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Citations de Grégory Rateau (80)


Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?

Celui capable de réformer le monde
Ou de l’embraser d’un souffle acide
De l’enrouler d’un bon mot
Jusqu’à l’implosion des sens
De faire de tout ce qui était
Cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
Fais-nous entendre ta voix
Tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée d’hommes
Tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
De ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
Avec de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple

Mais il est peut-être déjà trop tard

Car voici venu le temps des nombrilistes
Des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
Tu nous as tourné le dos à tous
Sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
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le lendemain brûlant de haine
  
  
  
  
le lendemain brûlant de haine
ma peur bien planquée
pesant sur ma scoliose
en nage à force d’uppercuts
lancés à la dérive
de brasser les mensonges
et autres chimères
dissocié du « moi »
je ne voyais plus que les fissures
les craquelures dans le béton
les petites imperfections
qui semblaient me sourire
l’acharnement reprenait
quand ce n’était pas les marques de ces morveux
c’était la règle qui opposait sa signature
ma peau finissait même par s’endurcir
par me donner des allures de vieux bonze
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DE LÀ-HAUT

Tout paraît plus cocasse
et en même temps
la proximité du ciel
rajoute une couche de gravité
Les fenêtres ne reflètent rien
si ce n’est un grand soleil éclaté
Je le recompose comme je peux
je plonge mes mains dans cette argile
mais rien à faire
toutes les histoires me filent entre les doigts
quand elles ne racontent pas la même chose
Des guetteurs qui cheminent le long des quais
à l’affût d’un itinéraire commun
Ils se cognent sans se reconnaître
et parfois, sous des lampadaires
certains prennent la pose
feignent l’isolement volontaire
avant que le petit jour ne révèle leur misère
De retour au pub
un long sanglot traverse Dublin
rien ne peut plus l’arrêter
même pas les rares étreintes à l’aveuglette

(p. 21)
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ce sont les livres qui ne m’ont jamais lâché
des plaquettes et des pavés
sans discrimination aucune
juste un assemblage de briques
assez pour me surélever
des mots qui ne ressemblaient à rien d’autre
des galaxies contenues parfois dans une phrase
de vraies claques
Rimbaud, Miller, London, Istrati
Affamés de découvertes
de justice
d’une toute autre liberté
eux aussi en ont soupé
encaissé
sans jamais sourciller
leur rage a grandi
nourrie de rencontres
de frustrations
de fraternité sauvage
loin des lieux communs
du cordon ombilical
je la sens grandir en moi à mon tour
cette langue souterraine
le Bruit et la Revanche
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lui me regardait de loin
l’ami trouble
autrefois accro comme moi aux VHS
deux novices s’enivrant à la vue de ces déesses
à coups d’imprécations depuis les hautes plaines
régnant autrefois sur ce qui fut notre banlieue
voilà que ce salaud avait troqué notre savoir contre de la ferraille
livrant notre territoire à des Sauvages
la honte était bien là
mais je peux me tromper
adieu nos « camarades »
sans rancune
là où je vais
tu n’aurais pu aller
pas assez d’estomac
je ne t’oublierai pas vieux frère
toujours là pour te hanter
tu n’as jamais participé à mon lynchage
mais ta violence c’était ton immobilité
me regarder me débattre sur notre sol
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Je trouve enfin un petit ponton, moitié ombre, moitié soleil. Je m’installe en tailleur et sors de mon sac le livre Le pèlerin du cœur de Panait Istrati. Il y raconte sa jeunesse exaltée au bord du Danube, ses dernières journées en liberté à contempler la vie autour de lui, avant le moment fatidique où il devra y renoncer pour se plier au travail forcé. La lumière qui jamais ne lui demandait quoi que ce soit s’efface progressivement, laissant la place à l’univers sombre et enfumé des cabarets où il devra suer sang et eau pour ne pas être molesté par sa clientèle enragée. Je me demande ce que Panait penserait de cette Roumanie nouvelle, de ces parcs, derniers vestiges à cet endroit du règne de la nature qu’il chérissait, ainsi que de ses bars bondés qui encore aujourd’hui sont remplis des mêmes nantis qui hier encore le persécutaient. Il trouverait sûrement le seul espace, aussi petit soit-il, où il pourrait asseoir sa liberté et lire, lire à s’en décrocher les rétines, avant que la dernière page ne lui soit brutalement arrachée des mains.

(p. 90)
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[La] maison [de George Călinescu] est aujourd’hui gardée par un vigile tapi dans l’ombre, régulièrement pomponnée par des agents payés par la mairie, avec en prime une belle plaque à l’entrée qui immortalise un nom, hier encore, totalement inconnu pour moi. Ma curiosité ne m’a d’ailleurs pas beaucoup poussé à y voir plus clair par la suite, ayant à peine entamé sa biographie sur Wikipédia. Je cherchais délibérément, je crois, à ne pas aller plus loin, sans parler du fait que ses romans ne sont pas ou peu traduits en français. J’ai de nombreux ses amours pour des écrivains du monde, éternellement en exil, traînant leurs livres derrière moi comme je traîne mes jeans troués mais je n’avais encore jamais eu la chance de pouvoir toucher de manière aussi charnelle et aussi quotidienne les murs qui, hier encore, avaient abrité « un vrai écrivain », cette créature dont on murmure les hauts faits après une nuit blanche, la bouche pâteuse et les yeux brûlés par les mégots froids. Elle est dépeinte parfois comme solitaire, souvent un peu démente et toujours en décalage avec son siècle. Lorsque je séjournais à Paris, il m’arrivait de me mettre en quête de sa présence ; je ne rencontrais alors qu’un simple écriteau, témoin de son passage éclair dans des immeubles, des hôtels, des troquets aujourd’hui transformés ou rebaptisés jusqu’aux fondations. Ici, le lieu est accessible, sa jeunesse est intacte. Je pose ma main sur le muret, je caresse la pierre qui dépasse, la prenant vigoureusement dans ma paume comme on serre la pince à un vieux camarade. J’espère un peu bêtement que l’énergie circulera, répétant les mêmes incantations à chacun de mes passages désespérés : « Fais de moi un véritable écrivain ! ». Je ne me lasse nullement de le répéter matin et soir, légèrement éméché en sirotant ma bière rituelle, aussi superstitieux qu’une paysanne roumaine qui chante pour que la pluie arrose ses champs : – « Plouă, plouă, babele se ouă… ! (Il pleut, il pleut, les vieilles pondent des œufs) ».

(pp. 167-168)
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Il m’a fallu traverser une mer et quelques blocs européens pour trouver ce refrain, dont la bande vieillie par le temps avait d’abord été chantée par l’écrivain Panait Istrati pour être finalement décriée par ce même auteur au moment du bilan final de sa vie. Je n’en suis pas encore là, simple bilan de routine, mais je suis tellement heureux de pouvoir à mon tour chanter la douce comptine de l’amitié.

(p. 158)
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Au bout d’un moment, une sorte de bilan s’impose. Pourquoi rester ici en Roumanie ? Si je reste honnête et il serait dommage de lâcher prise avant la fin, j’ai autant gagné que perdu à vivre en terre balkanique. Je me retrouve bloqué de nouveau entre les quatre murs d’un bureau, avec la clim en prime car ici la chaleur empêche même les poissons de venir respirer à la surface de l’eau, contraint de devoir répondre minute après minute à des clients dont le produit de la plainte m’indiffère à un degré que je ne croyais pas pouvoir atteindre dans le cadre d’une activité rémunérée, et tout cela pour un salaire deux fois inférieur à celui auquel je pouvais prétendre au moment où j’ai pris mes jambes à mon cou, sans trop réfléchir comme à mon habitude. Maintenant il y a tout le reste, le coût de la vie beaucoup plus bas, les paysages, la nature, la famille de Sarah, des week-ends toujours plus poétiques les uns que les autres, la liberté d’évoluer sur un sol où la politique ne me remonte pas encore par le nez car au fond nous ne sommes que des passants, des spectateurs prudents.

(p. 156)
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Les êtres rampants, volants, les êtres souterrains, tous me fascinent. Je regarde l’escargot que j’ai malgré moi handicapé ; je l’admire de ne pas renoncer, m’interrogeant quand même : les autres vont-ils le rejeter à cause de sa différence ? J’espère que non. Ils peuvent tout aussi bien l’épauler, lui prêter un abri et, qui sait, lui rendre peut-être un semblant de dignité.

(p. 70)
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J’ai beau vivre noyé dans le brouhaha du monde, je sens qu’un jour je serai amené à parler enfin ce langage secret des gens qui vivent dans le souvenir des êtres aimés et perdus.

(p. 196)
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Je mets immédiatement en garde un lecteur éventuel ; je ne me suis pas contenté de tenir un carnet de voyage sur la Roumanie dans les pages qui vont suivre sans se suivre ou être reliées entre elles. Tour à tour cinéaste-documentariste, voyageur, exilé, expatrié, randonneur, chômeur, râleur, employé de bureau, je me débats comme je peux pour ne pas laisser le temps effacer le bénéfice des premières perceptions. Le pied posé sur la plage du nouveau monde, on laisse une empreinte sacrée ; celles qui suivent n’imprègnent plus le béton. Après, l’habitude vient foutre son grain de sel quotidien. La suite de cette aventure apparaît diluée dans des textes dont la durée varie en fonction du rythme qui s’est imposé à moi de manière quasi organique. J’ai essayé de répondre à l’appel qui s’est fait des plus pressants, écrire, me raccrocher à cette honnêteté de la page que l’on noircit pour se prouver que l’on existe encore et que les choses autour de nous existent bel est bien. J’aime les livres, trouvant les heures où j’en suis privé bien tristes et inutiles. J’en suis arrivé, au fil de mes lectures, à la conviction qu’il n’existe aucune fiction. Je n’ai foi qu’en ce réel que l’on décroche d’un crochet du droit car on est, même sans le vouloir, l’auteur qui raconte, se raconte. On ne peut pas être quelqu’un d’autre. Même si cette Roumanie que je décris n’est pas celle de mon voisin de palier, j’espère que par écho quelqu’un se reconnaîtra dans ces impressions, ces questionnements, ces coups de gueule, parfois tendres, parfois pathétiques ou narcissiques, il n’y a rien de plus ni de moins que la vie et la poussière que l’on remue sous nos pieds. Sinon, ma tentative aura été vaine et le chemin de ce livre un « hors-piste » dont l’égarement aura été nul. J’ai néanmoins la conviction qu’il n’y a rien d’utile dans le fait d’écrire, on se doit ou non de le faire ; aux lecteurs d’y trouver le sens qui, sans eux, manque inévitablement à toutes les pages, même les plus lumineuses.

(pp. 8-10)
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LA PIERRE TOMBALE

Je retrouve ces murets en feu
myriades de petites taches d’ombre et de lumière
y jouent à la marelle des lézards bariolés
le clocher grandiloquent
est toujours à sa place
entre le ciel et des auréoles de pins

Perché au sommet du village
contrefort surmonté d’une grande croix
de grottes où les plus hardis copulent
où les enfants jouent aux adultes
le cimetière en escalier
amène un brin de gravité
surtout le grincement de son terrible portail

Car ici rien ne perdure
tout est mouvement
d’une fécondité pérenne
balayé par de courtes saisons
le soleil rancunier
ne laisse que peu de place à l’entracte hivernal

La jeunesse de tous les pays afflue
shorts et casquettes dans un patchwork décalé
les gamins courent entre les pierres tombales
indifférents aux inscriptions carbonisées
aux supplications des veuves éplorées

Les vieilles les dévisagent d’un sale air
avant de sourire aux soutanes
et l’arbre comme un long mât
prêt à se jeter dans le Lot

Un patronyme retient mon attention
des générations au coude-à-coude
le souvenir de la voix étranglée de mon père
athée convaincu
et sa prière en murmure

La photo jaunie d’un homme lui ressemblant
je suis toujours incapable de nommer toutes les fleurs
pot-pourri sans odeur
son visage ne me dit rien non plus
seul le goût de l’Aneth me revient
une intuition soudaine
l’éternité pour me familiariser avec sa moustache

(pp. 35-36)
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Je suis ce gamin lancé dans le monde cherchant la maison partout où les sourires se souviennent encore. Je suis cette langue exilée dont l’héritage en fuite retient par la peau du Verbe. Je suis cette cigarette de trop qui une fois éteinte attend sagement de nouvelles brumes. Je suis cet être en chantier à la recherche…..
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Je me suis inventé un rêve
  
  
  
  
Je me suis inventé un rêve
qui n’existe plus quand je ferme les yeux.
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elle [une femme gitane] danse
  
  
  
  
elle danse jusqu’à l’extase
l’oubli de son serment
défaire par ses imprécations nocturnes
les liens empoisonnés.
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On a tous un paysage douloureux en mémoire
  
  
  
  
On a tous un paysage douloureux en mémoire
ici une barque
au repos sur le rivage
mouvement pétrifié
dans un entonnoir de vase
vaisseau fantôme sans destination

On a tous un rapport douloureux au temps
qui n’attend plus
même pas le passant que nous sommes
adossé et rêveur face au lac
le soleil fatigué d’attendre lui aussi
et déjà posé sur l’autre rive
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Qui sont-ils ?
Ceux que nos proches convoquent d’outre-tombe
Pour justifier une ride
Une dépendance de rien
Ou un succès d’estime

Ils ne sont pas grand-chose
Mythes sans fondation
Inconnus sans adresse
Poussière noire balayée au fil du patronyme
Et malmenée par les unions indignes

Leur sang ruissellerait
À profusion dans nos veines
Foutaises !
Ils ne ressemblent plus à rien
Sinon à une poignée de raisins secs

Pourtant aux heures les plus sombres
Je les entends
Leurs imprécations furieuses
Qui vous cueillent au berceau
Et vous collent une poisse d’enfer !
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Grégory Rateau
TIGANESTI

La campagne éteinte
La pluie claque
Souffrent les arbres tordus et suppliants qui,
Dans une diagonale ridicule,
Un dernier sursaut de dignité
S’arrachent de leurs lits pour prendre leur envol
Les animaux aux regards fous
S’exilent vers des déserts hypothétiques
Seule la terre exulte
Elle avale goulument
Une soif impossible à étancher
Au point que la Garla d’habitude plutôt calme et marron claire
Déborde d’agitation et devient couleur de pierre
Refluent à sa surface
Des cadavres de vélos rouillés
Des jouets déréglés
Les seules silhouettes perdues dans le lointain
Plongent dans la brume jusqu’à la taille
Commérages des feux de cheminée
Les fenêtres sont comme des écrans opaques
Ombres gesticulant d’une pièce à l’autre
Buées de souffre et de misère
Ce sont les verres qui claquent à présent
Un tintement continu
Parfois, des voix encore humaines remontent vers le ciel
Et rencontrent l’écho du tonnerre
Les bancs en bois devant les portails sont vides
Leurs pieds sont rongés jusqu’à la moelle
Les mauvaises herbes s’y installent
Se liquéfient les traces de pas
Les chiens errants boivent leurs empreintes
La forêt dévêtue dévisage impuissante
La vie se calfeutrer
Les rires se murer dans l’hiver
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Tu te retournes
guettant la clarté d'une enseigne
et toutes ces ombres aléatoires
qui pour toi devraient donner du sens
alors qu’une aube précoce se prépare
ébranle l'équilibre de tes persiennes
et te voilà en marche
flirtant avec le jour
la ville s'offre à toi
des lignes, des croisements, des fuites
ton désir écartelé
tes jambes trop fébriles
d'autres te dépassent
ils jouiront d'elle à ta place
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