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Citation de Charybde2


Différente de toutes les autres par sa conformation et son âme, Pantelleria est une île de pôles magnétiques qui, se repoussant et s’attirant, font qu’elle continue à flotter. Contradictions palpables, parfois jusqu’au refus. Au môle, durant les après-midi de malura de poisson parce que le courant est contrariuso, ou parce que même les créatures aquatiques sont effrayées par les fonds sous-marins, les pêcheurs à la ligne se racontent des légendes de voyageurs tout juste débarqués qui, pris d’une soudaine sensation de malaise, ont traîné leurs valises à roulettes sur toute la longueur du quai, jusqu’aux bureaux de la Siremar pour y acheter un billet de retour par le même ferry vers l’île mère, vers Trapani, avec l’idée incongrue que la Sicile semble tout à coup plus rassurante. C’est là l’acmé du malaise qui n’a fait que croître depuis que l’île a été en vue, comme un reflet de la fée Morgane au début, limite bleutée du monde connu, car au-delà de l’île s’ouvrent et se ferment les portes d’Hercule de l’Afrique : on en perçoit les odeurs, bouleversantes ; la proximité de ce continent pèse sur la densité de l’air, chaque goutte d’eau transporte l’écho d’une tragédie qui se transmet au jeu des marées, aux vagues qui se creusent.
Depuis les ferries, on devine très vite qu’on n’a pas affaire à la mer apprivoisée de nos archipels à portée d’hydroglisseur, là où les agaves se reflètent tels des Narcisse dans les tranquilles petites anses de baignade estivale, où un cri suffit pour battre le rappel des enfants à l’heure du déjeuner sur la terrasse du restaurant Miramare, construit à même la plage. Ici, il n’y a pas de plages. La mer, entre l’île mère et Pantelleria, fait percevoir en peu de mots, à la sicilienne, qu’elle est capable de fureurs océaniques parce que les aventures qu’elle vit sont à la mesure des deux continents dont elle est la sentinelle.
Le malaise ressenti à l’approche de l’île croît à la vue de la matérialité absurde des huit cent trente-six mètres du volcan de la Montagna Grande qui apparaît et disparaît dans la chevauchée des nuages libres, dont la migration heureuse n’est freinée par aucun poste de douane. Et puis, en approchant encore, viennent les frissons provoqués par la découverte du Monte Gibele et de toutes les cuddìe, brûlées ou non, les collines de Pantelleria, excroissances tumorales d’une Création indécise qui semblent éclater encore dans l’ébullition des temps primordiaux.
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