Gérard Lecomte (III)

Qu'il dorme…



Qu'il dorme,
et comme l'étoile du voyageur,
le ciel s'est levé clair
jusqu'au nadir.
Qu'il dorme, qu'il se masque :
ses liens sont maintenant
mis à nu.
Et de ce cerveau incomparable,
de cette peau capable de brunir
avec la terre, transparente et muette
dans ses secrets,
sembla paraître et disparaître
une maison
dissimulant derrière les apparences
à la fois les traces
et les chemins de l'intérieur.

I


De quelle saison s’agit-il,
puisqu’on peut rencontrer
au bord de la route
-de n’importe quelle route-
cette succession de petits domaines
qui ont grandi
au détriment des prairies ?

II


Ce bruit hors de la trace
où on se souvient avoir marché :
les particules visiblement
travaillant de l’intérieur,
afin de hâter la transformation
des matières.

III


L’ours et le loup sont ici,
au-delà même de la vigne vierge
qui traverse, si elle n’habite pas,
chaque corps,
avec cette faculté de paraître résister
aux mouvements contraires de la nature.

D’air et de vapeur…



D’air et de vapeur,
mais aussi montagnes très sages,
compactes.
végétation suspendue
immédiatement recomposée.
Tout cela est à l’image
de qui tenterait d’éprouver le réel
au feu de la terre.
Vu l’orbe se fondre dans les cristaux
et mettre en représentation
l’éclatement d’une feuille :
arrivé à un certain point
de la structure
le temps se trouve consommé.

Perdu dans la forêt…



Perdu dans la forêt,
sans l'arbre en feuille,
sans le coq qui chante
plus sûrement masqué,
là où la nuit dort

le chasseur va-t-il
abattre cette forme
qu'il est lui-même,
pas seulement
celle qui tombe et moisit
mais aime l'invisible ?

Adorable…



Adorable, parce que
hanté par la mort,
fabriqué dans ce rôle
venu au milieu de la prairie
prier ou se cacher.

Adorable,
parce que donné à la terre
- venu libre à elle -
avec tout le reste.