Gustave Fraipont

Un bon croquis doit être fait hardiment, les traits doivent être bien pinces , bien francs ; les silhouettes toujours nettement indiquées, les formes bien définies. Rien n’est ennuyeux à voir comme ces croquis indécis qui voudraient être « jolis » et ne sont que mous, cotonneux! Le croquis doit être net et carrément indiqué; il va sans dire que lorsqu'il s’agit de croquis instantanés on ne peut souvent que l’indiquer d’un trait, mais encore faut-il que ce trait soit franchement crayonné.

Outillage!... le mot est gros pour indiquer un bien mince bagage d’ustensiles : la plupart du temps un album ou un carton à dessin contenant quelques feuilles de papier, un crayon, puis le canif pour le tailler, une gomme à effacer et voilà!... Si l’on a l’intention de prendre des croquis « faits », si l’on aime avoir ses aises, si surtout on ne craint pas de se charger, on peut augmenter son bagage d’un pliant et d’une ombrelle à pique.
Suivant le mode d’exécution qu’on veut employer, on modifiera, bien entendu, ses outils : on prendra plumes et encre, pinceaux, gourde à eau, sépia ou encre de Chine.
S’il ne s’agit que de prendre des croquis rapides, presque des notes, le crayon et l’album suffiront.

En peinture, chaque couleur a sa gamme complète ; comme en musique , chaque note a la sienne, les passages d'une note à une autre, dans cette dernière, sont moins nombreux, moins perceptibles à l'oreille tout au moins, que ne le sont pour l'oeil les gradations de couleurs. Vous apprécierez plus facilement, si votre oeil est quelque peu exercé, les plus minimes différences entre la valeur d'un ton et une autre valeur du même ton que vous ne percevrez, en musique, les comas existant entre une note et sa suivante.

Avant de se servir de la couleur, il est indispensable de savoir manier le crayon; il faut être capable de prendre un croquis pour entreprendre une aquarelle, même en pochade. Lorsqu'on peint, on a assez à faire déjà pour trouver les tons justes et chercher les combinaisons qui les donnent, sans avoir, en outre, la préoccupation de repêcher un dessin qu'on aurait indiqué d'une façon incorrecte.

Lorsqu'une oeuvre est faite au lavis, le graveur doit chercher le genre de travail qui siéra le mieux à chaque partie, il lui faudra varier ses coupes et ses surcoupes pour en rendre le caractère.
Que devient votre dessin pendant ce temps-là ? il disparaît peu à peu sous le burin et le bois une fois gravé, adieu votre oeuvre que vous ne reverrez plus qu'à l'épreuve, mais avec une interprétation autre que la vôtre; vos jolis petits tons, vos gris superbes bien appliqués au pinceau se seront transformés en lignes plus ou moins fines, en hachures plus ou moins larges, les valeurs seront restées ce qu'elles étaient, si votre graveur a été artiste habile, mais la « facture » sera absolument modifiée.

Un illustrateur, lui, est appelé à aller travailler un peu partout... Quand il s’agit de prendre sur nature des vues plus ou moins intéressantes, par des journées plus ou moins ensoleillées, cela va tout seul; mais s’il faut rendre une scène d’actualité, par exemple, et se glisser dans la foule, souvent dans la cohue, afin d’avoir à tout prix les notes suffisantes pour parfaire un dessin, c-'est une autre histoire et ce n’est pas toujours commode, tant s’en faut.

Des procédés de reproduction, il en existe pas mal déjà et il en naîtra encore, soyez-en persuadé. Plusieurs subdivisions s'imposent :
1° Les procédés typographiques;
2° Les procédés lithographiques;
3° Les procédés de taille-douce.

Avant d’essayer de développer les diverses manières de prendre des croquis sur nature au dehors, nous donnerons un conseil à ceux qui n’ont jamais essayé; c’est de commencer à en faire beaucoup sur nature, chez eux !...