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Citations de Ion Pop (15)


La neurasthénie est blanche comme les os des morts.
(Geo Bogza, p. 457)
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FLEUR DE SUREAU

En parlant toujours de choses fondamentales
assourdi par le vacarme des essences,
j’allais oublier justement la fleur de sureau
qui m’envoie par la fenêtre ouverte,
généreuse, son humble parfum.
Et pourtant, c’est sur elle que je compte.
Quand ces pâles écritures deviendront
illisibles sur leur pierre,
quelque laborieux paléographe à venir,
pourra les lire sans peine, seulement en respirant.
Il les datera sans peine, guidé par leur parfum.
(p. 18)
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LA DÉCOUVERTE DE L'ŒIL

Dès que je l'ai dessiné, je me suis rendu compte
que la différence
entre le triangle et moi-même
est très grande.
Mais, quoi que dise le vieux maître,
en caressant sa moustache
de phoque géométrique
cette différence ne me trouble pas.
Il te faut quelquefois toute une vie
pour découvrir ton œil,
pour apprendre que
la Babylone que tu pleures
est bien la Babylone
que tu pleures.

(p. 22)
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J'ai déjà souligné ailleurs la tâche de l'artiste, précisée dans l'effort de renouveler avec un élément nouveau et personnel le cadre usé de l'art.

Ilarie Voronca
(p. 126, extrait d'un article intitulé "Grammaire" et paru dans "Punct", N°6-7, 1924 ; traduit du roumain par Vincent Iluțiu)
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UNE POMME

Ses pépins pareils à deux oreilles
avec l’ouïe ronde, grandie sous la peau verte
qui écoutent la pluie et le vent
et le temps.
Qu'y aurait-il dans l'esprit de la pomme ?
Elle nous regarde, peut-être avec humilité,
elle nous pense, peut-être,
avec un grand orgueil.

(p. 14)
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Cotnar*
de Ilarie Voronca

La lune, quel fer à repasser les nuages, la lingerie
des mers, ton front comme un saut parmi
les herbes hautes, quand la saison est servie en taste-vin
de Cotnar*, et les eaux se découvrent comme les vieilles armes.

Tu veux t’attarder comme une charrue dans les champs
heure mate dans les gares, heure des adieux et des retours,
la forêt se brise dans la clameur, dans l’airain
et le ciel change comme les disques de gramophone.

Le silence pousse avec les herbes sauvages dans la pensée
voix captive parfois dans les charmilles
se dépenser dans le paysage comme un biceps détendu
ton sourire dans les veines circule ainsi qu’un traîneau.

Que tu t’empares de moi comme un haïdouk des marais
que l’élixir bouillonne dans l’étoile
bouleverse mon corps contrebandier
pensée transie non tributaire
transgresse mon cœur comme une frontière.
(Integral, N°10, janvier 1927, traduit par Dan Ion Nasta)

(p. 390)
*Orthographe actuelle plutôt Cotnari
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Pierre cubique
Pour un pavage de l'âme

Pour déchirer le ridicule apparent de l'enveloppe, il convient que les pointes intellectuelles ne soient pas émoussées par des calculs mercantiles.

Un aigle peut toujours être abattu d'une balle et dépecé.
Mais il ne sera jamais capturé dans une souricière.
Une fois lancé, il faut du tact pour ne pas verser dans le burlesque.
Mais trop de tact censurera tout éclat, vous exposant à la constipation de l'âme.

Chez certains, les sourires ironiques entrent en scène au mauvais moment. Si la crispation de la réalité ne les interrompt pas brusquement, ils se brisent en même temps que le personnage, dans le tintamarre des pots d'argile.

Si l'on ne se détourne pas faussement du marécage, mais qu'on le traverse héroïquement en s'y enfonçant à fond, on peut trouver par-delà une couche d'eau pure.

Tous les blasons existants ont été profanés. Pour atteindre une noblesse nouvelle, non susceptible de l'être, il convient préalablement de se faire vacciner l'âme à la boue.

Si j'arbore quelquefois un cœur dans ma poitrine, j'ai néanmoins toujours dans ma poche une boîte de préservatifs.

Je ne publierai un livre que lorsque je serai sûr de pouvoir me détacher entièrement de ses pages, pour bondir sur le lecteur et l'étrangler.

Ma phrase doit être un organe viril impétueux, pour dépuceler les âmes encrassées et y déposer la semence des cieux nouveaux.

L'art est souvent le droit suprême de l'artiste de tout bafouer.

(poème de Geo Bogza, publié en 1928,
traduit du roumain par Șerban Cristovici
p. 442-443)
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Ion Pop
SALUT AUX OISEAUX

Un salut, en ce moment, pour les oiseaux
d’un arbre à l’autre voltigeant
comme des balles que les invisibles
dieux enfants lancent
parmi les feuillages d’été.

Ecoute comme ils chantent, inconscients,
comme ils se balancent dans le soleil,
embués en ce brouillard
de leurs vies.
De leur voix ils font s’écrouler un monde.

C’est rassurant de les entendre
lorsque, sans trace de sang, ils te vainquent
ils obtiennent des victoires
qu’un notaire anonyme
pense en vain
faire passer pour l’histoire.

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Ion Pop
Les travaux d’Aphrodite

Le matin arrive en hurlant, le fouet de la lumière dressé
au-dessus de chaque couple qui flotte dans les eaux blanches du lit,
millions de corps noués dans l’amour
pourtant le désespoir de la fin prédestiné à l’éternelle journée de travail;
ils baignent dans la sueur froide de l’aube corps contre corps
dans le grand corps du monde prédestiné à l’éternelle journée de travail.

Il suinte toujours par-dessous les portes noires, de fer,
le sang qui vient des usines où l’on empaquette la souffrance
et dans de minces ruisseaux il déferle dès le matin sur la ville
prédestinée à l’éternelle journée de travail.
Le cri des sirènes est plus aigu plus aigu plus aigu
mais personne n’est encore réveillé.
Arrive de loin l’odeur douceâtre des abattoirs de chair à canon
de viande pensante prédestinée à l’éternelle journée de travail.
Les travaux d’Aphrodite, les travaux du corps contre le corps,
corps à corps peinant à ciseler la forme encore balbutiante
d’un nouvel homme nouveau à venir
il se façonne maintenant dans chaque couple
cruellement raidi dans l’amour avec le désespoir de la fin.
Et lui, le nourrisson sacré et humide, le grand nourrisson salvateur
sa venue sera pourtant étrange, surprenante
comme l’est un verdict incompris, dans une lettre dangereuse,
jetée au bas de l’entrée, à côté du journal du matin,
comme l’est une petite boîte de conserve venue d’ailleurs, au nom alléchant
remplie de dynamite et d’apocalypse.

Elle nourrira à satiété c’est sûr elle transformera
toutes les bouches, tous les cerveaux, tous les corps
avidement noués dans l’amour avec le désespoir de la fin:
ils baignent encore les myriades d’hommes et de femmes
dans la sueur froide de l’aube, dans les eaux blanches du lit,
aveuglés par l’extase, l’horreur et la colère
prédestinés à l’éternelle journée de travail.

(1979)
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EN PARLANT

En parlant de ma tête
toujours posée comme sur un plateau de Salomée,
toujours offerte à sa Majesté.
Ici, comme devant le mur,
en parlant de mon sang
sur le nouveau pont de la voie ferrée
qui se distingue –combien peu, hélas !–
de la rouge, brillante peinture,
des quelques balustrades en fer, sous la pluie.
Mais en me confessant à l'herbe,
en tombant à genoux, anachronique,
devant les ombres,
en gardant, anachronique,
dans le poème très moderne,
les toutes dernières étoiles.
J'ai vu les poubelles
et la rose qui respirait la puanteur
j'ai vu la différence spécifique
entre cailles et héros,
entre balle et chevrotine.
Un éloge au savon, au balai, à la gomme,
une louange à mes yeux, à la main hésitante,
à l'élégie en offensive.
(p. 9)
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Brancusi a décidé

Comment cela est arrivé, je ne puis le savoir,
Brancusi m’est apparu et m’a dit
qu’il avait décidé d’intervenir
et de me ciseler.
Je te ferai comme Fondane, m’a-t-il dit –
il avait une crinière de cheveux flottants
sur son front trop ridé, mais moi,
je la lui ai effacée avec une gomme énorme –
il n’est resté de sa tête
qu’un ovale, l’Origine du Monde.
Je pense redessiner ta tête
et les yeux seront très vides, pour qu’on puisse y mettre
presque Tout. Et des mers, et des terres et des nuages.
D’autres
ne sont pas nécessaires. Puis, il s’est retiré.

Attention, Ion Pop, prends garde,
ce qui t’arrive maintenant n’est que la préparation, que l’attente polie du Maître.
Nombre de choses te quittent, tombent sous un ciseau invisible
de nouvelles eaux te lavent du vieux sang,
les fruits déjà mûrs tombent des fleurs qui viennent d’éclore,
la feuille de maintenant , la pierre d’aujourd’hui s’effritent,
au-dessus de spasmes et d’angoisses la lumière
essaie d’envelopper des visages blancs.
Tout ce qui pue en toi tout ce qui se gonfle
sera parfum et marbre.
Retiens cela, Ion Pop, maintenant et toujours –
c’est un grand, inespéré honneur
que Brancusi lui-même
ait décidé d’intervenir
et de te ciseler.

(p.42-43)
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Ion Pop
ELITISME

Ah, poésie pour si peu de gens,
vie mienne,
ainsi
pour si peu de gens
sera aussi ma mort.
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Ion Pop
NI

Ni cet automne ni…
il n’est tombé de feuille carrée,
et moi je suis
celui que je suis.
De tant de choses vaincues
hélas, me sont restés à peine le cerveau
et un fragment de cœur fatigué.

L’idéal, en échange,
n’a pas souffert
la plus mince avarie.
Dans les pages,
les événements ont toujours
des arêtes de bronze.
Ils résonnent quand tu les touches
et autour de ta tête
passent des couteaux brillants
dans les midis éternels

Ne bouge pas,
peut-être y en a-t-il un
qui n’est pas en or.
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Ion Pop
EPITAPHE

Jadis ça zigzaguait.
Aujourd’hui est une simple ligne droite,
très calme.

Tu pourrais l’emprunter pour partir
vers un jeune soleil,
comme quelqu’un, un jour ancien,
sur les dalles de pierre,
dans la Via Appia,
parmi les cyprès.

Tu le pourrais aussi, abeille,
sans cyprès,
sans Via Appia.
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Ion Pop
LA FLEUR DE SUREAU

Bavardant de choses fondamentales,
abasourdi par le vacarme des essences,
j’allais juste oublier la fleur de sureau
qui généreusement exhale vers ma fenêtre ouverte
son humble parfum.

Sur elle je m’appuie quand même.

Lorsque illisible sur sa pierre
deviendra cette pâle écriture,
un futur studieux paléographe
pourra la lire d’un seul souffle
et la dater simplement d’après l’odeur.
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