Sur le mur, au-dessus du bureau, pendait un calendrier de l'année précédente décoré de créatures dont les formes opulentes menaçaient des maillots de bain extrêmement symboliques.
Sur les autres murs fleurissaient des cartes postales punaisées abritant des aphorismes d'avant Jésus-Christ:
"Un politicien honnête est un politicien qui reste acheté."
"Le labeur est la malédiction des classes alcooliques."
"Si votre femme ne sait pas cuisiner, gardez-la comme animal familier et allez au restaurant."
Une telle situation serait-elle assez répugnante à un jeune garçon pour l’amener à s’enfuir ? Les enfants élevés strictement sont capables d’incroyables pruderies, en particulier vis-à-vis de leurs propres parents. Mais il ne s’agissait pas des parents de Johnny, et la simple pruderie ne suffisait pas à expliquer l’expression de crainte que j’avais vue dans ses yeux, non plus que la curieuse anesthésie morale dont il avait fait preuve au cours de nos conversations…
J’étais arrivé au village abandonné. Je m’arrêtai et me retournai. D’où je me trouvais, les arbres du petit parc obstruaient la maison des Stockton. Me fussé-je aventuré seul aussi loin de Ardright, que je n’eusse pas imaginé apercevoir de là une habitation. Tout autour de moi, ce n’était à présent que landes impraticables, désolées sous le ciel brumeux. Mon regard se posa sur un brin de bruyère dont les fleurs minuscules étaient blanches au lieu d’être pourpres. Je cueillis la brindille, en me demandant si j’avais affaire à une autre espèce. Une voix m’interpella : « Elle vous portera bonheur… c’est la bruyère blanche. »
Je me retournai. Frances Stockton était assise sur l’une des pierres basses d’un mur écroulé, à quelques pas de là.
Nous étions sur la rive d'un cours d'eau et, sur le flanc de la colline, derrière nous, s'étendait une lande nue. Johnny s'était éloigné d'environ cinq cents mètres : petite silhouette se déplaçant lentement sur la bruyère. Je regardais dans sa direction en me demandant si ma voix porterait jusqu'à lui, mais, avant que j'aie pu ouvrir la bouche, il avait disparu, purement et simplement.
Les enfants élevés strictement sont capables d’incroyables pruderies, en particulier vis-à-vis de leurs propres parents. Mais il ne s’agissait pas des parents de Johnny, et la simple pruderie ne suffisait pas à expliquer l’expression de crainte que j’avais vue dans ses yeux, non plus que la curieuse anesthésie morale dont il avait fait preuve au cours de nos conversations…
Tout autour de moi, ce n’était à présent que landes impraticables, désolées sous le ciel brumeux. Mon regard se posa sur un brin de bruyère dont les fleurs minuscules étaient blanches au lieu d’être pourpres. Je cueillis la brindille, en me demandant si j’avais affaire à une autre espèce.
Ce fut un véritable escamotage, de la prestidigitation. J'ai dîné un soir à Paris avec un prestidigitateur. Il faisait disparaître un dé de son doigt. Je regardais à ce moment précis, et soudain... plus de dé. La disparition de Johnny a été tout aussi magique.
J’étais arrivé au village abandonné. Je m’arrêtai et me retournai. D’où je me trouvais, les arbres du petit parc obstruaient la maison des Stockton. Me fussé-je aventuré seul aussi loin de Ardright, que je n’eusse pas imaginé apercevoir de là une habitation.
Une telle situation serait-elle assez répugnante à un jeune garçon pour l’amener à s’enfuir ?