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Critiques de Gilles Philippe (3)
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Pourquoi le style change-t-il ?

Il suffit de s’intéresser à la littérature de plusieurs époques pour s’en convaincre, l’écriture, les manières d’écrire sont mouvantes, elles fluctuent, évoluent, changent au fil des époques, on n’écrit pas un roman au XIXe siècle comme à la fin du XXe, ces tendances, à plus petite échelle, sont changeantes également, il est tout à fait possible de discerner des différences entre des romans écrits à la fin du XXe siècle et aujourd’hui. Pourquoi ces changements ? C’est la question à laquelle tente de répondre Gilles Philippe au travers de ce Pourquoi le style change-t-il ? Ouvrage dense, je n’entrerai pas dans le détail afin de laisser aux lecteur·ices le soin de le découvrir par elles et eux-mêmes[1], j’en explorerai ici quelques idées directrices, tout en les discutant. Mais avant tout il me faut préciser une chose, c’est ma défiance envers le concept de style qui sous-tend l’idée d’un ornement, l’idée d’une séparation entre ce que l’on appelle « forme et fond ».

Contre (Saint) Proust



L’une des idées les plus stimulantes chez Gilles Philippe se trouve, à mon sens, dans la manière dont il décloisonne notre approche de l’écriture et des manières d’écrire. En effet nous avons tendance à les personnaliser, attribuant l’invention d’une manière d’écrire (un style) à une personne, un·e écrivain·e ; une « stylistique auteuriste » dont il faut justement sortir. Car comme pour l’étude de l’Histoire, où il est désormais bien établi que ce sont les peuples et non pas les (soi-disant) « grands hommes » qui la font, il est peut-être temps, concernant l’histoire de l’écriture, de changer notre perception.



En vue de déconstruire cette mythologie de l’écrivain·e[2] créateur ou créatrice d’une manière d’écrire par la seule force de son « génie », il nous est nécessaire d’en passer par Marcel Proust qui a largement contribué à populariser et démocratiser l’idée de l’écriture singulière, car comme l’écrit très justement Gilles Philippe ; « si la stylistique ne considère les protocoles réactionnels qu’en tant qu’ils sont “singuliers”, elle est alors libérée du souci historique. » [p.23] Les écrivain·es étant alors considéré·es comme des êtres à part, aux sensibilités « singulières » comme s’iels ne relevaient pas de notre monde, qu’iels n’étaient pas influencé·es par la société dans laquelle iels ont évolué ou évoluent.



La suite à lire sur le site litteralutte : https://www.litteralutte.com/pourquoi-lecriture-change-t-elle/
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La langue littéraire : Une histoire de la pro..

Critique de Pierre Assouline pour le Magazine Littéraire



Et d'abord, qu'est-ce donc que « la langue littéraire » ? Il y a longtemps qu'on n'ose plus user de telles expressions tant elles sentent la naphtaline. Près de six cents pages sur la question n'entament pas le mystère de sa définition, et c'est tant mieux. Ce dense et riche volume fourmille d'interprétations, mais Gilles Philippe et Julien Piat, les deux maîtres d'oeuvre, et leurs collaborateurs Stéphane Chaudier, Michel Murat, Christelle Reggiani et Stéphanie Smadja, se gardent bien de trancher. Ils donnent la parole dans le sens le plus noble du terme. Beaucoup l'ont prise, de Flaubert à Claude Simon, comme indiqué dans le sous-titre, même si c'est aussi de Bréal à Barthes, et que la prose en question relève souvent de la prose poétique, de l'essai à peine transformé ou de la théorie plus ou moins bien embouchée. Il y a des balises plutôt que des dates : 1850-2000 est une périodisation qui a la rondeur pour vertu. Avant, l'expression « langue littéraire » est peu attestée. C'est en effet vers le mitan du XIXe siècle que l'on s'est avisé de ce phénomène : la langue des écrivains ne saurait être la langue commune. Proust l'a dit à sa manière en une formule demeurée aussi fameuse qu'énigmatique : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère.» Sartre est repassé dessus en son temps à sa façon : «On parle dans sa propre langue, on écrit en langue étrangère.» Le coeur de la problématique est condensé en une phrase précise, composée à la française, c'est-à-dire avec netteté, clarté, brièveté : «Le français est-il une langue adaptée à la création littéraire?» Ainsi posée, elle donne le sentiment de violer un tabou. Il y a de cela, car ces choses-là ne se disent pas. À moins d'être Diderot, qui osait écrire en 1751 déjà dans sa Lettre sur les sourds et muets que le grec, l'italien, le latin, l'anglais étaient langues plus avantageuses pour les lettres que le français, mieux accordé aux sciences. Depuis, en dépit de deux siècles et demi de création littéraire d'un intérêt il est vrai inégal, beaucoup n'en démordent pas : définitivement sèche, notre langue pécherait par excès de grammaire et pénurie de vocabulaire, l'ascétisme lexical d'un Racine étant aussitôt brandi en contre-exemple.



Encore faut-il s'entendre sur les frontières : où s'arrête la langue et où commence le style? Parfaitement, le style, le bon vieux style, l'increvable style, qui survit encore ès qualités bien que Robbe-Grillet et Barthes aient tenté de l'immoler sur l'autel de l'écriture. Les anciens manuels de lettres tenaient qu'il caractérisait une oeuvre dite littéraire dès lors que son objet dépassait la simple communication. Victor Hugo défendit d'un mot ses positions : « Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! », même s'il fut toujours entendu que l'écrivain n'est pas celui qui fait la grammaire mais celui qui fait la langue. On ne compte plus, parmi les religionnaires de la phrase, Flaubert en tête, les puristes qui faisaient des fautes. Gide n'en rougissait pas. L'écrivain, le vrai, c'est celui qui peut se permettre de tordre le cou à la règle dès lors qu'il en sort quelque chose de puissant et d'original. Gloire à Proust qui libéra la langue littéraire du corset néoclassique en s'autorisant la phrase longue, serpentine, digressive, afin de mieux l'adapter à sa vision de son monde ! Un passionnant chapitre sur l'irruption du parler quotidien dans la prose écrite fait la lumière sur l'invention du style indirect libre du Zola de L'Assommoir au Céline du Voyage au bout de la nuit. Leur influence technique sur nombre d'écrivains apparaît plus tangible que celle de Flaubert, en ce que la sienne s'exerçait surtout sur les imaginaires, et son empire sur les sens. Encore que, techniquement, Flaubert en eut remontré à beaucoup, ne fût-ce que par son usage très bousculant de l'imparfait narratif.



Autre phénomène finement observé : la montée en puissance des points de suspension liée au vertige du vague des romantiques (jusqu'à son acmé célinienne dite « trois points »), celle des tirets, et surtout celle des parenthèses (dimension à laquelle Proust donna toute sa profondeur), sans oublier la déponctuation, que toutes les avant-gardes se sont repassée comme un signe de reconnaissance. Le chapitre sur Sartre est moins convaincant. Gilles Philippe ayant posé que la langue littéraire est soit un laboratoire, soit un conservatoire, qu'est-ce qui distingue un texte classique publié entre la moitié du XIXe siècle et nos jours ? Peut-être une certain façon de s'inscrire dans le français comme dans un lieu de mémoire, quelque chose de patrimonial mais bien vivant, où l'on retrouverait des écrivains qui ont ce souci de la langue, Pierre Michon, Pascal Quignard, Richard Millet, Renaud Camus, Sylvie Germain... Érudit sans être savant, cet ouvrage ne se contente pas de récapituler et de faire le point. Il pousse certains auteurs sur le devant de la scène où on ne les attend pas nécessairement. Ainsi le Vaudois Charles-Ferdinand Ramuz, dont la Lettre à Bernard Grasset (1929) demeure un document capital à qui veut saisir l'élan par lequel la littérature passa de l'écrit à l'oral, puis au vocal. Ainsi encore les frères Goncourt, réhabilités pour avoir surpassé Flaubert par leur capacité à décloisonner prose et poésie. Cela dit, ne cherchez pas la langue littéraire : elle a tant et si bien conquis son autonomie que, paradoxalement, elle a rejoint la langue commune. La revendiquer désormais, en appelant de ses voeux un retour à la belle langue, revient à adopter une vision aristocratique de la littérature. Pas sûr que ce soit bien porté.
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Le rêve du style parfait

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