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Citations de Hilde Bruch (35)


Que se passe-t-il dans ces familles qui fasse qu'un enfant échoue à vivre normalement ? La réponse n'est pas facile car les différents facteurs sont souvent très subtils. La plupart du temps, la famille présente, en surface au moins, l'image de personnes profondément attachées à l'enfant, s'efforçant de répondre du mieux possible à ses besoins éducatifs et culturels et de faire pour lui "ce qui est bien". Chez certains parents, une bonté exagérée peut être l'indice de difficultés sous-jacentes.
Les difficultés de ces familles rejailliront sur l'enfant dont le sentiment d'autonomie sera handicapé. Dans ces familles où tout semble bien marcher, j'ai souvent rencontré une totale indifférence totale aux désirs exprimés ou inexprimés de l'enfant. Fréquemment, la mère choisit les activités de son enfant, prévoit toute chose bien en avance et cherche à élever son enfant à sa propre image. Pour leur part, les enfants n'arrivent pas à acquérir un sentiment de leur propre personnalité et ont l'impression de vivre leur vie à travers la vie d'une autre personne. Ce genre de mère prétend comprendre parfaitement son enfant, connaître ses désirs et elle attribue à l'enfant ses propres sentiments. D'une certaine façon, ces malades n'ont jamais fait face à des situations familiales où leurs sentiments et leurs désirs étaient reconnus et respectés.
Une partie importante du traitement consiste à clarifier et à corriger les conclusions qui dérivent de ces expériences déformantes, qu'elles soient ou non justifiées et en accord avec les événements et les expériences vécues.
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Conversations avec des anorexiques illustre merveilleusement la méthode interactive de la thérapie pratiquée par le Dr Bruch. "Une participation active", c'était l'une de ses phrases favorites. Son but, c'était de faire de nous des participants actifs dans la vie, mais elle appliquait cette maxime à elle-même aussi. Les séances de thérapie étaient très différentes de celles que j'avais connues avec d'autres thérapeutes qui restaient silencieux, et qui pensaient que les malades devaient trouver des solutions par eux-mêmes. J'ai écrit dans mon journal : "Elle savait de quoi elle parlait et elle l'expliquait. Ou bien elle décrivait les symptômes d'autres malades qui avaient un rapport avec la conversation. Elle exprimait un savoir et une sûreté que je n'avais trouvés chez aucun autre médecin... Je pouvais entendre, reconnaître et accepter ses analogies bien que je n'aie pas pu exprimer les concepts aussi succinctement moi-même."
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Le Docteur Bruch souligne avec insistance l'absence abyssale d'estime de soi de ces malades-qu'on peut attribuer à l'extrême intrusion bien intentionnée des parents dans leur vie-à laquelle le thérapeute doit faire de façon permanente.
La majorité des malades décrites ici pensaient que l'essentiel était de faire plaisir à leurs parents en se comportant selon leurs aspirations pour elles, même si ces aspirations étaient en conflit avec leurs besoins et leurs ambitions.
Elles sont incapables d'exprimer ou même de reconnaître la colère profonde que fait naître en elles les exigences, parfois réelles, parfois imaginées, de leurs parents.
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Bien que parler de ses secrets espoirs l'ait aidée à trouver une certaine spontanéité, elle s'accrocha encore longtemps à sa discipline rigoureuse : "On s'engage à s'imposer cette sorte de discipline. Je ne pourrais pas imaginer vivre sans une discipline spéciale. Une fois qu'on l'a fait, il y a en vous un mécanisme de contrôle extrême qui vous condamne à continuer tout le reste de votre vie, du moins jusqu'à ce que votre corps se remette à fonctionner normalement."
Je lui dis alors : "Vous mettez les choses à l'envers. Aussi longtemps que vous exercerez cette discipline sur votre corps, il ne pourra fonctionner normalement. Je sais que vous êtes très fière de cette discipline et que vous poursuivez interminablement vos sacrifices pour continuer à être fière. Personne ne peut vous obliger à y renoncer mais aussi longtemps que vous vous glorifierez de ce que personne n'arrive à faire, vous devrez en subir les conséquences. Et tant que vous récolterez l'admiration et la reconnaissance des autres pour ce que vous faites, vous ne serez pas prête à y renoncer."
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Plusieurs mois plus tard, elle revint sur ce sujet mais dans un contexte différent : "Il faut que je trouve une excuse à tout ce que je fais. Je pense que lorsqu'on est déprimé et qu'on se met à perdre du poids... personne ne peut vivre de cette façon. C'est pourquoi on a besoin de se mentir à soi-même. Cela vous aide à tenir le coup, enfin, c'est mon cas... je pense que ça m'empêche de sombrer dans la dépression, tous ces mensonges que je raconte à moi-même et aux autres." Je lui fis remarquer que j'avais déjà entendu cela sous une autre forme : "Quand je suis malheureuse, je maigris et cela me donne l'impression d'être digne d'intérêt." Elle rétorqua : "C'est vrai, c'est toujours le même processus mensonger. Pour penser que je suis digne d'intérêt parce que je maigris, je suis obligée de me raconter des histoires, comme lorsqu'on prétend qu'on n'a pas faim alors qu'on est affamé !"
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A quelques exceptions près, les parents disent généralement qu'ils sont une famille heureuse et que l'enfant anorexique s'est toujours montré inhabituellement gentille, obéissante et toujours prête à faire ce qu'on lui demande. Au début, les malades prétendent généralement qu'elles n'ont pas connu de difficultés en famille et parlent avec admiration de la supériorité de leur famille et de leurs proches. Cela dit, il est essentiel de découvrir ce qui s'est passé dans la petite enfance de la malade à défaut de quoi, celle-ci risque de conserver ses idées fausses le reste de sa vie. A mesure que le traitement progresse et que la patiente modifie son attitude figée à l'égard de son passé et fait peu à peu confiance à sa propre conscience, cette image de perfection commence à s'effriter. Cette révélation des circonstances dans lesquelles l'enfance s'est déroulée, est un aspect fondamental du traitement de l'anorexique.
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L'explication d'Annette au sujet de sa perte de poids récent était typiquement anorexique. Elle avait pendant plusieurs semaines rendu visite à des amis et à des proches et s'était sentie obligée de maintenir son "image", c'est-à-dire celle d'une personne qui mangeait très peu. Elle expliqua qu'il lui était impossible de manger plus lorsqu'elle se trouvait avec une personne donnée qui l'avait vue manger très peu. "Conserver son image" aux yeux des autres lui importait au plus haut point et resta un grand problème tout au long du traitement. Par ce refrain, elle interdisait ou niait que se produisaient des changements considérables malgré elle. Il reflétait sa conviction profonde de ne pas avoir de personnalité ou d'identité propre, de se percevoir seulement à travers les yeux d'autrui, tandis qu'elle restait "vide", qu'elle n'était "rien".
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La mauvaise interprétation et la fausse conception des sensations et des expériences corporelles s'expliquent relativement facilement. Pendant leur enfance, les anorexiques n'ont pas été encouragées à être honnêtes ou précises dans la communication verbale ou dans leurs opinions sur le monde.
Au contraire, on les a encouragées et félicitées parce qu'elles présentaient une façade artificielle. Logiques par rapport avec ces premières expériences, les malades décrivent leur sentiment de soi, de leurs corps et de leurs relations à autrui en termes honnêtes mais inexacts. Les thérapeutes qui ne se rendent pas compte de la façon dont une patiente a été élevée et de ses expériences antérieures, s'attachent exagérément aux déclarations "mensongères" et irréalistes, au lieu de considérer les déclarations de la patiente comme le fidèle reflet de son expérience passée. Une relation thérapeutique positive ne peut s'établir que lorsque le thérapeute se met au diapason avec la patiente. La malade anorexique ne peut faire de sensibles progrès dans la découverte d'une attitude moins douloureuse de vivre, lorsqu'une relation humaine chaleureuse s'établit entre elle et son thérapeute et lorsque leurs échanges verbaux revêtent le caractère direct et ouvert d'une conversation ordinaire. C'est ce qui m'a fait choisir ce titre : Conversations avec des anorexiques.
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Nous avons beaucoup parlé des différents stades de la guérison.
Ida se souvint : "Ma première démarche positive, c'est quand j'ai eu envie d'être curieuse, je voulais voir "comment ce pouvait être autrement". C'était la période pendant laquelle je me comportais avec beaucoup de condescendance. Mais en dépit de cela j'ai compris que la vie était plus riche : "Bon je peux toujours essayer pendant quelque temps. Je verrai bien..." D'ailleurs c'était mon attitude quand je suis venue ici. Je trouvais un peu bizarre toute cette histoire parce que je pensais sur deux plans. Je pensais d'un côté m'observer en train de changer et d'un autre, et ça m'a frappé d'un seul coup-c'était l'époque où j'ai tellement maigri-, je ne pouvais pas me regarder en train de changer et de ne pas changer vraiment. C'était plus complexe que cela. J'ai compris que je ne pouvais pas jouer la comédie pour l'éternité. Je me disais : "Oh, je m'en tirerai toujours avec un compromis." Après, je me suis paniquée parce que j'ai compris que je ne pourrais pas faire des compromis éternellement. Il fallait que je montre quelque chose. Alors, j'ai grossi un petit peu, ensuite j'ai maigri de nouveau, puis repris du poids. La question de combien de poids je me permettrais de prendre voulait dire : "Quel est le minimum nécessaire pour obtenir un traitement psychologique ?" Puisque j'étais obligée de parler énormément, ce que je n'avais jamais fait avec personne et c'était agréable, j'avais envie de continuer."
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C'est avec tristesse et plaisir que j'écris ce texte sur l'ouvrage posthume d'Hilde Bruch. Avec tristesse car le monde a perdu un éminent professeur et un être admirable et avec plaisir car je sais que sa très grande contribution à la connaissance et au traitement de l'anorexie mentale se perpétueront grâce au présent ouvrage. En tant que professeur et chercheur clinicien, Hilde Bruch non seulement a exercé une profonde influence sur la psychiatrie et la médecine interne, mais elle a aussi réussi à transmettre son savoir aux non-professionnels par des ouvrages d'une lecture accessible et séduisante. Elle était douée de ce que Nietzsche appelait la vertu du Don.
Le Dr Bruch était surtout connue pour ses travaux sur les troubles de l'alimentation, par lesquels elle apporta une vision nouvelle de l'obésité et de l'anorexie mentale, mais elle fut également une spécialiste de premier plan du traitement des troubles schizophréniques et cette connaissance alliée à son grand savoir-faire contribua aux succès qu'elle obtint avec les malades anorexiques.
Théodore Lidz, Professeur de psychiatrie, Emeritus, Yale University
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Une partie essentielle de la guérison réside dans un changement d'orientation psychologique, avec une meilleure appréhension de la réalité, une confiance en soi et une indépendance accrues, une capacité à participer à la vie avec un concept du corps et du soi réconciliés.
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Chez beaucoup de malades, quand ce n'est pas toutes, le symptôme anorexique semble au début avoir brusquement apparu, un peu comme une malédiction s'abattant sur la malade et sur sa famille. Si la malade désire vraiment résoudre ses problèmes sous-jacents, il lui faut prendre conscience du rôle qu'elle-même a joué dans l'évolution de sa maladie. Mais envisager les problèmes sous un jour nouveau ne suffit pas. Pour qu'un véritable changement arrive, tous les problèmes, les uns après les autres, doivent être clarifiés dans leurs moindres détails.
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Dans mes premiers écrits, j'ai donné trois traits comme caractéristiques de l'anorexie mentale : la perception presque délirante du corps (trouble de l'image du corps), la confusion des sensations corporelles et un sentiment exagéré d'inefficacité. Aujourd'hui, j'ai tendance à les considérer dans une catégorie plus générale, à savoir, comme l'expression d'une idée de soi défectueuse, la crainte d'un vide intérieur, la peur d'avoir quelque chose de mauvais en soi, et qu'il faut dissimuler en toute circonstance.
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Elle expliqua en détail les améliorations qu'elle attendait d'un seul repas.
Je lui dis avec précaution : "Manger et grossir ne sont pas en eux-mêmes magiques."
Elle répondit avec colère : "Eh bien, ce devrait être comme cela. Tout le monde m'a promis le contraire."
Je lui expliquai que je ne lui avais jamais rien promis de tel. "Tout ce que je puis vous promettre, c'est que vous serez moins tendue, moins inquiète, moins centrée sur vous-même. Si vous voulez avoir des relations étroites avec autrui, c'est à vous de faire de véritables efforts."
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"En un sens, je n'étais pas préparée pour ce que je vois maintenant, c'est-à-dire que la richesse du monde c'est celle des individus. Les idées, c'est bien, mais elles n'ont pas de substance. Je croyais sans doute : "Ce sont mes idées, vous ne pourrez pas me les prendre." Ce n'est que lentement que j'ai commencé à réaliser qu'on a des choses en commun avec les autres. Je m'étais sentie coupée du monde et je pensais que si ma vie allait d'un autre côté, alors je me conduirais différemment. Je pensais alors que notre travail serait centré sur le problème d'avoir avec les gens des relations plus humaines, plus affectives. Mis je ne voulais pas tout abandonner pour cela.
Maintenant, je trouve vraiment que les gens sont importants. J'aime bien la compagnie des autres. Je suis contente d'aller aux cours parce que c'est plus vivant que de lire un livre tout seul dans son coin. Avant, ce n'est pas que je refusais d'avoir des amis mais j'avais l'impression que les gens ne s'intéressaient qu'à ce qu'ils faisaient, ainsi que moi. D'une certaine façon, l'amitié, c'était l'isolement à deux ou à plusieurs. Je n'arrivais pas à concevoir qu'une amitié puisse être faite de petites choses, tout simplement de s'amuser ensemble. Je ne comprenais pas qu'on traîne. Pour moi, parler aux gens, c'était littéralement une perte de temps. Maintenant, je parle beaucoup et je ne pense pas perdre mon temps."
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"Puis durant la seconde période, alors que je commençais à aller beaucoup mieux, le vrai changement s'est produit. Je suis sortie de ma cage et j'ai commencé à prendre plaisir à vivre et à parler aux autres. Au début, j'avais le sentiment : "Tu n'as pas besoin de te soucier des gens. Peu importe qu'ils te critiquent ou t'approuvent ou comment ils font eux." J'ai compris qu'il fallait prendre les gens comme ils sont et qu'ils sont fascinants. J'ai vraiment commencé à m'intéresser à eux. Jusque-là, je me bornais à me comparer à eux, ils ne m'intéressaient pas vraiment.
Elle évoqua l'été qui suivit sa première année à l'université, quand elle était partie en Europe avec un petit groupe d'étudiantes, mais elle ne s'était liée à aucune en particulier. "A cette époque, la richesse de ma vie, c'était les idées, pas les choses concrètes, et encore moins les gens. J'étais fermement décidée à rester "indépendante" du reste du monde." Elle reconnut alors qu'un grave isolement et la véritable indépendance étaient deux choses distinctes.
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Ida trouvait désormais inconcevable d'avoir espéré changer de rôle en se laissant mourir de faim, et en s'astreignant à des tâches surhumaines. Elle estimait qu'elle avait aperçu la première lueur d'espoir quand elle s'était mise à grignoter ici et là et à manger des sandwiches, tout en pensant : "Ce n'est pas si terrible que cela. Les plus petites choses étaient devenues de formidables gâteries. Puis suivit une longue période pendant laquelle je me demandais comment faisaient les autres et pourquoi tout le monde n'était pas énorme. Je me suis aperçue également que certaines filles remettaient les choses au lendemain et ne s'obligeaient pas à tout faire le même jour.
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Pour les anorexiques, reprendre du poids est souvent un long processus, avec des hauts et des bas. Ce processus est étroitement lié à la résolution des problèmes psychologiques de la malade.
Pendant la dernière phase du traitement, on a tendance non seulement à faire une sorte d'inventaire, à passer en revue ce qui s'est passé, mais aussi à s'attacher à des questions qui ont été négligées ou sous-estimées jusqu'alors.
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Les anorexiques qui m'ont été adressées au cours du temps avaient été anorexiques depuis des années et avaient suivi de nombreux traitements contradictoires. Et pourtant, elles ont réagi étonnamment bien à une approche thérapeutique fondée sur leurs déficits comportementaux particuliers.
L'une des toutes premières tâches du thérapeute consiste à reconnaître comment des attitudes apparemment contradictoires peuvent se muer en une compréhension constructive. Pourtant, parce que les malades ont un système de pensée et des sentiments rigides, il arrive qu'il faille patienter quelque temps avant que cette compréhension ne se produise. Du fait même qu'elles existent, ces contradictions peuvent servir à aider les anorexiques anxieuses, paniquées et rebelles à reconnaître les expériences qui leur signalent la nécessité de changer.
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"En fait, si vous me donnez deux portions de petits pois que vous mélangez à un grand bol de riz, qu'on me laisse le temps dont j'ai envie, qu'on me donne une tasse de café que je boirai en compagnie d'une amie, il n'est pas impossible que je mange tous les petits pois. Je risque de les manger un à un et d'y prendre plaisir. Peut-être vais-je mettre un peu de moutarde sur chaque petit pois, ou de la mayonnaise ou Dieu sait quoi, ce que je trouve sur la table...
Si on me donne du safran, je m'en servirai peut-être, ou du basilic, ou du cumin. Mais servez-moi la moitié de ces petits pois sur une assiette et je n'y toucherai sans doute pas. C'est la stricte vérité."
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