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Critiques de Gustav Mahler (2)
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Lettres à Alma

Ce livre rassemble les lettres que Gustav Mahler a écrites à sa femme Alma Schindler, fiancée puis épouse, de leur rencontre en 1901 jusqu’à la mort du compositeur en 1911, du moins celles qu’Alma a désiré transmettre à la postérité, après avoir censuré probablement les passages les plus délicats, si l’on se fie au portrait que nous a brossé de cette Femme avec un «F » majuscule le biographe incontournable de Mahler, Henri-Louis de La Grange.

J’ai toujours eu une attitude un peu ambivalente à l’idée de lire une correspondance intime, même édulcorée. Pourtant, assurément, Mahler était un tel créateur qu’il est passionnant de découvrir un peu plus l’homme à travers ces lettres, d’autant plus qu’il y parle abondamment de ses travaux de compositeur et de chef d’orchestre. Par ailleurs, et ce n’est pas négligeable, les lettres constituent un témoignage intéressant sur la vie et la société Viennoise du début du XXème siècle. A noter que nous ne possédons pas les réponses d’Alma aux lettres de Gustav, ce qui modère notre ressenti à être voyeur à la lecture de cette correspondance personnelle.

Avant tout, nous découvrons l’homme Mahler, amoureux d’une jeune femme de vingt ans qu’il rencontre alors qu’il en a deux fois plus au cours d’un dîner commun au sein de la haute bourgeoisie viennoise, Alma appartenant à une famille très en vue, alors que le compositeur, bien que reconnu comme chef d’orchestre de l’Opéra de Vienne, est perçu comme indésirable de par ses origines modestes, juives, et un caractère épouvantable qui l’empêchent d’être introduit aisément dans les réseaux influents. Mahler, au contact d’Alma, pénètrera la haute société viennoise, et apprendra à faire des concessions et courbettes, du moins sur le plan social, car, comme il disait : « En tant qu’être humain, je suis prêt à tous les compromis, en tant que musicien, aucun. »

Quand il la rencontre, Alma est une très belle jeune femme, vive, intelligente, spontanée, qui possède une solide éducation musicale depuis l’enfance. Entre eux, c’est quasiment un coup de foudre. Mahler est plus vieux, plus petit qu’elle, mais la séduit par ses petits yeux perçants, son enthousiasme, son humour ironique aussi. Outre Alma, Gustav succombe au charme du beau-père de celle-ci, Carl Moll, homme très cultivé et influent. Tout ce petit monde est raffiné, lettré, et les dîners suivant permettront au compositeur de rencontrer les membres de la Sécession viennoise, inventeurs de l’art nouveau que sont Klimt, Roller, Moser, etc…avec lesquels il collaborera plus tard sur le plan artistique et fera souffler un vent de modernité sur les productions de l’Opéra viennois.

Dès le lendemain de leur rencontre, Alma et Gustav s’écrivent, sous le charme l’un de l’autre. Débats philosophiques, littéraires, dans un premier temps, très vite agrémentés de charmantes déclarations. Les amoureux se fiancent très vite. Alma semble rapidement persuadée que son destin va être lié à Gustav. Celui-ci, plus expérimenté, est un peu hésitant eu égard à la jeunesse et à l’ambition qu’il devine chez la jeune femme exaltée. C’est ainsi qu’il écrit à Alma, avant de prendre une décision définitive, une fameuse longue lettre dont par exemple Françoise Giroud, auteur d’une biographie d’Alma, a fait ses gorges chaudes de féministe. Mahler envoie à Alma une sorte de « notice » de future épouse. On peut trouver le contenu révoltant, ahurissant, mais on ne peut dénier à l’homme son honnêteté.

Mahler est un homme qui a une conscience aiguë de son talent de créateur, de sa propre valeur, et surtout de ce que le besoin de créer, de composer, est vital chez lui. Cet égocentrisme que l’on peut détester est souvent inhérent aux grands créateurs. La nécessité de créer est vitale. La question ne se pose même pas. Or Mahler se débat déjà, en tant que célibataire, entre ses activités de chef d’orchestre et Directeur de l’Opéra de Vienne qui lui prennent tout son temps, entre les tracasseries administratives, les répétitions etc… d’autant qu’il a une « légère » tendance à vouloir tout diriger. Il ne faut pas oublier que le chef Mahler restera dans l’histoire de la musique comme celui qui a fait entrer l’orchestre et l’opéra dans la modernité, au prix de batailles incessantes contre l’immobilisme des mentalités, et l’antisémitisme dont il fera toujours l’objet, même intégré au sein de la bourgeoisie viennoise. Avant sa rencontre avec Alma, les temps de compositeur pour Mahler tiennent exclusivement dans les mois d’été pendant lesquels il est en vacances. C’est en deux mois qu’il essaie de rattraper le temps introuvable le reste de l’année pour ce qui lui tient le plus à cœur. Dans cette lettre, certes maladroitement parce qu’un peu brutalement, Mahler fait part de ses intentions à Alma de ne rien changer à ses priorités de vie, mais de plus de lui demander, si elle souhaite devenir sa femme, d’être toute dévouée à lui, de lui aplanir le chemin, et de renoncer à toute ambition personnelle, particulièrement musicale. C’est à cette seule condition qu’il l’acceptera comme épouse. Adoptant un ton paternaliste, Mahler peut à travers ces lignes apparaître comme un monstre d’égoïsme, et il est certain que l’on peut se demander quelle femme pourrait accepter cela, mais Alma acceptera, par amour, mais aussi par la conscience qu’elle a du génie de Mahler qui flatte la muse qu’elle demeurera toute sa vie pour ses compagnons successifs. Il n’y a pas un bourreau et une victime, mais deux êtres qui sont opportuns l’un pour l’autre, et c’est finalement ce à quoi on peut réduire froidement toute relation amoureuse. Le problème qui se posera au fil des années réside me semble-t-il davantage dans la différence d’âge dans le couple. Alma, frustrée sexuellement, ira voir ailleurs, toujours des artistes. La perte de leur fille aînée, Maria, à cinq ans, sonnera le glas de leur relation, Mahler apprenant au même moment sa maladie cardiaque qui l’emportera quelques années plus tard. Au fil des années, et dès l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête, il prendra conscience de l’importance de son attachement à Alma (il ira même consulter Freud pour essayer d’éviter son naufrage conjugal), de sa peur de la perdre. Les rôles vont s’inverser dans les dernières années, Alma devenant une figure maternelle pour le compositeur. Elle aura été sa copiste, et bien qu’elle n’ait pas toujours adhéré aux compositions de son mari, elle gardera toujours une admiration intacte pour l’artiste.

Au fil des lettres, Mahler se montre de plus en plus sentimental, attentif, moins égoïste. Il se sait condamné, son temps lui presse, et s’il ne cesse de composer, il incarne Alma dans un thème de sa sixième symphonie, et, à la toute fin de sa vie, écrira une dédicace déchirante sur le manuscrit de sa dixième symphonie, alors qu’Alma, bien que présente auprès de lui, vivra sa vie de femme ailleurs.

Les lettres de Mahler à Alma, sur une décennie, dans un temps où le courrier mettait parfois trop de temps à arriver, restent un témoignage précieux sur la vie du compositeur, la vie d’un homme dans toute sa complexité dont le destin principal était sans doute d’offrir au monde sa musique, synthèse d’un monde qui s’écroule, annonciatrice de futurs désastres, de la tonalité aux débuts de l’atonalité, qui trouvera la place et la reconnaissance qu’elle mérite bien après sa mort. Alma aura été le témoin de ce destin hors norme, pas autant sacrifiée qu’on veut le dire, mais sûrement admirable par bien des côtés pour son dévouement et son abnégation.


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Correspondance

Quatre étoiles, deux pour Mahler et deux pour Strauss, et pour ce livre qui n’intéressera que les fervents adeptes de l'un ou de l'autre, voire même des deux.Littérairement parlant, d'un point de vue stylistique, cette correspondance n'a guère d'intérêt. Musicalement, c'est une toute autre histoire, quand ces lettres échangées entre 1888 et 1911, cessant fatalement à la mort de Mahler, nous sont un témoignage très concret sur la vie musicale principalement viennoise avec pour toile de fond un monde qui s'achève. Moins de cinq ans séparent les deux hommes, et Mahler (l'ainé) mourant laissera presque 40 ans à Strauss devant lui. Mahler/Strauss, c'est un peu comme Debussy/Ravel, Schubert/Schumann, des couples déclarés ennemis par les musicologues paresseux. Il est vrai que beaucoup de choses les séparent : origines, tempérament... Par ailleurs, dans la postface, on nous précise que cette diabolique d'Alma Mahler a tout fait pour déformer l'image des relations entre les deux, pour la postérité. Soit, laissons Alma vivre sa vie et endosser toutes les fautes. Ceux qui liront ces lettres y trouveront un témoignage de solidarité entre collègues chef-d'orchestres et compositeurs s'épaulant pour faire vivre leurs oeuvres et leurs conceptions musicales dans le lac aux requins viennois. Essayant d'être objective (cela m'est difficile), il me parait notable que Mahler a plus cru en Strauss compositeur que le contraire. Strauss est un peu plus souple et ne rechigne pas aux concessions pour assouvir sa grande ambition. Mahler, non moins ambitieux, est d'une intransigeance maladive qui lui coûtera son poste de Chef à Vienne. Strauss lucide a senti le vent tourner et comme l'illustrent mes deux citations préférera parfois se passer des services de Mahler pour assurer sa route. Mais il acceptera souvent de bonne grâce de diriger les oeuvres de Gustav et supportera les exigences inouïes de celui-ci. Mahler est plus visionnaire décelant dans "Salomé" de Strauss un chef-d'oeuvre qui passera le temps. Il est plus démonstratif dans sa correspondance, tout en restant très concret et pratique. Strauss est plus mondain . On ne sent pas vraiment une amitié profonde, davantage un respect et un front commun contre l'adversité. De plus, les deux hommes étaient fatalement très occupés et n'avaient que peu d'occasions de rencontres physiques.

Je me suis demandée comment aurait pu évoluer leur relation si Mahler avait vécu davantage. Sa musique n'a connu le succès véritablement qu'au début des années 60. Strauss dans sa longue vie a pu connaître la satisfaction de se sentir compris de ses contemporains.

Au final, cette correspondance, si elle n'est pas passionnante, nous montre une fois de plus que la postérité aime bien simplifier les vérités humaines et historiques. Celles-ci sont souvent plus complexes ou ambigues. Pourtant, ici, ultime paradoxe, c'est plutôt la simplicité d'un échange de créateurs partageant une même passion qui me reste en mémoire. C'est plutôt rassurant.
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