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Citations de Grégory Rateau (82)


Grégory Rateau
TIGANESTI

La campagne éteinte
La pluie claque
Souffrent les arbres tordus et suppliants qui,
Dans une diagonale ridicule,
Un dernier sursaut de dignité
S’arrachent de leurs lits pour prendre leur envol
Les animaux aux regards fous
S’exilent vers des déserts hypothétiques
Seule la terre exulte
Elle avale goulument
Une soif impossible à étancher
Au point que la Garla d’habitude plutôt calme et marron claire
Déborde d’agitation et devient couleur de pierre
Refluent à sa surface
Des cadavres de vélos rouillés
Des jouets déréglés
Les seules silhouettes perdues dans le lointain
Plongent dans la brume jusqu’à la taille
Commérages des feux de cheminée
Les fenêtres sont comme des écrans opaques
Ombres gesticulant d’une pièce à l’autre
Buées de souffre et de misère
Ce sont les verres qui claquent à présent
Un tintement continu
Parfois, des voix encore humaines remontent vers le ciel
Et rencontrent l’écho du tonnerre
Les bancs en bois devant les portails sont vides
Leurs pieds sont rongés jusqu’à la moelle
Les mauvaises herbes s’y installent
Se liquéfient les traces de pas
Les chiens errants boivent leurs empreintes
La forêt dévêtue dévisage impuissante
La vie se calfeutrer
Les rires se murer dans l’hiver
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Tu te retournes
guettant la clarté d'une enseigne
et toutes ces ombres aléatoires
qui pour toi devraient donner du sens
alors qu’une aube précoce se prépare
ébranle l'équilibre de tes persiennes
et te voilà en marche
flirtant avec le jour
la ville s'offre à toi
des lignes, des croisements, des fuites
ton désir écartelé
tes jambes trop fébriles
d'autres te dépassent
ils jouiront d'elle à ta place
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Tu l’as écrit si souvent
dans des récits minuscules
et aujourd’hui qu’elle se présente enfin à toi
tu feins de ne pas la reconnaître
la coucher là, frivole malgré sa gravité
pour mieux la repousser
terre vaine
l’eau du puits stagne depuis l’enfance
seuls les rocs ruissellent encore
entre deux averses
quand le soleil n’est plus de cire
tu ne veux voir personne
seulement la cendre de tes cigarillos
qui enlumine ton visage de vieux bonze
la littérature te fuit et pourtant
il ne reste qu’elle pour te sourire

(p. 23)
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Nombreux sont ceux qui se tiennent en équilibre
à contempler rigides
le crépuscule du temps venu
l'âge n'aide en rien c'est certain
mais la jeunesse est souvent postures
les mots pour l'exprimer alors
un vaste champ lexical de l'amertume.
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Elle est là
l'angoisse glissée entre tes doigts
celle qui déclenche le geste
aligne les mots
dans un ordre préexistant
à ta naissance
où tous les soleils te reconnaissent

sans elle
c'est la sensation d'une faim démoniaque
et ces perceptions glauques
durant cette nuit définitive
mais comment renouer avec la Muse ?
regagner ce territoire solaire
entre ton carnet vide et ce cendrier plein de poèmes.

(p. 50)
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La nuit je l’entends, attablé
se consumant à mon bureau
les touchent craquent
il redouble de violence
je le sens
à la lueur fébrile de l’aube
essayer de gagner du temps sur moi
ses traits sont presque identiques aux miens
l’obscurité allonge un peu plus ses mains
mais son âme coule aux bouts de ses doigts
tandis que la mienne végète
pas un mot qui ne soit éprouvé
le manuscrit que je récupère au petit matin
est le testament d’un damné

(p. 66)
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Quelle incompréhension dès que l’enfant
derrière le rideau s’exprime en nous
une voix meurtrie sommeille
elle revient de loin, profonde mais volatile
trop de vérités nouées en slogans
les martyriser à grands coups de marteau
trouver le frère à l’oreille fertile
tendue aux murmures sentencieux
et qui n’opposera pas son silence affecté
car écrire est superflu
si personne ne vient s’approprier ces quelques mots

(p. 45)
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Grégory Rateau
Fils de chien

Tu parles d’un poète !
embourbé jusqu’à la moelle
loin des villes du manque
le sang en suspension
sur ce bout de pain noir
la campagne roumaine
et ses bâtards furibards
t’empêchent de couler en silence
ta détresse et ton errance
eux aussi pensent avoir le monopole :
du rejet
du vide
de l’inutile.
Vous me direz si c’est bon?
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Grégory Rateau
En route !

Marchons d’arrache-pied
pour conjurer l’hydre du temps
la goutte de trop suppurant
des climatisations aux abois
dans l’attente du grand basculement
la terre se fracture sous des semelles en partance
pour des villes à jamais inexplorées
semblables comme des jumelles déshéritées
et tous ces corps en fuite
piétinant leurs derniers commandements
une danse macabre bien vaine
quand on sait que le vide
dans son insondable noirceur
nous éloigne du bleu soupirail
des îlots éphémères qui autrefois colonisaient le ciel.
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Grégory Rateau
Fonctionnaires de l'art

Ils sont là ventre à terre
léchant la botte du plus assassin
reniant les lichens de l’innocence
pour signer sur de douillets coussins
leurs noms interchangeables
déjà usés sans prendre en âge
privés de colonne vertébrale
ils s’acharnent à museler
Ce qui, en nous
est frère du divin.
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Grégory Rateau
Faux départ

De fenêtre en fenêtre
coulisse le vice
libre à qui
sera celle qui résiste
fureur carnassière
jeunesses à bout de flaque
Paris trop cher
abusé comme ses rues tutélaires
fondu au gris sur Haussman
dont les lourdes fumées
louvoient de-ci de-là
avec ce départ imprévu
à la pointe Nord d’un calendrier inversé
face aux mers en désertion
là où des pas trop timides
sont stoppés net
à la faveur d’un recueillement photogénique
flashbacks suspendus
Paris est déjà loin
sacrifiée aux forces telluriques
doux rêves de passagers en utopie.
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Grégory Rateau
À sec

Pluies frileuses
alopécie du ciel
loin des cascades à présent stériles
qui ne viendront plus adoucir mes nuits
toutes ces « villes intérieures » du manque
ne reflètent que soupirs
parapluies décoratifs
imperméables à vif remisés
dans les zones d’ombre, inutiles
le sol craquelle
en perte de mémoire
l’herbe peine à fleurir
là où les gouttières privées d’Oasis
hurlent à l’asphalte
insensible au ruissellement de mes vers
aux gestes limites
mimant comme une farce
la tornade impossible.
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Grégory Rateau
Fin

C’est elle
l’angoisse glissée entre tes doigts
celle qui déclenche Le geste
aligne les mots
dans un ordre préexistant
à ta naissance
où tous les soleils te reconnaissent.
Sans elle
c’est la sensation d’une faim démoniaque
et ces perceptions glauques
durant cette nuit définitive
mais comment renouer avec la Muse ?
regagner ce territoire solaire
entre ton carnet vide et ce cendrier plein de poèmes.
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Vivre dans l'attente
en « homme qui penche »
refaire sans cesse le même chemin
jusqu'à inverser l'ordre des jours
et dans un éternel retour
remiser toute espérance
puiser dans l'absence
les élégies des temps futurs

(p.46)
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Grégory Rateau
FATIGUÉ DES MIRAGES

Nourri de la peau de leurs sourires
j'ai injecté en retour la cendre de ma jeunesse
sans pouvoir les toucher
sans pouvoir les retenir
Lydia, Dorothy
La mort enfin et sa mélodie de juillet
déversent le flot d'un amour trop longtemps assoupi
Les terrasses sont comme des aurores
On attend avec espoir qu'elles se remplissent
On guette Le visage
pour boire à son calice
Mais le sommeil n'a que trop duré
La Seine est bien noire
Je marche sur un sol grippé
entre les opiomanes des Lombards
la note au point mort
une ligne pure
un réveil définitif
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Grégory Rateau
DE LÀ-HAUT

Vous qui jugez les uns de vos triples hauteurs,
ces jeunes illusionnés fraichement débarqués ; avec les mêmes rires glauques vous condamnez

De vos trônes empaillés, la flamme n’attend plus que l’étincelle pour exulter.
Dans les couloirs vermoulus de vos sociétés secrètes
Où l’on distribue bons points, diplômes en vacuité, d’une main lâche
vous frappez ; préparant bien en avance vos éloges funèbres et forçant le destin parfois quand le goût du sang monte à la bouche, devient trop prégnant.

Que connaissez-vous des routes de la faim ?
Pas celles qui creusent le ventre mais le tonneau insatiable, quand les têtes soudain mises à nu
tournent sur elles-mêmes en fixant le ciel pour y entrevoir un visage ami, prêt à tendre vers lui, à tout sacrifier.

Mais la constellation change de planète, sourde à leurs vers en faisant semblant d’y croire.
Des mots vides, rassurants mais vains.
Vous êtes trop loin masqués derrière vos bronzes académiques ; sans peine vous cheminez tristes Nadirs vers les actualités du jour.

Des âmes mortes voilà ce que vous êtes et vos mots ne traverseront jamais la terre.
Ils ne sont plus rien.

Quand le siècle soudain se tait, votre nom lui-même s’oxyde.
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Grégory Rateau
EXIL

Je ne suis plus d’ici
lieu de transit
comptoir d’un hôtel
baie vitrée panoramique
les silhouettes tournent
et me reviennent
la ville les appelle
vivre vite
ne plus chercher un visage en particulier
j’ai échoué en suivant des ombres
dans les impasses de l’amitié
alors je me glisse dans la première valise venue
retiens mon souffle
bringuebalé aux douanes du hasard
en passe-muraille de mon époque
je rentre peut-être chez moi

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Avant-propos

Plus de courant
plus de divertissement
des natures mortes ici et là
ça grouille dans tous les coins
l’angoisse sur une corde à linge
l’ennui
le rien
Je saisis mon briquet
la flamme s’étire lentement
se prosterne devant mon ombre orgueilleuse
la pièce est prise de délires
on ne peut plus l’arrêter
La Camera obscura
se déploie par-delà ma rétine

Je dois absolument calligraphier dans l'urgence
en simple exécutant
je suis le passeur
des non-civilisations à venir

Une vieille plume traîne dans un tiroir
un peu de salive
de l’encre injectée
et la voici qui exulte
qui pénètre la page
s’incurve dans sa blancheur
Image du monde inversée
frustrations
souvenir d’une existence
entièrement déréglée
par la lumière bleutée des algorithmes
Dépendance volatile
altération de tout
du Je
Un vaste réseau fantôme aux ramifications profondes
relié aux quatre coins du monde
à rejouer sans cesse les mêmes notes privées de musique
jusqu’à cette libération honteuse
Retour à cet anonymat définitif

Quand soudain
d’autres sons grignotent la piste
des gémissements de l’aube
un beat orchestré
dont mes oreilles serviles
ne pouvaient plus s’émouvoir
avant ce Black-out passager
terreurs nocturnes providentielles

Je prête l’oreille à l’inconnu
J’entends l’appel
Les mains jointes vers le portrait du jeune poète
et dans un dernier mantra de jazz
je tourne sur moi-même comme un derviche
pour que l’on scelle enfin la connexion mystique

J’aimerais tellement en être
que les mots coulent comme une étreinte
que la vie s’y consume
Un nouveau croyant
à genoux devant la fulgurance du verbe
que je souhaite égale à la grâce des feux-follets
ces âmes persécutées
hurlant dans les caves
pour qu’on les libère
À mon tour de prier
retour à la bougie
Que sa lueur ne faiblisse
avant que mon pouvoir
ne s’obscurcisse
que ma médiocrité
ne soit révélée
qu’à la lumière du jour enfin ressuscitée

(pp. 11-13)
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POUR QUI PARLE LE POÈTE ?

Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?

Celui capable de réformer le monde
ou de l’embraser d’un souffle acide
de l’enrouler d’un bon mot
jusqu’à l’implosion des sens
de faire de tout ce qui était
cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
fais-nous entendre ta voix
tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée
tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
de ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
accompagne-les dans leur retraite

Mais il est peut-être déjà trop tard

Car voici venu le temps des nombrilistes
des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
tu nous as tourné le dos à tous
sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
notre éternité
Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant

(pp. 62-63)
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LA SIESTE

J’ouvre les yeux un peu troubles du songe
La rumeur du jour pique à vif
Kaléidoscope rétinien
D’ombres roumaines striées de veines
Passage du noir au rouge
Puis les piaillements amis
Le cahot des charrettes
Et les bâtards qui leur courent après
Des voix familières dans la cloison
Nomment sans le brusquer le dormeur
L’appel en doux murmures suivis d’éclats de rire
Se lever avant que le lit ne me ramène définitivement
A cette torpeur molletonnée de l’entre-soi
Le soleil qui se pose sur un coin de fraîcheur
Une invite, une promesse renouvelée
Aucune urgence
Le monde m’attend
Me recoucher
Le faire languir encore un peu

(p. 24)
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