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Citation de Woland


[...] ... Ces malheurs de famille, la disgrâce du baron Hulot, une certitude d'être peu de chose dans cet immense mouvement d'hommes, d'intérêts et d'affaires, qui fait de Paris un enfer et un paradis, domptèrent la Bette. Cette fille perdit alors toute idée de lutte et de comparaison avec sa cousine [Adeline Hulot], après en avoir senti les diverses supériorités ; mais l'envie resta cachée dans le fond du coeur, comme un germe de peste qui peut éclore et ravager une ville, si l'on ouvre le fatal ballot de laine où il est comprimé. De temps en temps, elle se disait bien : "- Adeline et moi, nous sommes du même sang, nos pères étaient frères, elle est dans un hôtel et je suis dans une mansarde." Mais, tous les ans, à sa fête et au jour de l'An, Lisbeth recevait des cadeaux de la baronne et du baron ; le baron, excellent pour elle, lui payait son bois pour l'hiver ; le vieux général Hulot [frère du baron] la recevait un jour à dîner, son couvert était toujours mis chez sa cousine. On se moquait bien d'elle mais on n'en rougissait jamais. On lui avait enfin procuré son indépendance à Paris, où elle vivait à sa guise.

Cette fille avait en effet peur de toute espèce de joug. Sa cousine lui offrait-elle de la loger chez elle ? ... Bette apercevait le licou de la domesticité ; maintes fois, le baron avait résolu le difficile problème de la marier ; mais, séduite au premier abord, elle refusait bientôt en tremblant de se voir reprocher son manque d'éducation, son ignorance et son défaut de fortune ; enfin, si la baronne lui parlait de vivre avec leur oncle et d'en tenir la maison à la place d'une servante-maîtresse qui devait coûter cher, elle répondait qu'elle se marierait encore bien moins de cette façon-là.

La cousine Bette présentait dans les idées cette singularité qu'on remarque chez les natures qui se sont développées fort tard, chez les Sauvages qui pensent beaucoup et parlent peu. Son intelligence paysanne avait d'ailleurs acquis, dans les causeries de l'atelier [la cousine Bette est une ancienne ouvrière en passementerie d'or et d'argent de la Maison Pons], par la fréquentation des ouvriers et des ouvrières, une dose du mordant parisien. Cette fille, dont le caractère ressemblait prodigieusement à celui des Corses, travaillée inutilement par les instincts des natures fortes, eût aimé à protéger un homme faible ; mais à force de vivre dans la capitale, la capitale l'avait changée à la surface. Le poli parisien faisait rouille sur cette âme vigoureusement trempée. Douée d'une finesse devenue profonde, comme chez tous les gens voués à un célibat réel, avec le tour piquant qu'elle imprimait à ses idées, elle eût paru redoutable dans toute autre situation. Méchante, elle eût brouillé la famille la plus unie. ... [...]
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