La prostitution, elle la connaissait de longue date. Il était impossible de vivre plus de huit jours dans ce quartier en l’ignorant. Et plusieurs de ses compagnes, à l’usine, trouvaient là un moyen d’arrondir leur pécule : quand elles sortaient le soir pour arpenter les petites rues de Saint-Sauveur, on disait qu’elles allaient faire le cinquième quart de leur journée, le mieux payé. Maria ne s’en indignait pas : chacun, chacune devait s’organiser pour survivre. Et la clientèle de ces filles n’était pas spécialement repoussante : quelques ouvriers, des gens du quartier, surtout des soldats,des garçons venus des Flandres, qui parlaient à peine le français, d’autres encore, recrutés dans les régions des mines et qui racontaient d’étranges histoires de chevaux tirant des chariots de houille à des centaines de mètres sous terre. Quand ils n’avaient pas trop forcé sur la bière ou le trois-six, ces hommes-là n’étaient pas terribles.