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Citations de Grégory Rateau (80)


Grégory Rateau
Elle vient du large
Sa force bruisse
Tous ces cris contenus
Remontent les courants de mon sang
Pour tout balayer
Ratisser les grands fonds

Après son passage
Un long silence peuplé de remords
Puis la honte
L'enclume du sort
Je baisse le regard
Devant mon propre visage à la dérive
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Grégory Rateau
Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?

Celui capable de réformer le monde
Ou de l’embraser d’un souffle acide
De l’enrouler d’un bon mot
Jusqu’à l’implosion des sens
De faire de tout ce qui était
Cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
Fais-nous entendre ta voix
Tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée d’hommes
Tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
De ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
Avec de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
Accompagne les dans leur retraite
Dans leur solitude de masse

Mais il est peut-être déjà trop tard

Car voici venu le temps des nombrilistes
Des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
Tu nous as tourné le dos à tous
Sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
Notre éternité

Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant
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Grégory Rateau
Aussi flou que ce début d'automne
Respirant à peine derrière la cloison
Je l'écoute économiser son souffle

Présence discrète oubliée de tous
Au dernier étage de cette tour
En vis à vis de cette béance où je respire à mon tour

Elle aussi doit m'écouter
Se rassurer de cette proximité
À l'inverse d'elle, je n'économise en rien mes effets
Je brûle tout jusqu'à ce temps déjà épuisé

Puis un jour son silence
Un couloir éteint malgré le retour du soleil
Il ne reste plus que moi
Le dernier homme de l'appartement 776
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Grégory Rateau
SPECTRES

Quand dehors
L’appel brûlant des vivants
Trop loin, trop proche
Je plonge mes yeux de spectre dans ceux de mes ancêtres
Deux mondes pour sceller le même cercueil
Chacun devenant le fantôme de l’autre
Photos écornées de visages énigmatiques
Des histoires à réinventer
Langue morte dont le sens se perd
Alors que je me terre à Palerme
Dans cette chambre minuscule
Pastiche d’un chez moi
Où j’occupe la même place côté droit
Le bureau sous la fenêtre
En contre-plongée de la vie
Les cris du marché
L’envie de repousser les murs
Mais je n’en fais rien
Je m’acharne à donner du sens
Le verbe ratatiné
Qui donc racontera mon histoire ?
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Grégory Rateau
Pluies frileuses
Alopécie du ciel
loin des cascades à présent stériles
qui ne viendront plus adoucir mes nuits
Toutes ces villes intérieures du manque
ne reflètant que soupirs
Parapluies décoratifs
Imperméables à vif et remisés
dans les zones d'ombre, inutiles
Le sol craquelle
en perte de mémoire
l'herbe peine à fleurir
là où les gouttières privées d'Oasis
hurlent à l'asphalte
insensible au ruissellement de mes vers
aux gestes limites
Mimant comme une farce
La tornade impossible
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Grégory Rateau
Je suis ce gamin lancé dans le monde
Cherchant "la maison" partout
Où les sourires se souviennent encore


Je suis cette langue exilée
Dont l'héritage en fuite
Le retient par la peau du Verbe


Je suis cette cigarette de trop
Et qui, une fois éteinte
Attend sagement de nouvelles brumes


Je suis cet être en chantier
A la recherche du frère ou de la sœur
Passant outre les quelques miettes de sang


Je suis cette raison vacillante
Accoquinée aux maudits
Mais se refusant à partager leurs tristes sorts


Je suis ce bohémien avide de sensations
Aveuglé par ses chimères
Mais s'accrochant désespérément à une branche d'éternité


Je suis cet imposteur
Dont la lucidité vengeresse
Lui désigne la blessure du soleil
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LA CONSPIRATION DU RÉEL

J’aimerais m’embarquer
dans la douceur de ce large
sans nom, sans destination

Rouleur d’éternité
nulle escale
voyager en solitaire
en prendre plein les embruns

Un ressac de présent concentré
bout au vent
fumer l’horizon jusqu’à ce point fixe
cette lueur qui pique les yeux
où convergent mes dernières forces vives

Saisir cette brèche
résister un bon coup
contre ce sel qui s’accroche à mes basques
me ronge au talon d’Achille

Abattre les voiles
me dresser face au réel
déjouer cette conspiration
les proches, les envieux, les faux-amis

Fureur contre ce siècle qui monnaye le temps
contre la houle qui fige mon sang
ma jeunesse pétrifiée
coule à pic

Dans un dernier sursaut de bon sens
je me glisse par le hublot grand ouvert
le repos du marin enfin
cette peur panique du noir, primale
sauvé par le spectacle d’un poisson-lanterne

Je sais maintenant où jeter l’ancre
sans peur
dans les bas-fonds
où les courants murmurent une dernière fois
avant de définitivement se taire
c’est d’ici
que je regarderai les bateaux passer
sans jamais plus s’arrêter

(pp. 66-67)
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Grégory Rateau
Fils de chien

Tu parles d’un poète !
embourbé jusqu’à la moelle
loin des villes du manque
le sang en suspension
sur ce bout de pain noir
la campagne roumaine
et ses bâtards furibards
t’empêchent de couler en silence
ta détresse et ton errance
eux aussi pensent avoir le monopole :
du rejet
du vide
de l’inutile.
Vous me direz si c’est bon?
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Quelle incompréhension dès que l’enfant
derrière le rideau s’exprime en nous
une voix meurtrie sommeille
elle revient de loin, profonde mais volatile
trop de vérités nouées en slogans
les martyriser à grands coups de marteau
trouver le frère à l’oreille fertile
tendue aux murmures sentencieux
et qui n’opposera pas son silence affecté
car écrire est superflu
si personne ne vient s’approprier ces quelques mots

(p. 45)
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Grégory Rateau
TIGANESTI

La campagne éteinte
La pluie claque
Souffrent les arbres tordus et suppliants qui,
Dans une diagonale ridicule,
Un dernier sursaut de dignité
S’arrachent de leurs lits pour prendre leur envol
Les animaux aux regards fous
S’exilent vers des déserts hypothétiques
Seule la terre exulte
Elle avale goulument
Une soif impossible à étancher
Au point que la Garla d’habitude plutôt calme et marron claire
Déborde d’agitation et devient couleur de pierre
Refluent à sa surface
Des cadavres de vélos rouillés
Des jouets déréglés
Les seules silhouettes perdues dans le lointain
Plongent dans la brume jusqu’à la taille
Commérages des feux de cheminée
Les fenêtres sont comme des écrans opaques
Ombres gesticulant d’une pièce à l’autre
Buées de souffre et de misère
Ce sont les verres qui claquent à présent
Un tintement continu
Parfois, des voix encore humaines remontent vers le ciel
Et rencontrent l’écho du tonnerre
Les bancs en bois devant les portails sont vides
Leurs pieds sont rongés jusqu’à la moelle
Les mauvaises herbes s’y installent
Se liquéfient les traces de pas
Les chiens errants boivent leurs empreintes
La forêt dévêtue dévisage impuissante
La vie se calfeutrer
Les rires se murer dans l’hiver
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Grégory Rateau
FATIGUÉ DES MIRAGES

Nourri de la peau de leurs sourires
j'ai injecté en retour la cendre de ma jeunesse
sans pouvoir les toucher
sans pouvoir les retenir
Lydia, Dorothy
La mort enfin et sa mélodie de juillet
déversent le flot d'un amour trop longtemps assoupi
Les terrasses sont comme des aurores
On attend avec espoir qu'elles se remplissent
On guette Le visage
pour boire à son calice
Mais le sommeil n'a que trop duré
La Seine est bien noire
Je marche sur un sol grippé
entre les opiomanes des Lombards
la note au point mort
une ligne pure
un réveil définitif
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DE LÀ-HAUT

Tout paraît plus cocasse
et en même temps
la proximité du ciel
rajoute une couche de gravité
Les fenêtres ne reflètent rien
si ce n’est un grand soleil éclaté
Je le recompose comme je peux
je plonge mes mains dans cette argile
mais rien à faire
toutes les histoires me filent entre les doigts
quand elles ne racontent pas la même chose
Des guetteurs qui cheminent le long des quais
à l’affût d’un itinéraire commun
Ils se cognent sans se reconnaître
et parfois, sous des lampadaires
certains prennent la pose
feignent l’isolement volontaire
avant que le petit jour ne révèle leur misère
De retour au pub
un long sanglot traverse Dublin
rien ne peut plus l’arrêter
même pas les rares étreintes à l’aveuglette

(p. 21)
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Grégory Rateau
DE LÀ-HAUT

Vous qui jugez les uns de vos triples hauteurs,
ces jeunes illusionnés fraichement débarqués ; avec les mêmes rires glauques vous condamnez

De vos trônes empaillés, la flamme n’attend plus que l’étincelle pour exulter.
Dans les couloirs vermoulus de vos sociétés secrètes
Où l’on distribue bons points, diplômes en vacuité, d’une main lâche
vous frappez ; préparant bien en avance vos éloges funèbres et forçant le destin parfois quand le goût du sang monte à la bouche, devient trop prégnant.

Que connaissez-vous des routes de la faim ?
Pas celles qui creusent le ventre mais le tonneau insatiable, quand les têtes soudain mises à nu
tournent sur elles-mêmes en fixant le ciel pour y entrevoir un visage ami, prêt à tendre vers lui, à tout sacrifier.

Mais la constellation change de planète, sourde à leurs vers en faisant semblant d’y croire.
Des mots vides, rassurants mais vains.
Vous êtes trop loin masqués derrière vos bronzes académiques ; sans peine vous cheminez tristes Nadirs vers les actualités du jour.

Des âmes mortes voilà ce que vous êtes et vos mots ne traverseront jamais la terre.
Ils ne sont plus rien.

Quand le siècle soudain se tait, votre nom lui-même s’oxyde.
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Avant-propos

Plus de courant
plus de divertissement
des natures mortes ici et là
ça grouille dans tous les coins
l’angoisse sur une corde à linge
l’ennui
le rien
Je saisis mon briquet
la flamme s’étire lentement
se prosterne devant mon ombre orgueilleuse
la pièce est prise de délires
on ne peut plus l’arrêter
La Camera obscura
se déploie par-delà ma rétine

Je dois absolument calligraphier dans l'urgence
en simple exécutant
je suis le passeur
des non-civilisations à venir

Une vieille plume traîne dans un tiroir
un peu de salive
de l’encre injectée
et la voici qui exulte
qui pénètre la page
s’incurve dans sa blancheur
Image du monde inversée
frustrations
souvenir d’une existence
entièrement déréglée
par la lumière bleutée des algorithmes
Dépendance volatile
altération de tout
du Je
Un vaste réseau fantôme aux ramifications profondes
relié aux quatre coins du monde
à rejouer sans cesse les mêmes notes privées de musique
jusqu’à cette libération honteuse
Retour à cet anonymat définitif

Quand soudain
d’autres sons grignotent la piste
des gémissements de l’aube
un beat orchestré
dont mes oreilles serviles
ne pouvaient plus s’émouvoir
avant ce Black-out passager
terreurs nocturnes providentielles

Je prête l’oreille à l’inconnu
J’entends l’appel
Les mains jointes vers le portrait du jeune poète
et dans un dernier mantra de jazz
je tourne sur moi-même comme un derviche
pour que l’on scelle enfin la connexion mystique

J’aimerais tellement en être
que les mots coulent comme une étreinte
que la vie s’y consume
Un nouveau croyant
à genoux devant la fulgurance du verbe
que je souhaite égale à la grâce des feux-follets
ces âmes persécutées
hurlant dans les caves
pour qu’on les libère
À mon tour de prier
retour à la bougie
Que sa lueur ne faiblisse
avant que mon pouvoir
ne s’obscurcisse
que ma médiocrité
ne soit révélée
qu’à la lumière du jour enfin ressuscitée

(pp. 11-13)
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POUR QUI PARLE LE POÈTE ?

Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?

Celui capable de réformer le monde
ou de l’embraser d’un souffle acide
de l’enrouler d’un bon mot
jusqu’à l’implosion des sens
de faire de tout ce qui était
cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
fais-nous entendre ta voix
tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée
tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
de ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
accompagne-les dans leur retraite

Mais il est peut-être déjà trop tard

Car voici venu le temps des nombrilistes
des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
tu nous as tourné le dos à tous
sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
notre éternité
Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant

(pp. 62-63)
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Nombreux sont ceux qui se tiennent en équilibre
à contempler rigides
le crépuscule du temps venu
l'âge n'aide en rien c'est certain
mais la jeunesse est souvent postures
les mots pour l'exprimer alors
un vaste champ lexical de l'amertume.
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Grégory Rateau
À L'OMBRE DE PALERME

La balle roule entre deux eaux
sur cette aridité où même la vague se brise
reflexe post-mortem, battement d'une huître
c'est ici que stagne tous tes désirs
enfant-roi en quête de nouvelles plonges
déclassé au niveau des cuvettes rabaissées
tu t'actives à l'ombre de midi
la ville refuse de satisfaire le moindre de tes caprices
alors tu rempiles pour une année de plus
entre déclassés se méditent
la révolution à venir
Un simple tire au but
et ta patrie ressuscite
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BUCAREST

Sur tes trottoirs enduits de poudre
des séraphins ivres se laissent aller
jeûnent à coup de temps mort
de petits compromis fumeux dans l'amnésie du soir

Ici, on s'arrange comme on peut avec les trocs
à l'ombre des blocs
les journées se grignotent
se recrachent aussitôt

Sur tes boulevards, les volants
à coup d'aigreurs bureaucratiques
basculent. Klaxon contre klaxon
les mouettes mitraillent le sol

Tout s'étiole lentement
les ancêtres en file indienne
se prosternent devant le pope
un cierge allumé au nom des exilés

Les gloires statufiées veillent au grain
sur tes planches éventrées
boyaux et viscères du faste d'antan
la vie s'accroche à des relents de beauté

Des cratères sur le pavé
les gamins improvisent
à saute-mouton pieds nus
et hop, dans ton énorme gueule

Dans l'impasse, l'herbe gangrène le béton
un vaste portail mauresque
des résidus de lumière pendus aux fenêtres
les Mille et une Nuits dans un trompe-l'œil

Tout ici appelle aux souvenirs
on glisse sur toi en reconnaissant seulement des bribes
en fulminant sur un ailleurs
dans l'impossibilité, pourtant, de te fuir

(pp. 32-33)
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ce sont les livres qui ne m’ont jamais lâché
des plaquettes et des pavés
sans discrimination aucune
juste un assemblage de briques
assez pour me surélever
des mots qui ne ressemblaient à rien d’autre
des galaxies contenues parfois dans une phrase
de vraies claques
Rimbaud, Miller, London, Istrati
Affamés de découvertes
de justice
d’une toute autre liberté
eux aussi en ont soupé
encaissé
sans jamais sourciller
leur rage a grandi
nourrie de rencontres
de frustrations
de fraternité sauvage
loin des lieux communs
du cordon ombilical
je la sens grandir en moi à mon tour
cette langue souterraine
le Bruit et la Revanche
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LA SIESTE

J’ouvre les yeux un peu troubles du songe
La rumeur du jour pique à vif
Kaléidoscope rétinien
D’ombres roumaines striées de veines
Passage du noir au rouge
Puis les piaillements amis
Le cahot des charrettes
Et les bâtards qui leur courent après
Des voix familières dans la cloison
Nomment sans le brusquer le dormeur
L’appel en doux murmures suivis d’éclats de rire
Se lever avant que le lit ne me ramène définitivement
A cette torpeur molletonnée de l’entre-soi
Le soleil qui se pose sur un coin de fraîcheur
Une invite, une promesse renouvelée
Aucune urgence
Le monde m’attend
Me recoucher
Le faire languir encore un peu

(p. 24)
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