Comme moi, elle ne supportait pas l'ennui, et un soir, sur la place de l'Etoile, au coin des Champs-Elysées, devant le petit kiosque à journaux tenu par un unijambiste, nous nous prîmes les mains et jurâmes solennellement devant l'Eternel de ne jamais lire ni Hegel, ni Salammbô. Je crois que c'est la seule promesse envers elle que je n'ai pas tenue: je n'ai certes pas lu Hegel, mais avec le temps j'ai fini par lire Salammbô et, une fois passées les trente premières pages, j'y ai même pris un certain plaisir.
C'est merveilleux l'amitié, l'amitié vraie : deux êtres qui s'aiment profondément, qui se respectent, qui pensent intensément l'un à l'autre, et même s'ils ne se voient plus pendant une éternité, même s'ils n'entendent plus parler l'un de l'autre durant toute une vie, le fil qui les unit subsiste toujours. Le fil de la jeunesse, le fil de l'entre nous deux. Et si l'un des deux est en peine, parce que tu sais comme moi que la vie est souvent assez horrible, l'autre se souvient de lui et lui vient en aide, même s'il faut pour cela franchir les océans et les plus hautes montagnes...
Il est tout à fait vrai que de nombreux sionistes appelaient à une réévaluation critique de la tradition juive et à un véritable renversement des valeurs : à la culture du Livre sacré que les rabbins avaient exaltée, ils voulaient substituer la culture de l’énergie et du courage physique… Pour beaucoup de laïcs, la survie des Juifs passait par l’abandon de la tradition juive et l’adoption d’une philosophie profane et vitaliste centrée sur la naissance d’un « nouvel hébreu », fier et héroïque.
Cette vision de l'histoire, que dénoncent les nouveaux historiens, aurait trouvé dans la littérature israélienne un moyen de se diffuser : la direction de l’État aurait mobilisé les écrivains et les poètes aux côtés des historiens, pour inculquer le récit dominant, le grand roman national, passant sous silence fautes et erreurs.