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Citations de Jacques Biebuyck (65)


La fine odeur triste que j'aime,
ce lent fumet de chicorée,
filant du haut des cheminées,
elle embaumait tout mon quartier.
Torréfiée, racine amère,
je la humais encore, mêlée
aux cheveux poivrés de ma mère.
Soupirant d'aise à ses boufées,
j'ouvrais les yeux sur ma grammaire,
Oh ! fine odeur triste que j'aime,
que de devoirs à perdre haleine !
Peine perdue, parfum resté.
Souvent, j'ai la narine pleine
d'un souvenir de chicorée
et te respire, éternité
de mes semaines d'écolier.
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Le dernier tramway était parti depuis une heure.
Toute menue, la vieille Madame Prumier demeurait seule sur la place du village engourdi dans la brume.
Son coeur se serra. Ses yeux écarquillés fixaient les lueurs des fenêtres qui mourraient une à une.
Soudain, près d'elle, la porte d'un estaminet vomit un paysan ivre qui tourna le coin et fila le long d'un mur en baffouillant. Madame Prumier frémit : les ivrognes, les rues sombres, les chats furtifs, la pluie qui secondait la brume. Elle se mit à marcher, craignant la fascination de l'inertie et que recrue de fatigue, elle ne dû s'appuyer à cette borne postale, qui la lorgnait telle une mauvaise vieille.
Les froissements secs de son imperméable s'affolent dans le silence. L'averse monotone l'enssevelit, crépitant sur son grand parapluie. Ses oreilles bourdonnent. Elle se sent perdue dans le vide.
Aux murs pisseux, bariolés d'affiches, s'étale le nom du bourg. Elle le marmonne dans sa rudesse flamande, s'étonne de la force hostile de ses trois syllabes, pendant que ses lèvres pincées le crachent avec crainte, un autre nom s'y accole, la fait pâlir, un nom stupide, familier, mais adorable, ce soir : Bloumpot et son gendre, le fermier, des cousins d'Oostcamp. Des ondes de plaisir lui parcourent le corps. Chez eux, fût-ce sur un escabeau contre la cheminée, elle passera la nuit. Elle est sauvée ... Retrouvera-t-elle leur maison ? Qu'elle est loin de chez elle Mathilde Prumier. Deux heures de tête à tête avec le notaire, cuisinant son testament, farci de codicilles, fignolant avec un aigre soin la toile où viendront s'empêtrer ses neveux à la curée. Ce chef d'oeuvre de prudence mis au point, elle a été s'asperger l'âme de tièdes oraisons, friande d'une pincée de douceur spirituelle. Devant le tabernacle de rocaille, les veilleuses jetant des lueurs palpitantes, elle s'est abandonnée au bercement d'une prière sans pensée. Et il semblait que le Christ fût plus seul d'être adoré par ces yeux sans regard.
Alors, elle s'en est allée débattre des prix dans les boutiques. Le rire gras du mercier lui tonne encore aux oreilles. Enfin, la voilà livrée à ces paysans qui lui font peur, dont elle reconnaît la maison. Ranimée, elle frappe. Une face tannée, éclairée d'en dessous par une lampe ; la porte s'ouvre, dégage un fumet d'oignons et de lessive.
On avance à la visiteuse une chaise trapue dont la paille pique à travers les jupes ses maigres cuisses. Un moment de bien-être indicible.
Madame Prumier s'explique. Sa phrase pressée trébuche dans le silence. Les fermiers se concertent du regard. Leurs visages tendus s'animent dans la lumière du carcel. Ils ont l'air de comploter à voix sourde. Mais la femme s'éclipse. (...)
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Bernard a eu la chance d'épouser une jeune femme qui se plaît à l'entendre converser avec ses amis. Si d'emblée, votre fiancée marque de l'ennui de l'irritation, à vous entendre bavarder avec vos amis, le signe est fâcheux pour l'avenir de vos relations en général.

Bien entendu, on ne transporte pas l'ensemble de ses amitiés dans son mariage. Certains et non des moindres auront été pour vous d'aimables confidents de jeunesse, rien de moins, rien de plus. Vous étiez destinés à cheminer de concert quelques années, à vous déverser l'un dans l'autre, à éclaircir en vous aidants maints problèmes qui l'âge venu, se sont atténués ou résolus.
D'autres amis n'étaient, à tout prendre que de bons ou moins bons camarades. Enfin, il en est qu'il serait très imprudent d'insérer dans votre vie nouvelle : disons qu'ils représentaient vers la fin de votre adolescence, des signes de voies possibles, abandonnées depuis. Beaucoup d'époux se sont mordu les doigts pour avoir voulu mélanger les genres, cultiver les souvenirs dans la même terre que les projets, et l'amitié de vieux copains (souvent douteux) en même temps qu'un amour frêle , tout neuf.
Vous avez choisi, c'est à dire renoncé au reste. Avec votre femme, vous avez opté pour un monde de sentiments, de rêves, de relations qui cadrerait mal avec le monde de certains amis très provisoires. Vous vous en ferez d'autres, et meilleurs, qui seront non seulement les amis du couple, mais aussi des gens que vous serez heureux de faire apprécier par vos enfants.
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Faut-il que l'enfant meure en chacun de ces hommes,
Cet enfant qui fut beau d'ignorer sa beauté ?

Ou vivre pourrait-il être la mort en somme,
du plus tendre que nous ayons été ?

Ah! l'enfant n'est en nous qu'une source enfouie,
un bois doré perdu là bas, dans la forêt.
Chaque matin je m'ouvre à l'heure qui relie
mon désir à sa fin et le fleuve à la mer.
Une éternelle enfance attend mon dernier âge.
Et je me sens monter vers l'or blond d'une plage
où d'un coup, le soleil inondera ma chair.
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Nous longions l'étang sauvage. Antoine comme toujours m'apprenais le monde.
Regarde me dit-il, ce hêtre tombé dans l'eau. Pourquoi ?
Des poules d'eau avaient construit leur nid dans la cime à demi immergée.
_ Cet arbre qui penchait si fort devait être abattu, pour finir en planches. Sans doute cette fin lui a-telle déplu ?
_ Non, fit Antoine. Cet hêtre aimait les canards, les poules d'eau. Il a passé sa vie à les observer toujours de plus près ...
Il a obtenu ce qu'il aimait : mourir au milieu d'eux, enfoncé dans la vase et les roseaux.
_Il n'est pas mort ! Vois: toutes ses branches sont vertes. Il vivra longtemps. personne ne l'enlèvera à ce qu'il aime. Il a su tomber du bon côté.
Voilà comme nous parlions, à soixante ans de distance.
Je me sentis un grand respect pour les créatures petites ou très silencieuses. Je souhaitai tomber à la fin, la tête dans les nuages, comme je suis né.
Alors, Antoine dit : "Ce sera triste quand tu seras mort ?"
Nous n'étions pas tristes du tout. Nous regardions les feuilles du hêtre agitées par le doux vent de mai.
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