Telle est la contradiction de cette éducation cahotante : un pas en avant et un pas en arrière, une incitation au péché et un sermon de morale, une tentation et un scrupule de conscience, un mélange de dévotion et de coquetterie qui tendent à faire cohabiter dans la même jeune fille une pénitente et une minaudière, l'ange du couvent et le phénix du bal.
A force de contrôler leurs lectures, leurs fréquentations, les spectacles qu’elles vont voir, on exacerbe leur curiosité et parfois même on leur inspire le désir de se marier uniquement pour tout lire, tout entendre, tout savoir des hommes, cette peuplade pour laquelle elles ont la même curiosité qu’un ethnologue en face de cannibales.
L’utilité de ces arts d’agrément est encore plus suspecte si l’on sait que le piano survit rarement au premier enfant et que « le plus souvent, le piano reste fermé dès le lendemain du mariage pour le repos de la femme et du mari ». En somme, ces leçons n’ont d’autre but que d’occuper et de distraire les jeunes filles jusqu’à leur mariage, tout en faisant un contrepoids aux études intellectuelles qui, enseignées seules, risqueraient de les entraîner sur la pente du pédantisme. Officiellement, c’est augmenter leurs moyens de plaire ; c’est du moins ce qu’on leur dit pour leur faire aimer ces arts d’agrément
L’élan littéraire et le goût du pittoresque amènent certains auteurs à commettre de petites invraisemblances. Ainsi Théophile Gautier évoque une amazone « qui montait un cheval turc blanc comme le lait et vif au possible » mais, cher poète, les femmes ne montaient jamais de cheval blanc pour une raison bien prosaïque, c’est que les poils blancs auraient sali leurs robes qui étaient toujours taillées dans des étoffes noires, ou bleu marine très foncé !
Bien des chrétiennes sont tiraillées entre les exigences de la mode et les mises en garde de leur directeur de conscience. L’évêque d’Amiens, consulté à ce sujet par une de ses ouailles, lui répondit que l’Eglise était divisée sur ce problème, certains théologiens autorisant le rouge, d’autres le proscrivant ; « Moi, qui n’ai pas assez étudié la question pour la résoudre complètement, conclut-il, je vous permettrais d’en mettre d’un côté ! »
Une femme peut être instruite, mais elle ne doit pas le montrer, à plus forte raison une jeune fille : « On permet à une femme de lire à condition qu’elle n’amasse que pour enfouir… Il est permis de lire en cachette et défendu de se mêler à une conversation sérieuse, c’est ce qu’on appelle se faire pardonner son savoir. »
Une littérature sans amour, des auteurs sans fantaisie, des exercices de style d’une fadeur écœurante, voilà de quoi conjurer un des dangers que la littérature recèle dans les plis de son manteau : la tentation de la création littéraire !
« l’éducation se compose autant de ce qu’il faut dire que de ce qu’il faut taire ».
Les médecins de l’ époque que l’on venait consulter au retour du voyage de noces désignaient les maladies et les inflammations provoquées par ces viols légaux sous le nom très imagé de « désordres balistiques » !...
une débutante perd chaque année 25% de sa valeur, pendant les cinq premières années puis 50% les suivantes ; « à moins qu’un héritage de quelque importance n’opère en elle un rajeunissement subit »