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Critiques de Isabelle von Bueltzingsloewen (5)
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L'hécatombe des fous : La famine dans les hôpita..

Parfois, un livre nous conduit ailleurs que là où on s'y attendait, et on est très content du résultat.

Je voulais un livre très pointu sur le sujet, et je n'ai pas été déçu : c'est très probablement le plus pointu de la littérature historique sur les décès par famine de malades psychiatriques sous l'occupation. Un vrai pavé d'histoire, écrit tout petit, donc si vous voulez un truc lu vite fait en pensant à moitié à autre chose, passez votre chemin.

La surprise de taille qui s'est imposée quasiment dès l'introduction, ne s'est quasi jamais démentie ensuite, jusque dans la conclusion qui enfonce le clou, c'est que la thèse de l'auteure tord le cou à mes croyances.

Croyances basées sur pas grand-chose, il est vrai. Ce que j'en avais vaguement entendu à la télé, notamment dans un documentaire il y a déjà pas mal d'années me semble-t-il. Mais ça avait suffi pour que je me fourvoie dans une légende noire, qui s'avère je crois être la pensée dominante, comme toutes les légendes noires, par exemple celle à propos de Robespierre.

Car autant vous le dire, Isabelle et son nom imprononçable m'a salement convaincu que non, il n'y a pas eu d'extermination programmée des malades psychiatriques pendant la guerre, ni de la part du régime de Vichy, et encore moins de la part des psychiatres qui ont même généralement tout fait pour essayer de sauver leurs malades de la famine. Ce qui n'empêche pas qu'il y ait eu 45 000 morts d'inanition dans les asiles français pendant la guerre. Ces faits sont difficiles à mettre en perspective, j'en conviens, et ce n'est pas dans cette critique que je vais expliquer comment y parvenir puisque notre Isabelle y a consacré 430 pages en petits caractères.

La seconde divine surprise de ce bouquin, c'est sa conclusion et son épilogue, qu'il ne faut surtout pas oublier en chemin si vous êtes arrivés jusque là, ce serait dommage... J'irai même jusqu'à dire que si le livre vous tombe un jour entre les mains et que vous n'avez pas dix heures à lui consacrer, vous pourriez éventuellement ne lire que ces quelques 30 pages qui valent leur pesant d'or à elles toutes seules.

L'auteure n'y est certes pas tendre avec quelques psychiatres des années 70 - 90, largement à l'origine de la thèse de "l'extermination douce", qui ont voulu jouer les apprentis sorciers en traitant le sujet avec au minimum un manque de rigueur, mais bien souvent aussi - et c'est plus grave - des intentions politiques.

Elle élargit donc la réflexion, et c'est particulièrement intéressant dans les débats de société actuels, sur la question du "devoir de mémoire", de la nécessité ou non pour un état de s'autoflageller pour sa responsabilité ou prétendue responsabilité dans certaines affaires du passé.

La dernière surprise enfin - mais en est-ce vraiment une ? - c'est la véritable raison, outre les privations qui concernaient quand même un peu tout le monde, à cette hécatombe. Cette raison se dessine lentement mais sûrement au cours du livre et des témoignages qu'il rapporte, jusqu'à devenir d'une implacable évidence : "leur destin interroge avec violence notre société sur son rapport à la folie et à ceux qui en sont atteints. L'épisode tragique de la guerre a révélé la faillite d'un mode de gestion de la maladie mentale qui consiste – sur le motif qu'il est incapable de travailler et présente des comportements violents ou dérangeants – à retrancher le fou de la communauté et à l'enfermer dans un ghetto, parfois jusqu'à la fin de ses jours. Là, [...] le malade interné perd peu à peu tout lien avec la société jusqu'à devenir transparent, invisible. C'est ce phénomène de mort sociale, qui précède parfois de plusieurs décennies la mort biologique, qui est en cause dans la famine des années d'occupation." (je cite Isabelle, elle le dit bien mieux que je ne saurai jamais le dire.)

C'est sûr que c'est tellement plus confortable, quelque part, de considérer que ce sont les méchants psychiatres qui les ont laissés crever sur l'ordre du vilain régime eugéniste de Vichy. Ça permet de s'acheter une conscience, c'est toujours ça de pris.

N'empêche, moi ça m'a fait penser aux polémiques récentes sur la gestion des EHPAD Orpea... Bizarre, non ? Ah, j'allais oublier aussi les personnes abandonnées à la mort dans certains établissements pour handicapés pendant la crise du covid (cf le témoignage de la grande reporter Florence Aubenas).

Un livre brillant et sans concessions, pour tous ceux qui ont envie de se poser des questions qui grattent sur l'éthique de notre belle société occidentale.
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L'hécatombe des fous : La famine dans les hôpita..

Je croyais lire un livre sur l’extermination des patients psychiatriques pendant la Seconde Guerre Mondiale, par le biais de la famine.



En fait Isabelle von Bueltzingsloewen nous propose un ouvrage très richement argumenté, s’appuyant sur d’énormes archives et une bibliographie prolifique, qui établit l’atrocité des 40 000 morts de faim des hôpitaux psychiatriques français pendant la guerre, mais réfute le génocide.



Dans un contexte de restrictions générales et d’affamement de toute la population, les « fous », les « aliénés » constituent une population particulièrement fragile, qui ne dispose que de la quantité minimum de tickets d’approvisionnement, impropre à assurer la survie. Coupés d’une famille ou d’un environnement social lui-même en grande précarité, ils sont dans l’impossibilité de combler les carences par l’aide extérieure ou le marché noir. Le travail des patients valides dans les fermes rattachées à nombre de ces hôpitaux est insuffisant à pallier aux monstrueux manquements

L’auteure décrit sans concessions (photos à l’appui) les conditions d’enfermement et d’abandon de ces patients pour lesquels la médecine est alors sans ressource, et l’opinion publique dans un rejet généralisé. Elle situe cette état de fait dans l’évolution de la psychiatrie dans le siècle, de l’asile à la psychiatrie de secteur.

Elle décrit des médecins diversement démunis, mais pour la plupart concernés, face à l’impuissance de l’administration. Pour eux, l’émergence des premières thérapeutiques dites de choc avant-guerre et notamment de l’électro-convulsivothérapie – autrement dit électrochoc – constitue l’espoir extraordinaire de non seulement traiter ces patients, mais aussi de ce fait permettre qu’ils sortent de l’univers asilaire et aient ainsi une chance de ne pas mourir de faim.

Mais si jusqu’à fin 42 leurs appels n’ont pas suffi à faire augmenter la ration des aliénés, Isabelle von Bueltzingsloewen affirme, preuves à l’appui, qu’il n’y a pas eu de désir d’extermination sous Vichy, ou en tout cas qu’il n’y en a pas trace, donc, pour l’historienne, pas de trace = pas d’affirmation. Pour elle, c’est faire offense au devoir de mémoire, mais aussi aux malades dizaine de milliers de malades psychiatriques génocidés en Allemagne que de ne pas reconnaître cela. Elle s’oppose ainsi à tout un courant qui a jusque-là affirmé ce génocide, qui l’a mis en lien avec l’eugéniste lyonnais Alexis Carrel, et dont elle considère qu’il ne répond pas à un travail historique de chercheur·se digne de ce nom.



C’est évidemment une parole contre une autre, car si l’auteure confronte abondamment la lectrice à sa documentation, à ses raisonnements et à ses preuves, je suis, inculte en histoire, incapable de savoir si ces preuves sont bien des preuves.

L’intérêt de ce livre, outre la connaissance de la famine des hôpitaux psychiatriques, de l’histoire générale de la psychiatrie, ainsi que de nombreuses histoires individuelles de patients internés chroniques particulièrement émouvantes, est bien de poser la question de la responsabilité de l’historien.ne. Comment lire l’histoire ? A qui se fier ?
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L'hécatombe des fous : La famine dans les hôpita..

Ce livre retrace les évènements ayant conduits à ces décès de la faims des hôpitaux psychiatriques. Il offre au lecteur une vue d'ensemble appréciable: contexte, compréhension et vécu des médecins et dirigeants, conséquences...



On ne ressent pas une pression de la part de l'auteur de nous faire adhérer à un point de vue, au contraire, il nous aide à créer le notre. J'ai vraiment apprécié ce livre qui se lit très facilement. Il m'a aidé à prendre du recul face à éviter les raccourcis qu'on avait pu me transmettre.
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L'hécatombe des fous : La famine dans les hôpita..

Faut avoir envie mais à l'époque j'avais apprécié, ça change et on apprend pas mal de choses.
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L'hécatombe des fous : La famine dans les hôpita..

Faut avoir envie mais à l'époque j'avais apprécié, ça change et on apprend pas mal de choses.
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