps était désormais la trame de tous les actes, un temps linéaire et non plus cyclique, permettant de se projeter dans l'avenir et surtout de donner au présent toute son importance.
Homère est antérieur à cette révolution... Sa pensée n'est donc plus à proprement parler une pensée mythique, mais il vivait dans un temps où l'histoire n'était pas encore celle des historiens, parce que la "fonction fabulatrice" s'attachait toujours à la réalité, alors que dans le monde moderne l'impérialisme scientifique tend à ne plus lui laisser que la part du rêve, de l'idéal, de l'imaginaire, en un mot : l'irréalité.

pp. 39-40
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