Suite fraternelle
Extrait 8
Voici l’heure où le temps feutre ses pas
Voici l’heure où personne ne va mourir
Sous la crue de l’aube une main à la taille fine des ajoncs
Il paraît
Sanglant
Et plus nu que le bœuf écorché
Le soleil de la toundra
Il regarde le blanc corps ovale des mares sous la neige
Et de son œil mesure le pays à pétrir
O glaise des hommes et de la terre comme une seule pâte qui
lève et craquelle
Lorsque l’amande tiédit au creux de la main et songeuse en sa
pâte se replie
Lorsque le museau des pierres s’enfouit plus profond dans le
ventre de la terre
Lorsque la rivière étire ses membres dans le lit de la savane
Et frileuse écoute le biceps des glaces étreindre le pays sauvage
…
Revue « Parti Pris. N°2, Novembre 1963 »
Montréal (Québec), 1963