Henri-René Lenormand

"Le lâche" est une pièce de théâtre en quatre actes et dix tableaux.

Écrite par Henri-René Lenormand, elle a été jouée, pour la première fois, à Paris, sur la scène du théâtre des Arts, le 1er décembre 1925, par la compagnie Pitoëff.

Jacques, marié à Thérèse, est peintre.

Sur un simple examen médical, il n'a échappé à la "Grande Guerre" que pour échouer, à Selvas, en Suisse, sur une chaise longue d'un sanatorium de montagne.

Mais Jacques est un malade imaginaire.

La guerre peut durer. Elle ne l'aura pas.

Il ne ne veut pas lui jeter sa vie en pâture. Elle lui est trop précieuse.

Il a décidé d'abandonner en souriant tout ce que les autres hommes défendent dans leur sang ...

Cette pièce de théâtre est étonnamment moderne.

Par son découpage, presque cinématographique, d'abord.

En effet, les quatre actes de cette pièce sont morcelés en dix tableaux.

L'action dramatique y est irrégulière.

Les scènes sont brèves et indépendantes les unes des autres.

Elles montrent des personnages à des moments divers et dans des décors différents.

Certains petits épisodes ne sont posés que pour créer l'atmosphère.

L'auteur laisse au spectateur, au lecteur, le soin de rétablir lui-même le lien entre les scènes et d'imaginer la progression de l'intrigue.

Mais la pièce se révèle surtout d'une modernité troublante par son propos.

Elle est l'illustration philosophique que "la guerre est une démence, que l'homme a raison de s'y soustraire mais qu'il ne peut avoir raison contre la multitude".

Le drame est pathétique, étouffant et poignant.

L'intrigue, tissée surtout d'analyse psychologique et de badinage mondain, est teintée d'espionnage.

Plusieurs idées fortes et subversives traversent, en quelques phrases, le morceau de scène.

Finement, à mots couverts mais sans ambiguïté, l'auteur, citant Platon, condamne le patriotisme qui, amenant l’anéantissement de la pensée dans la cité, risque tout simplement de la détruire.

L'auteur sonne une courte charge contre certains médecins, plus hommes d'affaires que thérapeutes.

Enfin, la religion, celle qui amène aux préjugés, ne lui échappe pas.

La peinture des personnages est un tour de force.

Celle de Charlier, le séducteur débauché et celle la demoiselle bigote et hystérique sont particulièrement réussies.

L'atmosphère est troublante de cet hôtel qui réunit, au flanc de cette petite enclave montagneuse neutre, une extraordinaire cohorte de malades, d'internés, de déserteurs, d'espions et d'agents-secrets.

Dans cette pièce, l'effet rendu par les mots est saisissant ...