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Critiques de Gilbert Dupé (14)
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Le village perdu

Gilbert Dupé est un vieux besacier à histoires.

Le légendaire de son oeuvre est magnifique.

Et, sa plume élégante, trempée dans la plus expressive des encres, ici encore, a su le saisir.

Il neige sur Granges-de-Mortes.

Les habitants de ce petit village du Jura se préparent à la grande et morne solitude hivernale.

Mais entre les deux pentes d'un val désolé, au lieu dit les Refends, Angélique Barrodet a retrouvé le corps d'un homme, les bras étendus, la face contre le sol, une protubérance insolite au bas du crâne où quelques cheveux poisseux collaient.

Le sort, mystérieux, l'a mis ainsi en présence de celui qu'elle a à la fois le plus aimé et aussi le plus haï.

Il tenait incrusté dans la paume de sa main une pièce d'or, d'un modèle inconnu, dont la patine des âges avait à demi effacé l'empreinte ...

L'écriture de ce roman policier est splendide.

Mais est-ce vraiment un roman policier ?

Ce livre est empli de bruits, de senteurs, de paysages d'où semblent sortir de pittoresques personnages.

Il y a de la sorcellerie là-dedans !

Et un trésor que celui qui le découvre n'en doit pas parler, sous peine de mort subite !

Tout part d'une haine fatale entre deux hommes, celle qui sépare Landrin, que Gustave dit cocu, de Gustave, riche du Diable d'après Landrin.

Gilbert Dupé transcende, ici, le paysage.

Et, aucun de ses personnages ne semblent plus pouvoir y jamais disparaître une fois qu'il les a dépeints.

Lorsqu'il décrit l'approche de l'hiver, le froid semble engourdir les doigts de son lecteur.

Lorqu'il esquisse un portrait, il apparaît comme évident.

"Le village perdu" est un de ces livres qui sondent l'âme humaine.

Qu'ils soient de la montagne, du fond de la campagne ou de l'océan, Gilbert Dupé aime les horizons rugueux et désolés, ceux qui forgent les personnages taillés dans le brut.

Ce qui certainement a fait que le cinéma s'est emparé aussi promptement de son oeuvre.

En 1947, "Le village perdu", après "la ferme du pendu" et "le bateau à soupe", avant "la figure de proue", "le lit à deux places", "tempête sur les Mauvents" et "la foire aux femmes", est adapté sur le grand écran.

L'affiche du film est prestigieuse : Gaby Morlaix, Alfred Adam (l'auteur de "Sylvie et le fantôme), Lucienne Laurence (qui fût l'épouse de Dupé), Noël Roquevert ...

Gilbert Dupé en a signé le scénario et les dialogues.

Une fois de plus, c'est de la meilleure des littératures que le cinéma a puisé ce qu'il est de mieux ...





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Les Mauvents

Jusqu'à découvrir ce livre, il semblerait que la plume de Gilbert Dupé, arrachée de quelque sombre et majestueux cormoran, soit plutôt celle d'un solide écrivain de mer, ou du plus fidèle romancier qui toujours retourne à sa terre.

Mais le talent de l'écrivain, finalement, se joue des paysages.

Les somptueuses peintures, indispensables pourtant, ne sont que décors à la tragédie.

Dans une profonde gorge pyrénéenne, sur la route de la frontière, au bout d'un chemin difficile et escarpé, les Noguer, le père et le fils, s'accrochent à leur terre.

C'est un lieu déshérité que les gens autrefois avaient baptisé "les mauvais vents", les "Mauvents" avec l'usage.

Catoune, une jeune fille, d'abord prise prise pour un maraudeur, va faire irruption dans l'existence de ces deux hommes frustres ...

Ici, comme dans toute l'oeuvre de Dupé, le thème central est l'attachement à la terre.

Un coup de fusil annonce le drame.

Un autre va le conclure.

Entre les deux, s'insinue le mensonge.

L'écriture est splendide et son rythme est tourmenté.

Qui d'autre que Dupé, si ce n'est Farrère, peut, sans paraître façonnier pour autant, semer son récit de mots tels qu'endêver ?

Les descriptions sont époustouflantes.

L'intrigue est coupée au cordeau.

C'est une chronique du temps jadis, épaisse et sombre, qui, au détour de chaque ligne, hésite entre le sordide et le pitoyable, l'extraordinaire et le banal.

Gilbert Dupé connaît ses personnages.

Il sait leurs pensées les plus secrètes et nous les livre.

Ce roman, d'une tristesse insondable, est magnifique.

Pourtant, à aucun moment, il ne larmoie.

Le récit est mouvant.

Il imprime son mouvement au fil du changement des saisons, de la transformation des âmes et des paysages.

Gilbert Dupé signe certainement avec "les Mauvents" l'un de ses meilleurs ouvrages.

Et, en 1950, assurant l'écriture du scénario, il en réalisera lui-même une splendide adaptation au cinéma dont les dialogues seront écrits par Jean de la Varende.

Andrée Debar et Charles Vanel y sont Catoune et le vieux Noguer.

La chance serait avec vous si vous ne connaissiez pas ce film.

Car il vous resterait à le découvrir.

Mais le gros lot serait de ne connaître ni le film, ni le livre ...





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La barque de nuit

Ce roman semble avoir été écrit, en 1952, avec la plume d'un de ces goélands criards qui sont malmenés par le vent et la la pluie lorsque la tempête enserre l'île de Sein dans ses griffes noires et rugissantes.

Il en retrouve les accents sombres et tragiques.

Le captain Stiffell, vieux marin à demi-fou, a vu la "Bag-noz".

Elle dansait à la moustache blanche d'une lame ...

La "Bag-noz", en breton, c'est la barque de nuit, celle qui navigue, depuis des siècles autour de l'île, et qui emporte les morts d'Enèz-Seun, abandonnés dans l'année au sombre gouffre de la mer.

Quand on l'aperçoit, c'est mauvais signe.

Alors que la tempête couvre la grande île, Clet Coatmeur, cette nuit-là, arrache une inconnue à la fureur de la mer.

La jeune femme, blonde, muette et sans mémoire, est baptisée "Marg'hen".

Elle va attiser la haine, la jalousie de la brune Margaïe, la méfiance des îliens ...

"La barque de nuit" est un superbe roman, une histoire singulière pétrie de merveilleux et de superstition.

Le décor y est peint comme dans une ténébreuse peinture à l'huile.

Les personnages semblent sortir tout droit d'une tragédie antique ou d'une orageuse légende des îles.

Gilbert Dupé nous offre une belle histoire d'amour qu'il a trempée dans le légendaire breton.

Mais le roman n'en est pas réellement fantastique pour autant.

Car ses racines prennent naissance dans la plus tangible des réalités.

Mais point n'en faut trop dire pour conserver au récit tout son intérêt.

Rendez-vous, plutôt, chez Marzun, un des petits bistrots rangés le long du port où les hommes de Sein viennent étancher leur vaillance, leur soif de boire et de se taper sur la gueule.

Il y a là Kerninon, Caval, Couillandre, Cozic et Coatmeur dont la mère, "la Moeb", est une sorcière que tous craignent ...



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Contes de ma bourrine

"Contes de ma bourrine" est un livre paru en 1945.

Il aurait pu s'intituler "nouvelles villageoises" si ce titre n'avait pas été d'abord choisi par Louis Pergaud pour son très attendu retour "rustique" à Longeverne.

Et, il ne faut pas mésestimer ce recueil de contes qui, d'ailleurs, n'en sont pas vraiment.

Un monde ancien est fixé dans ce livre, un monde qui ne se rencontre aujourd'hui aussi authentiquement que très rarement dans la littérature.

Le monde rural de naguère y est palpable.

Il est empli de sentiments, de tragédies, de comédies, de pleurs et de rires, de caractères et de valeurs d'autrefois.

Il est empli de tout ce que notre monde rapide et efficace a avalé.

Mr Gilbert Dupé, homme de lettres nantais, a acheté par devant le notaire de Beauvoir-sur-Mer la maison-bourrine des époux Briand.

Ce qui fait presque de lui un personnage de ce bocage vendéen qui, "penché sur la plaine, semble attendre ou regretter la mer".

Car ce livre, s'il est un livre de paysage, est aussi et surtout une galerie de personnages :

Carcasseau le garde-champêtre, le colporteur Rase-Mottes, l'oncle Carajou, les demoiselles Pain-Pain, Gros-Jésus, le bonhomme Mangemotte, la mère Sac d'Os vieille devine et savante dans les mystères de l'amour, et bien d'autres ...

L'ouvrage est composé de quatorze textes tressés de rires et de larmes, de truculence et de tendresse :

- "un grand homme", "les voisins", "le trou", "le canard", "le perruquier jaloux", "l'héritage", "éternité - deux places debout", "le collet", "les demoiselles Pain-Pain", "une aventure de Gos-Jésus", "le mensonge du père Gajard", "l'infanticide", "le mécréant" et "l'ensorcelé".

Ce recueil est né d'une plume élégante, alerte et souveneuse.

Son vocabulaire est fait d'une matière rugueuse sur laquelle le talent de Gilbert Dupé a déposé un voile de fine littérature.

Ce livre "vient d'un pays où le pineau redonne de la chaleur à l'esprit".

Mais, finalement, par ce qu'il nous transmet, parce ce qu'il veut nous dire, il appartient certainement à tous ceux qui ont le bonheur de le redécouvrir ...



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Le lit a deux places

Une fois fois de plus, c'est ébahi que je sors d'un livre de Gilbert Dupé.

Ébahi par la virtuosité de l'écrivain, ébahi par sa sensibilité.

Ébahi par ce que sa plume fait naître en nous.

"Le lit à deux places" est un recueil de cinq nouvelles dont le corps est constitué d'un court roman éponyme long d'un peu plus de cent trente pages.

Joseph Bobin a succédé à son père, le vieil Anatole, comme aide-comptable au bureau de la maison "Gaufre et Bartelier", située rue du Sentier à Paris et dont l'usine est quelque part dans Levallois.

Joseph est obéissant mais pas très soigneux.

Il est modéré dans ses émotions et ses désirs.

Pourtant, il a un rêve.

Il a envie d'un lit, d'un vrai, d'un lit large et confortable où il serait le maître d'un sommeil véritable ...

Joseph Bobin semble s'être échappé d'un roman de Marcel Aymé.

L'écriture, d'abord souriante, tinte très vite d'une tendre ironie grinçante.

La plume de Gilbert Dupé est agile.

Elle se faufile dans le dédale de l'esprit du jeune comptable.

Elle nous livre les secrets de ses audaces cachées, de la lâcheté de ses renoncements.

Elle met à nu son âme d'homme ordinaire.

En 1950, le cinéma va s'emparer du livre pour en faire, "Rendez-vous avec la chance", un bon film avec, à son générique, deux grandes dames du 7ème art : Suzanne Flon et Danielle Delorme.

Et où l'on rencontre aussi un certain Louis de Funès dans le rôle d'un garçon de café ...

"Le lit à deux places est un recueil où la mort s'invite dans chacun de ses cinq textes.

Et même s'il s'en dégage parfois une profonde tristesse, avec ses grands espoirs et ses petits tracas, la vie y est chevillée à chaque mot.

"La tenue de sortie", "Une fille perdue", "l'hypothèque" et "la dette" sont les quatre nouvelles, plus courtes, qui suivent le court roman.

- le père Fourmenteau, vieux vendéen du bocage, est allongé sur son lit de mort dans son plus beau costume ...

- Antoinette Binoche, fille perdue, a laissé s'envoler son chapeau au dessus de la Seine ...

- Antoine Guery, dit le Toëne, Rose sa femme et Francis, dit le Teignoux, son valet forment un inhabituel trio amoureux ...

- le père Jaouen, conteur d'histoires et cordonnier, est aussi un honnête homme qui paie ses dettes ...

Je suis sorti de ce livre avec regret, avec l'envie de me replonger sans tarder dans l'oeuvre de Gilbert Dupé, avec le sentiment que cet écrivain peut-être trop vite oublié, n'occupe pas dans nos mémoires la place qu'il devrait y prendre ...

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La mal aimée

Mal inspirée, ou atteinte de langueur, la plume, d'habitude si brillante de Gilbert Dupé, s'est empêtrée ici dans un ouvrage long et ennuyeux.

"La mal aimée" ne le sera pas plus au bout de sa lecture.

Ermeline Santarem est une jeune orpheline.

Elle n'a jamais connu son père, mort en Amérique du Sud au cours d'un voyage d'affaires.

Sa mère, tuée par le chagrin, n'ayant pas survécu longtemps, la jeune fille a été recueillie, par soeur Philomène, une vieille tante rhumatisante, dans un couvent de la ville de Nantes où cette dernière est l'une des plus anciennes religieuses.

Ermeline est attirante et mystérieuse.

Elle ressent comme un mal profond le vide de sa vie solitaire.

Mais pour les vacances d'été, la timide Anne Coutant l'a invitée, dans les sauvages monts d'Arrée, chez son oncle, le comte de Plékariou ...

Malheureusement, malgré quelques somptueuses descriptions, la recette, ici, n'a pas pris.

Pourtant les ingrédients, nombreux, sont de ceux qui ont fait mainte fois leurs preuves ...

Une base de terroir saupoudrée de romantisme, un soupçon de fantastique, de l'amour, de l'amitié, un brin de suspens, un beau personnage, une espérance déçue et une fin tragique.

Mais à ce récit s'est accroché un air vieillot qui manque de charme.

La plume de Gilbert Dupé, manquant de souffle, n'a pas non plus réussi à soutenir le rythme de ce roman trop long.

Au final, le livre reposé, sa lecture ne laisse comme souvenir qu'un peu d'ennui et de mélancolie ...
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La figure de proue

Lorsqu'on sort d'un livre pareil, c'est forcément sans le souffle nécessaire à se replonger tout de suite dans un autre ouvrage.

L'envie semble comme être restée suspendue à ses dernières pages.

Paru en 1943, "La figure de proue" est un de ces livres que l'on n'oublie jamais.

Le trois-mâts-barque "Vendée", les flancs pleins de nickel, revient de Tio, la calédonienne.

Sa figure de proue, déesse aux cheveux épars renvoyés de chaque côté de la coque comme des ailes, semble fixer le large obscur et guetter l'horizon de ses deux grands yeux vides et cruels.

Au moment où le matelot François Martineau, grimpé dans la mâture, va, au bout du monde, apercevoir les deux îles de Diego-Ramirez, son ami Pierre Leguen, abattu par une étrange langueur dans le poste des tribordais, va passer ...

La première partie du livre, prise seule, aurait pu être une superbe et triste nouvelle de littérature maritime.

C'eût été méconnaître tous les talents de Gilbert Dupé.

Dans une deuxième et troisième partie, il va donner à son récit une nouvelle dimension inattendue.

Blessé, François Martineau, de retour à terre, va trouver refuge dans le canton de Gouarec, dans la famille de son ami, presque frère, Yves Morfouace.

Il va y rencontrer Jeannick, une vraie fille de Cornouailles, un coeur frémissant au bord de la vie ...

Mais aussi la troublante Claude Bergan, la jeune demoiselle des Salles ...

Dans ce livre tout est antagonisme qui se choque et se fracasse !

Entre la Terre et la Mer ...

Entre le grand large agité du Cap dur et la petite maison de l'écluse 137, nichée sur les bords tranquilles du Blavet ...

Entre la tendresse rassurante de Jeannick et la sensualité nerveuse de Claude ...

Entre un destin fait de courses lointaines et une vie tranquille de "ventre-à-choux", à veiller sur le canal ...

Comme dans chacun de ses ouvrages, Gilbert Dupé excelle à brosser les décors, à croquer les personnages.

Il peint ici la disparition d'un monde, la fin de la continuité du trafic fluviale entre Nantes et Brest par la suppression de 17 écluses, noyées sous le nouveau lac artificiel de Guerlédan.

Il y campe aussi de superbes personnages aux prises avec leurs sentiments et leurs désirs.

Le livre est splendide.

Il est écrit par une fameuse plume.

Gilbert Dupé ne fait aucune concession.

Il peint comme est la vie, souvent sombre, parfois claire.

Comme elle, sa prose parfois est crue mais elle n'est jamais ni vulgaire, ni triviale.

L'écrivain évoque mieux qu'il ne pourrait montrer.

"La figure de proue", en 1948, est devenue un film dont les têtes d'affiches étaient Mony Dalmès, Madeleine Sologne et Georges Marchal.

Quand au livre, il a été réédité, en 2003, aux éditions de "L'ancre de marine" ...











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Le bateau à soupe

"Le bateau à soupe" est un drôle de titre.

Mais c'est un titre qui s'explique ...

A bord de "la Duchesse-Anne", comme à bord de tous les bateaux que commande le capitaine Jean-Bastien Hervé, jamais on ne donne aux hommes ni vin ni tafia, mais de l'eau à volonté, du café et de la soupe, matin et soir ... une bonne soupe bien grasse.

C'est sur les quais de la Fosse, à Nantes, au crépuscule des temps glorieux de la voile, que nous transporte d'abord ce livre magnifique.

"Le bateau à soupe" est à la fois un roman, un drame et une peinture.

C'est un livre émouvant où, sans la moindre sensiblerie, les personnages sont peints avec précision et délicatesse et où les âmes sont mises à nu.

La plume de Gilbert Dupé est trempée à la meilleure des littératures populaires et à la plus terrible des réalités du roman réaliste.

Elle emprunte à Xavier de Montépin et à Émile Zola.

"La duchesse-Anne" va appareiller de Nantes vers La Havane.

Son capitaine, Jean-Bastien Hervé, est un bon capitaine, toujours bien orienté avec le vent.

Mais il est aussi une sorte de puritain qu'une tragédie a planté au bord de la vie courante.

Donatien Mahu est son jeune second.

Le Hénaff, surnommé le taureau de Bouguenais, est son maître d'équipage, son "bosco".

L'on a coutume de souhaiter au bon capitaine une bonne traversée.

"La Duchesse-Anne" aurait pu sans émotions prendre les meilleurs des alizés, si Marie-Douce Vignoboul, une jeune et jolie fille de l'île Mabon, n'était montée à bord ...

Le style de l'écriture de Gilbert Dupé est splendide.

Les descriptions et les tournures de phrases sont comme autant de véritables aquarelles et de plus sombres peintures à l'huile qui se succèdent au fil des chapitres.

Le livre s'articule en deux parties.

La première se cramponne aux quais de la Fosse de la ville de Nantes dont elle fait un vivant personnage de son récit.

La seconde voit s'envoler "la Duchesse-Anne" vers La Havane et en revenir au gré des voiles de ce beau trois-mâts carré.

L'épilogue est tragique.

Le livre est aussi beau que fort et élégant ...









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La foire aux femmes

Ouvrir un livre de Gilbert Dupé c'est pénétrer, comme par magie, un lourd et sombre paysage de peinture à l'huile.

Tout est question ici de lumière.

Le tableau est ancien.

Le pigment est un peu délavé.

Le mot date un peu mais l'enchantement est toujours au rendez-vous.

Gilbert Dupé excelle à peindre son décor, à rendre de pesantes ambiances et à décrire le monde d'autrefois.

Mais peut-être plus encore se distingue-t-il dans le portrait.

Il sait, sans s'abandonner à une grandiloquente littérature, donner à ses personnages une véritable épaisseur.

"La foire aux femmes", c'est la foire aux "Minées", la foire aux épousées.

Tous les ans, une foule de jeune gens se retrouve à Challans.

Les filles attendent le long d'un mur.

Les gars passent, regardent, admirent.

Quand une leur plaît, ils lui prennent son parapluie et c'est comme un arrangement de fiançailles.

"La foire aux femmes", c'est une tragédie.

C'est le roman de Ludivine, une belle et tendre "maraîchine".

La jeune fille aime Jean-Pierre, le solide valet des Borderet, le vaillant pousseur de ningle*, le plus hardi des jeunes du pays et le plus beau garçon du marais.

Mais elle est convoitée par Vignaud, le riche mareyeur, par Gros-Jésus, l'ancien matelot.

Et enviée par Mariotte, sa blonde et riche rivale ...

Paru en 1941, le livre de Gilbert Dupé est débordant d'humanité.

La mise en place, certes, est un peu lente et semble s'étirer.

Mais dès les premières lignes, l'on retrouve le style.

La phrase est bien tournée et s'étire en élégances rurales.

Le décor est le marais de Soullans, en Vendée.

Les personnages lui sont si étroitement liés que celui-ci prend véritablement part au récit.

"La foire aux femmes" est un livre tissé d'atmosphères et de scènes qui lui donnent une vibrante intensité teintée de scandale et de sensualité.

Le roman, en 1956, fit l'objet d'une adaptation cinématographique étroitement surveillée par Dupé, devenu producteur pour l'occasion.

Car onze ans plus tôt, l'adaptation de "la ferme du pendu" avait fait scandale et provoqué l'anathème de l'évêque de Vendée et la colère du "pays" ...



*Perche de bois servant de propulsion à la yole ou la plate et permettant de changer de côté de fossé étroit de marais en piquant la ningle au centre et basculer de l'autre bord





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Le droit du seigneur

Gilbert Dupé, l'adroit conteur qui devine ce que taisent ses personnages, l'homme des paysages vendéens, le fin poète du drame et de la passion, s'est, pour une fois, abandonné à l'ironie, à la bonne humeur et à l'humour.

Après vingt ans d'errance au pays des infidèles, sire Archibald de Croixmort de Cymenfer, de retour des croisades, est annoncé aux portes de Rougomont-l'Opiniâtre .

Il a décidé, avant tout autre chose, de venir honorer la demeure du vidame* Hurlepoix de Griffaigu, le riche financier de la ville, de venir embrasser sa femme et ses enfants.

Or Hurlepoix est célibataire depuis toujours !

L'on se souvient encore du caractère ombrageux du seigneur de Cymenfer.

Sans doute, n'aime-t-il pas les célibataires ?

Et voilà Hurlepoix obligé de prendre femme !

Mais il n'est pas facile à caser.

C'est qu'il a une fâcheuse réputation ...

Paru en 1954, "Le droit du seigneur" n'est pas un de ces chefs-d'oeuvre auxquels Gilbert Dupé nous a accoutumé.

Mais c'est une lecture inattendue, une histoire abracadabrantesque et complètement loufoque.

C'est un livre bien écrit, original et rafraîchissant, un roman burlesque plus souriant que drôle.

Quiproquos et confusions s'y donnent la réplique.

Gilbert Dupé, comme à son habitude, s'y montre irrévérencieux par petites touches.

Le récit tinte parfois de petits accents moqueurs, tantôt contre l'Église, tantôt contre les puissants.

Le roman est illustré de quelques dessins que l'on doit à Jacques Faizant, à Gus et à Claude Raynaud.

Et ces quelques illustrations, discrètement, ajoutent à la fantaisie à l'ouvrage.

Au final, "Le droit du seigneur" se lit comme on irait voir au cinéma un de ces petits nanars mijotés au goût français.

Les gens sérieux sont priés de s'abstenir, de passer leur chemin.

Les autres ne perdront pas leur temps dans ce petit livre joyeux et pétillant ...



* vidame : titre de noblesse français assez rare équivalent à celui de vicomte. Le vidame mène l'armée et perçoit les redevances féodales.

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La ferme du pendu

Après "la barque de nuit" et "le bateau à soupe", "la ferme du pendu" opère dans l'oeuvre de Gilbert Dupé un changement radical de décor.

Ce troisième* livre raconte une tragédie de la terre, un drame sordide de la campagne.

Livre d'hier, il est une belle découverte pour le lecteur d'aujourd'hui.

A l'angle, de la route de Pouzauges à Cholet, par lequel on va aux Herbiers, se dresse la ferme de "Fontaine-Profonde".

"Raimondeau-l'ancien" a fondé le domaine au temps du grand Napoléon.

C'est la mort toute fraîche du père, "Raimondeau-le-noble", qui a porté François, l'aîné, à la tête de la famille.

A l'approche de la cinquantaine, il devient ainsi un des plus gros propriétaires de la région.

Son obsession est de ne pas voir s'en aller, à droite, à gauche, ce qui a été réuni par ses ancêtres pour rester d'un seul tenant.

"Garder la terre pour un seul, c'est faire bon usage".

Mais maître Ménager, le notaire de St Michel a prévenu : il faudra ouvrir la succession.

Car l'un des deux frères ou de la soeur - Grand-Louis, dit "Jau-le-Rouget", Benoni, dit "le jeune" ou Amanda qui rêve à l'amour - pourrait réclamer sa part pour prendre le chemin de Nantes ou de Paris ...

"La ferme du pendu" est un solide roman du terroir, celui de la campagne de Nantes, du "pays" de l'ouest.

Il est tissé d'une littérature aux anciennes tournures.

C'est le tableau sincère d'un autrefois rural.

La peinture est faite de petites touches d'huile sombre.

L'ouvrage est empreint de poésie.

Mais il se fait pourtant tragique, sordide et cruel.

Le récit est parfois un peu trop lent.

Il est articulé en trois parties.

La psychologie des personnages y est prédominante.

"La ferme du pendu" est un livre tourmenté.

Il est paru en 1944.

Finement patiné par le temps, il se redécouvre aujourd'hui avec un plaisir intact ...



* dans l'ordre de mes lectures















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La foire aux femmes

J'étais sceptique à l'ouverture de ce roman retrouvé au fonds d'un grenier. Quelle bonne surprise de se plonger dans une littérature d'après guerre très imagée, décrivant avec poésie la vie rurale en Vendée profonde.

Nous sommes très loin du mouvement féminisme dans un univers patriarcal ou la femme est offerte dans un marché aux mariages.

Ludivine fleur ingénue rêve au grand amour et pense l'avoir trouvé en la personne de Jean-Pierre.

Mais elle n'est pas seule à le convoiter et si le malheur venait de l'ailleurs.

Les larmes couleront au point de la noyer dans une dernier vague de mélancolie.

L'approche des traditions et croyances vendéennes nous entraine dans cette histoire poétique. Un régal!
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La ferme du pendu

une lecture des années 40 : j'aime beaucoup lire des livres plus anciens que mes grands parents auraient pu lire à leur époque. Ca me permet de voir l'évolution des styles d'écriture et des thèmes des histoires. Celle-ci raconte la vie d'une famille paysanne vendéenne et son attachement à la terre, celle qui nourrit et qui passe avant tout selon le chef de famille, quitte à y sacrifier le bonheur de tous. Quelques passages un peu longuets mais l'histoire en elle-même est très intéressante, même si les membres de cette famille n'y sont pas à leur avantage !
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Le village perdu

J'ai du mal à situer un point de vue... Peut-être parce que l'auteur ne nous accroche vraiment à aucune piste ? un roman policier qui nous laisse indifférents devant l'intrigue policière, un roman "rural" qui n'a aucun paysan à décrire, un roman fantastique qui se contente à peu près de la dimension "météorologique" du fantastique, quelques trouvailles d'écriture plus ou moins bien intégrées au récit ...

Le tout donne un roman assez agréable à lire cependant, sans plus
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