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Citation de martineden74


Le fait est que deux mois durant la Révolution fait du beau. On incendie la guillotine. La peine de mort ? Abolie. Et l’on s’attaque sans tarder à la mère de tous les maux, de tous les vices : la misère. On ne peut en un tour de main la changer en fée du logis, mais pour le moins on l’adoucit. On installe des étalages de fruits, de légumes, de pains distribués à prix coûtant. On réduit le temps de travail de dix-sept à dix heures par jour, et défense est faite aux patrons d’employer des enfants de nuit. Désormais les hommes et les femmes sont égaux en droits et devoirs. Même ouvrage, même salaire. Aux miséreux est allouée une indemnité de survie. Les logements inhabités sont réservés aux sans-abri. On pensionne les orphelins, les veuves, les blessés de guerre. On attribue les ateliers et les fabriques abandonnés par leurs patrons enfuis à Versailles ou ailleurs aux coopératives ouvrières. L’école est laïque, gratuite et ouverte à tous les enfants, quelle que soit leur condition. Dans les hôpitaux plus de messes, plus de nonnes, mais des infirmières. L’Église et le nouvel État vivent leur vie chacun chez soi.

Et les artistes, et les savants qui ont grand besoin de paix pour mener à bien leurs travaux, leurs œuvres, leurs explorations, comment traversent-ils ce printemps communal ? Ils travaillent, ils sont libres, on les écoute, on prend soin d’eux, on les estime nécessaires à la grandeur des temps futurs. Tous les soirs des concerts partout font salle comble. Les musées ? Grands ouverts et visite gratuite. Quant au jardin des Tuileries, autrefois domaine impérial, il est offert aux orphéons, aux promenades populaires et aux amoureux printaniers. À la commission fédérale consacrée à l’enseignement siègent Courbet, Jules Vallès, Jean-Baptiste Clément aussi, le poète a la plaie ouverte dont on chante encore aujourd’hui Le temps des cerises « Que chacun, disent-ils, se livre à son génie sans entrave d’aucune sorte. Paris doit devenir le paradis des arts ». On s’enivre, on s’enthousiasme avec cette étrange innocence qu’on ne connaît qu’aux enfants et aux inventeurs d’avenir.

Les savants, eux, sont plus circonspects. Ils ne se soucient pas du monde. C’est pourtant pour eux, ces jours-là, pour leurs travaux, leurs découvertes que Louise l’Hugolienne et la combattante obstinée se passionne avec une ardeur à tout instant renouvelée. Il n’est pas de jour qu’elle ne coure de conférence en institut, de laboratoire en colloque, d’académie en cours du soir. Elle s’intéresse à tout, au traitement du choléra que tente le docteur Drouet, à la météorologie, à la télégraphie sans fil, aux recherches embryologiques, à ce que dit Chevreul de la matière noire et des météorites. Il faut, Louise le dit et redit, aider, protéger les chercheurs et les laisser en paix à leurs expériences. Plus que les peintres, les poètes, les musiciens, les philosophes, ils sont l’avenir, elle le sent. Elle croit au génie de la science, à l’insatiable désir de tout savoir, tout explorer, jusqu’aux confins de l’univers, jusqu’au fin fond des océans, jusqu’au cœur même des atomes. Pour elle la Révolution n’aura rien fait d’impérissable si elle n’ouvre une voie royale aux inventeurs, aux créateurs, à ceux qui ont toujours tiré l’humanité vers plus de savoir, plus d’espace, de profondeur, d’étonnements.

Nous voulons tout, dit-elle. Tout. Une justice vertueuse, du pain pour les nécessiteux, des écoles pour les enfants, des abris pour les va-nu-pieds, et des musiciens, des poètes, des médecins enthousiastes, des découvreurs émerveillés, des explorateurs intrépides.
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