Voyageur hagard, explorateur fourbu de la nécropole européenne, Casanova s'enlise dans son propre néant. Sa vieillesse est misérable, sa mort imminente aussi insignifiante que sa vie : nulle et non avenue. Il n'est même jamais né. Cette idée de non-maturité, ravalée à celle de non-naissance, s'exprime à la fois explicitement (dialogue impossible avec la mère, position foetale dans le cachot) et allusivement dans la séquence d'ouverture, symbole du masque géant qui émerge péniblement du canal et s'y replonge aussitôt. Référence œdipienne ? Infra-œdipienne plutôt. Casanova, créature larvaire, cherche confusément une mère, un principe de vie, comme le suggère la scène admirable et poignante de sa rencontre avec la géante de foire. Cette femme hyper épanouie, à demi rêvée, appartient à la lignée des "monstres de chair" qui hantent l'univers fellinien, excitant surtout les appétits enfantins. Casanova, ému, contemple de loin cette impressionnante apparition. Elle chante d'une voix très pure. Il s'endort. C'est le seul moment pathétique de son aventure, le fameux oasis de tendresse, la petite musique, la petite flamme entrevue qui vacille au cœur de la nuit.