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Citation de collectifpolar


Je travaillais depuis trois semaines dans une usine de plastiques dans le Mississippi lorsque le contremaître - un bouseux à la dentition en décapsuleur du nom de Cyrus Broadway - commit l'erreur de me traiter de connard feignant. Alors bon, je suis peut-être feignant, mais je suis aussi méchant comme une teigne. J'ai fréquenté des prisons et des cellules de dégrisement partout dans ce pays, depuis les cachots poussiéreux à la frontière du désert Mojave jusqu'aux cabanes humides sur une île au large de la côte du Maine. Et personne ne peut m'insulter impunément, même si, pour ce gars-là, ce n'est qu'une plaisanterie. Le temps qu'on me sépare de Cyrus Broadway, je lui avais tellement écrasé la gueule qu'elle n'était plus que de la chair à saucisse. Ses grandes dents de cheval étaient dispersées sur le sol de l'atelier, à côté de lui.
Je ne me suis pas donné la peine d'attendre les flics du Mississippi pour leur raconter. Je suis parti le soir même. J'ai traversé la Louisiane en catimini, je me suis infiltré au Texas, et j'ai fini par me retrouver à traîner autour d une station Texaco à la sortie de Sallisaw, dans l'Oklahoma. J'essayais de me faire discret, mais après deux jours sans manger, je décidai de chercher quelqu'un à braquer. Je repérai deux femmes, mais braquer des femmes, ça rapporte souvent plus d'ennuis que de fric. Les flics réagissent plus vite quand la victime est une femme, et si ça tourne mal et qu'il faut la secouer un peu... Ah ça, les flics adorent traquer l'agresseur d une femme et le tabasser. Ça leur donne l'impression qu'ils sont de bons gars.
Alors, j'attendis. Je laissai partir les femmes. Les ados. Les couples. Le vieux bonhomme avec sa camionnette pleine de chiens. J'attendis, mais je commençai à m'impatienter.
Lorsque je repérai le gros, je sus que j'avais trouvé mon pigeon.
Il n'était pas seulement gros. Il serait bientôt, très bientôt même, trop gros pour pouvoir porter des vêtements normaux. Le gras débordait de partout et remplissait sa chemise blanche tendue comme un ballon de baudruche. Ses cheveux étaient d'un blond passé sur les longueurs, comme s'ils avaient été teints à une époque.
Mais il y avait autre chose chez ce type, quelque chose qui en faisait un vrai loser. C'était sa manière de bouger. Il se transportait comme s'il avait été tabassé ce soir-là, comme si chaque pas qu'il faisait était une bataille difficilement gagnée contre la gravité.
Il gara son break déglingué au bout de la rangée de voitures. Je l'observai, tapi dans l'ombre. Il sortit, ouvrit la portière arrière et prit son portefeuille de la poche de son manteau posé sur le siège. Sans verrouiller la voiture, il partit vers la station-service. Je regardai depuis l'extérieur. Derrière moi, la route était déserte et plongée dans les ténèbres. Parfois, une voiture passait au loin, puis disparaissait, engloutie dans le silence de la nuit. Au comptoir, mon gros pigeon gras et facile jeta un coup d oeil à sa montre et se frotta les yeux. Il acheta une boîte d'anti-asthéniques à la caféine, trois paquets de cigarettes et un litre de Dr Pepper. Il montra du doigt les ailes de poulet qui rôtissaient sous la lampe et l'employé lui en prépara une boîte.
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