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Citation de Henri-l-oiseleur


- Nombre de cavaliers savent lire et écrire, répondis-je - j'ai même été étonné de l'apprendre - toutefois ils se servent des mêmes signes que ceux des Terrébrins.
- Des signes qui transcrivent des sons et qui ne ressemblent à rien. On pourrait craindre que, pour pratique qu'elle paraisse, une telle écriture ne soit dangereuse ou scandaleuse.
- J'aimerais bien savoir, m'exclamai-je, de quel danger ou de quel scandale je puis être tenu pour coupable quand, par exemple, je prends des notes sur notre voyage.
- La forme même de votre écriture, dont le dessin n'évoque rien, vous contraint d'accepter l'absence des choses. Par chaque mot que vous tracez vous renoncez à la présence de ce que vous nommez. Vos notes anticipent, si elles ne le préparent pas, sur le moment où vous serez séparé de vos compagnons de voyage. Et que reste-t-il de moi auprès de vous quand vous tracez mon nom ?"
(...)
"Mais enfin, Félix, si vous étiez en quelque sorte présent dans l'inscription de votre nom, vous seriez pour ainsi dire en mon pouvoir !"
Il rit.
"Cela est bien vrai, Professeur, et il me faudrait vivre en espérant de votre part une constante bienveillance."
La nuance d'ironie - une ironie aussi exempte de malice qu'il était possible - était trop sensible pour que je lui remontrasse plus avant combien dangereuse, à son tour, pouvait être l'écriture symbolique et, pour le dire clairement, magique dont il prônait l'usage. Sans le moindre doute, aux yeux de Félix, je venais d'un monde exposé à une menace d'anéantissement généralisé - menace indéfiniment suspendue, mais pour combien de temps ?- tandis que lui, au moins quant à l'objet de notre discussion, participait d'un autre monde où chacun devait faire face au danger comme à la joie incarnés par l'autre. Fallait-il donc croire qu'en des temps très reculés les hommes s'étaient trouvés sommés de faire un choix entre l'un ou l'autre de ces deux mondes ? Peut-être étais-je ce jour-là en train d'atteindre à l'ultime enjeu de mon voyage et j'en fus à ce point émerveillé que je dus un moment interrompre notre conversation.

p. 568-569
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