Guillemette Isnard

Faites votre autocritique. Si vous prenez des notes pendant ou après une conférence parce qu'il y a matière à réfléchir, bravo ! Mais si vous avez tendance à vous précipiter sur votre crayon, comme les participants dans mes cours à l'instant où je m'écrie (malicieusement) :
" Pour la prochaine fois, je vous demanderais d'apporter...et, surtout, n'oubliez pas...",
il y a peut- être plus d'insécurité que vous ne le pensez, et c'est là que le travail commence. Travail simple mais exigeant : prenez le risque, de temps à autre, de ne pas écrire. Risquez d'oublier pour avoir une chance de vous souvenir et, du même coup, vous redonner un peu confiance. p. 24

Certains troubles de mémoire dérivent d'une émotivité, c'est incontestable ; d'autres proviennent de troubles physiques, c'est tout aussi indiscutable, mais des milliers de cas ne dépendent ni de l'un ni de l'autre. Je dirai qu'il y a des troubles de la mémoire qui sont un prolongement de la personnalité, une exagération de nos choix, de nos façons d'être ou bien une longue glissade vers la vieillesse avec tout son cortège de renoncements ou de révolte, de paix et de douceur, parfois.
p.120

La mémoire est le reflet de notre personnalité, de notre vécu. Travailler sa mémoire, c'est travailler à se connaître, à s'accepter et à arrondir les angles.
p.47

Répéter, c'est aussi réfléchir, utiliser ses connaissances, se servir de son intelligence, mais pourvu, bien sûr, que la réflexion ait laissé à la mémoire le temps d'exister. C'est bien joli de vouloir réfléchir sur les idées des autres, mais encore faut-il les avoir assimilées pour ne pas parler à tort et à travers. [...] Répéter, c'est aussi utiliser jour après jour nos connaissances, nos compétences, qu'elles soient physiques, artistiques ou intellectuelles. [...]
Jusqu'au jour où nous nous rendons compte que, sans savoir quand ni comment, toutes nos facultés se sont améliorées. p.45

" Je n'ai plus confiance en ma mémoire. "
C'est une autre façon d'écrire, qui commence simplement par l'utilisation d'un agenda - c'est normal, nos rendez- vous ! - et qui continue sournoisement avec les feuillets autocollants sur le réfrigérateur, le bureau ou même...dans l'agenda !
Contrairement à ce que l'on pense, cette façon d'écrire ne vise pas à favoriser le processus de mémorisation ; elle est là parce que l'on a peur d'oublier. Le mot est lancé : peur. Ce manque de confiance qui, jour après jour et de plus en plus fréquemment, nous fera tellement douter de nous qu'il faudra toujours et encore plus écrire. Cette émotivité risque de nous faire arriver au résultat contraire : l'écriture ne nous aidera plus, seule la peur occupera notre esprit. La peur, cette émotion qui nous fige, est aussi tout à fait capable de bloquer notre mémoire.
p.23

A force de travailler à oublier pour vous rappeler plus tard, vous arriverez peu à peu à transposer cette habileté dans vos réactions émotives, qui peuvent évoluer entre l'oubli inquiétant et l'obsession épuisante. [...] D'ailleurs, certains parmi nous utilisent instinctivement cette habileté d'oublier pour se souvenir au bon moment : ceux qui, sans mettre la sonnerie de leur réveil, savent qu'ils ouvriront l'oeil à l'heure choisie, même si elle est différente chaque jour.
p.25

La mémoire suit les cycles de notre vie. Elle en est le reflet et elle les reflète. Les évènements et les émotions vécues, ainsi que la façon de les traverser, constitueront la trame de notre mémoire.
p. 37

Nous savons comment cette émotivité peut, par sélectivité ou par peur, par rancune ou encore par découragement, faire perdre pied à notre mémoire. Nous avons tous en tête des exemples de personnes atteintes au cerveau qui ont fait des miracles malgré leurs neurones lésés. Et malheureusement, d'autres qui, sans raisons cliniques apparentes, ne parviennent pas à faire vivre leur mémoire, ni même à jouer le jeu de la vie.
p. 119