J. Daniels

“ — Alors, le marié ou la mariée ?


Il paraît confus quelques secondes avant de comprendre, et sourit derrière son verre.


— La mariée, si on veut. Je ne connais pas vraiment Sara, mais j’ai travaillé avec son père. Il nous a invités tous les quatre.


Il désigne Ian et Trent d’un geste de la main, assis ensemble à leur table. Je secoue la tête en m’apercevant que Billy et Joey ont déjà disparu. Joey, tu es trop prévisible. Après tout, on est déjà là depuis cinq bonnes minutes.


— Et toi ?


Je lève les yeux au ciel.


— Le marié, malheureusement.


Il se rapproche et la veste de son costume effleure mon bras nu. Il penche la tête vers moi.


— Vraiment ? Et pourquoi j’ai l’impression, ma douce Dylan, que tu connais vraiment bien le marié ?


Ma douce Dylan ? Oh, bon sang.


— Parce que je connais vraiment bien le marié. C’est mon ex.


Il ouvre de grands yeux et se redresse.


— Sérieux ?


Je confirme d’un signe de tête.


— Mon ex infidèle, pour être plus précise.


— Merde. Ça craint. Enfin, ça doit être bizarre pour toi, non ? Pourquoi tu es venue, d’ailleurs ?


Je lâche un petit rire et je tends mon bras libre pour désigner la table des desserts à travers la foule.


— Tu vois cette magnifique pièce montée de cinq étages ? (Il hoche la tête et sonde mon visage.) C’est moi qui l’ai créée. Voilà ce que je fais là.


— Sans déconner ? Alors comme ça, tu es pâtissière ?


(...)

— Le gâteau en lui-même est une génoise à l’orange avec de la crème fouettée au Grand Marnier et une garniture à la marmelade.


Je désigne les petites perles de couleur pêche et les callas qui ornent un côté en forme de cascade.


— Et ces petits points et ces fleurs sont en sucre, donc tout est comestible.


Il se penche en avant, les sourcils froncés, pour étudier attentivement les fleurs. J’apprécie tout particulièrement son intérêt étant donné la difficulté de l’exécution, et je ne peux m’empêcher de glousser tout bas devant son air concentré. Je n’avais jamais vu d’invité réagir avec tant de curiosité face à un gâteau de ma création.


— Wow. Je croyais que c’étaient de vraies fleurs. Elles sont vraiment comestibles ?


Je souris fièrement.


— Oui oui. Elles sont d’une douceur insensée et fondent sur la langue sous l’effet de la chaleur.


— À t’entendre, c’est presque indécent, commente-t-il d’une voix grave et rauque.


Je hausse les épaules, comme pour confirmer en silence que, dans ma bouche, les choses ont toujours l’air indécentes, ce qui, même dans ma tête, paraît parfaitement ridicule. C’est simplement ma façon de parler.


— Et toi, que fais-tu dans la vie, Reese ?


Je bois une longue gorgée de ma boisson et je le vois fixer ma bouche des yeux. Je mords ma paille.


Après une hésitation, il répond :


— Je suis expert-comptable pour Walker & Associés.


Je manque m’étouffer. Il écarquille les yeux et je me racle la gorge.


— Sans déconner. Tu es comptable ? Toi ?


Il doit me faire une blague. Sublime et intelligent ? J’ai l’impression d’avoir déniché une licorne.


Il se contente de hocher la tête et m’observe avec un petit sourire.


— Ça te surprend ?


— Oui. Le type qui s’occupe de mes comptes a du psoriasis et ressemble plus à mon père. Impossible qu’un mec aussi sexy que toi soit comptable.

Sa voix grave a toujours le même effet sur moi que la première fois. Je pourrais obéir à n’importe quel ordre prononcé par cette voix. Il n’y a pas que pour son corps que je pourrais me liquéfier à ses pieds. Cette voix est ma perte. Il me sourit et écarte davantage le rideau.

— Ramène tes jolies fesses ici.

Je me déshabille à la hâte et me glisse rapidement sous la douche avec lui. J’inspire profondément, passe mes bras autour de son cou et savoure la vue et l’odeur. Il me soulève et me serre contre lui, puis pose son front contre le mien. Je ferme les yeux et laisse l’eau couler sur son corps et sur l’avant du mien. Son haleine chaude et mentholée réchauffe mon visage, tandis qu’il caresse doucement mon dos, de plus en plus bas. Je rouvre les paupières et plonge dans les yeux les plus verts que j’aie jamais vus, brûlants d’intensité – son intensité.

Personne ne m’a jamais parlé pendant le sexe, et c’est probablement la chose la plus érotique que j’aie jamais entendue. Il enfonce ses doigts dans mes hanches à tel point que je redoute d’avoir un bleu, mais je m’en fiche. La légère douleur qu’il m’inflige ne fait en réalité qu’augmenter mon désir pour lui.

Je n’ai aucun regret. Je n’ai jamais aucun regret après avoir eu un orgasme, même si parfois, certains d’entre eux sont le résultat de mes propres efforts. Et, sérieusement, pourquoi devrais-je me sentir mal ? Il a joui. Une sacrée quantité, apparemment. Suffisamment pour regarder le préservatif avec la fierté d’un père qui porte son nouveau-né. Nous sortons tous les deux satisfaits de cette expérience même si, techniquement, je suis la seule à sortir.Des regrets ? Des remords ? Au diable tout ça. Je suis Brooke Wicks et j’aime le sexe. Beaucoup. Je ne vois pas le problème avec mon penchant pour les aventures sans lendemain. Je fais ce que bon me semble avec les hommes qui me plaisent.

Seulement, je ne suis pas totalement sûre d’avoir besoin d’une autre personne ; Joey et moi, on s’en sort plutôt bien tout seuls. J’ai grandi avec lui, nous sommes allés au lycée ensemble, puis à la fac, où nous avons tous les deux suivi des études de commerce. Il m’a apporté tout son soutien quand j’ai émis le désir d’ouvrir ma propre pâtisserie, et il a insisté pour devenir mon assistant afin de pouvoir conserver notre relation privilégiée. Même si, au fond, je pense qu’il voulait seulement s’empiffrer à volonté.

Cet homme est méticuleux dans tous les domaines. Il se concentre sur la mousse qu’il répand sur le moindre centimètre de ma peau. Il s’attarde sur ma poitrine et la malaxe quelques minutes avant de la rincer. Ses marques sont gravées de manière permanente sur ma peau grâce à ces séances de toilette quotidiennes. Je grogne tout bas tandis qu’il lèche mon sein gauche, l’aspire dans sa bouche et dépose un baiser après qu’il s’est assombri.

Je ne regretterai jamais la façon dont je suis tombée amoureuse de Reese ; c’est impossible. Chaque seconde en valait la peine, car elles nous ont menés à ce que nous avons aujourd’hui. Et je revivrais quatre-vingt-cinq jours supplémentaires de torture absolue pour l’avoir à mon côté, car il a toujours été fait pour moi. Et dans dix jours, je lui appartiendrai officiellement.

Le gonflement de sa poitrine, son haut noir qui la contient à peine et qui, au bout du compte, provoque en moi un désir que je ne suis pas sûr d’avoir déjà ressenti. Les courbes douces de ses hanches sur lesquelles j’ai envie de poser les mains, que j’ai envie d’agripper, dans lesquelles j’ai envie d’enfoncer mes doigts. Elle est douce et galbée, délicate et dangereuse.

Je le supplie parce qu’il aime ça, mais aussi parce que c’est la vérité. J’ai besoin de lui ; j’aurai toujours besoin de lui. Et la façon dont j’avais réussi à me convaincre du contraire me dépasse totalement. J’ai été une parfaite idiote de nier les sentiments que j’éprouvais pour lui. Il a toujours été fait pour moi, depuis le jour où je suis tombée sur ses genoux.

Je n’ai pas envie de repenser au meilleur orgasme que j’ai jamais eu. Je n’ai pas envie de repenser à ses lèvres sur les miennes, sur ma peau, au goût de sa bouche, à son parfum, à son expression quand il a joui, au son de mon prénom dans sa bouche, à sa tête quand il me prenait contre le lavabo, ou encore à la taille démesurée de son membre… parce qu’il est marié