Même si le fascisme est une réaction à l'élément apocalyptique juif ou chrétien, qui par beaucoup d'aspects recèle quelque chose d'apocalyptique, il est cependant une forme de réaction païenne et constitue l'un des adversaires de la philosophie de l'histoire, quoique revêtu de la toge de cette philosophie de l'histoire. Le fascisme est trop peu intéressant et trop épisodique pour aborder ce problème. Il a coûté cinquante millions de victimes, il a construit des chambres à gaz mais, malgré cela, il reste un épisode en dernier ressort sans pertinence. Ses conséquences ne sont pas sans importance, et resteront longtemps dans notre mémoire, mais lui-même, non.
La science de l'apocalyptique implique une attitude passive vis-à-vis des événements de l'histoire. Tout comportement actif est suspendu. Le destin de l'histoire est prédéterminé et il serait absurde de vouloir l'empêcher. Le style apocalyptique utilise principalement la forme passive. Dans les Apocalypses, personne n'"agit", mais plutôt : tout "se passe". On ne dit pas : Dieu entend les cris, mais plutôt : les cris montent jusqu'à Dieu ; non pas : le Messie décide du sort des peuples, mais : le jugement vient sur les peuples. La forme passive de la langue apocalyptique que l'on retrouve chez Karl Marx se fonde sur le manque de confiance en l'homme". (...) C'est de ce point de vue qu'il faut remettre en perspective le "déterminisme", souvent incompris, de la structure intellectuelle de l'apocalyptique marxiste.
On ne peut pas discuter et encore discuter sans fin, à un moment donné vient qu'on agit. Donc, le problème du temps est un problème moral et le décisionnisme consiste à signifier qu'il n'y a pas de prolongation à l'infini. Et quiconque le nie est immoral, ne comprend effectivement pas la situation humaine, qui est finitude et, parce que finitude, doit céder la place, c'est-à-dire oblige à décider.
La théologie philosophique qui n'est pas ontologiquement fondée a tendance à confondre le "deus in nobis"* avec le theos. La philosophie n'a aucun droit à se considérer a priori comme le fondement "naturel" de la théologie parce que, dans ce cas, elle confondrait, en effet, les diverses dimensions dans le clair-obscur d'une theologia naturalis.
*Expression de la Première Epitre de Jean: "nos credidimus caritati quam habet Deus in nobis" (nous avons cru à l'amour que Dieu a pour nous), que l'on trouve déjà chez Ovide: "Est deus in nobis, agitante calescimus illo" (il est un dieu en nous, c'est celui qui nous aime)
Il y a une guerre et elle existe bien. Condamner la guerre en tant que guerre [...] , ce n'est pas abolir la guerre, absolument pas; c'est la criminaliser, voilà pourquoi, dès lors, la guerre ne peut plus être conduite que dans les pires formes. Celui d'en face, ici et maintenant, ne saurait plus être qu'un criminel à éliminer. Autrement dit, la guerre s'aggrave, devient plus brutale, se déchaîne quand on refuse d'admettre que l'état de guerre peut aussi régner entre les hommes, un état de guerre qui amènera ensuite une paix. Le nier, c'est vouloir non pas la paix, mais bien l'aggravation de la guerre. Je crois que ce n'est pas un discours apologétique de ma part, car Schmitt a bien souvent souligné dans ses écrits, ainsi dans Ex captivate salus [...]: "L'ennemi est notre propre question prenant figure".
L'espérance messianique a sa grandeur, elle illumine la nuit de l'exil, mais elle a la faiblesse du provisoire qui ne s'épuise pas. "Vivre dans l'espérance est quelque chose de grand, mais c'est aussi quelque chose de profondément irréel." Cela dévalorise la charge propre de toute situation particuliére, qui ne peut donc jamais être vécue pleinement; le provisoire, l'inachevé, dévalorise précisément ce qui est central dans toute entreprise et ce qui est important pour celle-ci. L'espérance messianique a transformé l'existence juive en une vie en sursis, elle a indexé la vie concrète sur le "comme si".
Jusqu'à maintenant je reste sceptique devant toute philosophie qui ne se frotte pas concrètement avec l'histoire. Sans l'histoire, aucune vérification de principes métaphysiques abstraits entre tous.
Je pense qu'il faut rendre son adversaire aussi fort que possible, sinon ce n'est pas intéressant. Ça ne vaut pas la peine de continuer à débattre avec un adversaire que l'on met KO tout de suite.
La controverse entre la religion juive et la religion chrétienne renvoie à l'éternel conflit entre le principe de la Loi et le principe de l'amour. Le "joug de la Loi" est mis en question par l'enthousiasme de l'amour. Mais, en fin de compte, seule la "justice de la Loi" pourrait mettre en question l'arbitraire de l'amour.