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Citation de chris49


RONDE
de Sigurdur Pálsson
Extrait de « Poèmes des hommes et du sel »
(Traduit de l’islandais par Régis Boyer)

Je sais, je sais.
Snorri Sturluson est animateur de radio à Reykjavik, Reagan cordonnier à Baltimore et Napoléon est un cognac.

Je sais.
François Villon est le nom d’un magasin de chaussures rue Bonaparte dans le sixième arrondissement à Paris, Van Gogh une auberge à Arles en France méridionale et Lénine un chantier de constructions navales à Gdansk en Pologne.

Je sais.
Victor Hugo est une avenue et Sigurdur Pálsson est chauffeur de poids lourds à Reykjavik et c’est ainsi; tout passe et change d’image et l’histoire de l’humanité est un shaker de cocktails efficace entre les mains d’un barman pétulant qui n’en a jamais assez. Personne ne sait si quelqu’un boit tous ces cocktails ; probablement qu’il n’y a personne dans ce bar sauf ce stupide barman au goût de sang dans la bouche.

Je sais.
J’ai peur et d’ailleurs, je suis superstitieux et nous allons arriver au terme du vendredi treize. La tension augmente et cependant rien de catastrophique encore et bientôt on va avoir une catastrophe pour en finir.

Oui.
Je me réjouis de ce que la pluie soit pluvieuse et la chanson à la radio impartiale. Je sifflote faux, engourdi dans le courant d’air qui vient de la porte du balcon.

Je sais.
Ces événements que je crains en ce jour mènent une vie indépendante de l’autre côté de la muraille grandiose du silence étendu. Comme les événements de l’histoire de l’humanité. Tout mène cette vie indépendante tandis que l’homme, chaque homme, se tord comme un vers de terre dans une lutte désespérée contre les moineaux ou le pêcheur de saumon. Mène une vie indépendante.

[...]

Je sais.
Je pleure comme un fou. Pourtant, ils partent toujours à la pêche les bateaux, les vieux tigres de mer et quelqu’un vomit sur le pont. Les oiseaux crient et les Frères Jurés chantent et les baleines chantent sûrement de même et à vrai dire qu’est-ce qui ne chante pas nous oblige-t-on à demander. Chante et crie. Et pourquoi diable ? Pour se manifester ? Les frontières entre moi et le monde et toi. Provocation. L’amour ? Sais pas. Une sorte de fourmillement d’impatience aurait dit un vieil homme que j’ai bien connu un jour. Une sorte de fourmillent d’impatience.
Oui. Rien que des chansons. Sans interruption. Assurément, le vieux tigre ne chante pas mais cela chante en lui. De retentissante façon.
[...]



"Il pleut des étoiles dans notre lit" réunit les cinq poètes scandinaves :
Inger Christensen, Pentti Holappa, Tomas Tranströmer, Jan Erik Vold, Sigurdur Pálsson

Note de l’éditeur :
Snorri Sturluson. Le plus grand écrivain islandais du Moyen Âge. Vécut de 1178 à 1241.
Les Frères Jurés. Un chœur bien connu de chanteurs islandais.
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