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Citation de Charybde2


L’endroit où nous vivons est l’endroit où nous travaillons. Nous sommes des agents. C’est notre statut, notre identité et notre fierté.
Nous exécutons un travail, devant des machines d’un autre siècle ronronnant comme des animaux domestiques, pendant que, derrière les vitres teintées de notre bureau, une épaisse couverture nuageuse rampe de l’est vers l’ouest.
Nous sommes armés.
C’est le temps et l’expérience qui nous ont fourni la poudre et la grenaille? Nous en avons un stock et nous nous en servons aussi souvent que nécessaire.
Contre les autres, contre nous-mêmes, contre le temps immobile, nous livrons le combat éternel du quelque chose contre le rien et, quand l’un de nos ennemis s’écroule sans vie sur le sol, nous nous réjouissons d’avoir été choisis par le hasard pour porter quelques jours encore la flamme de l’activité.
Sans les combats, nous pourrions ignorer que notre présence ici est nécessaire. C’est pourquoi toujours nous combattons.
Nous avons cinq pauses par jour et nous avons une nuit.
Ces moments sont les champs de bataille temporels de notre guerre.
De 5 heures à 8 heures, nous travaillons.
De 8 h 15 à 11 h 15, nous travaillons.
De 11 h 30 à 14 h 30, nous travaillons à nouveau.
De 14 h 45 à 17 h 45, nous travaillons encore.
De 18 h 45 à 21 heures, nous continuons de travailler.
Et de 21 h 15 à 0 h 15, nous travaillons.
En dehors de ces horaires, nous sommes libres, et nous luttons pour tenter de le rester.
Notre bureau, c’est notre vie.
Personne aujourd’hui ne se souvient du temps où les humains habitaient hors de leur lieu de travail, pas plus que des siècles reculés où le travail consistait en une activité quelconque.
Ce que nous savons, c’est que les jours morts s’étirent désormais sans qu’il y ait rien d’autre à faire que porter de l’eau à ébullition, la boire, tuer et éviter d’être tué.
C’est ce monde que nos prédécesseurs nous ont laissé, parce qu’eux-mêmes en avaient hérité.
Ces box sont nos demeures, cette moquette notre terre, ces collègues nos concitoyens, et malheur à qui renonce à ces principes fondamentaux, car pour celui-là, il ne restera que la rue, tout en bas. Même si aucun de nous n’y a jamais mis les pieds, même si nous ne pouvons la distinguer en nous approchant des baies vitrées, nous savons qu’aussi rude soit notre condition, aussi pénible notre existence, il n’y a rien de pire que la rue.
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