Le conte du bon Dieu et de son domestique.
(Lo bon Dieu avia un vaslet que li demandet la permession de 'nar, quauquas legas d'aqui, a la nòça d'una de las soas nebodas ...)
Le bon dieu avait un domestique qui lui demanda la permission d'aller, à quelques lieux de là, à la noce d'une de ses nièces.
"Vas-y, dit le bon Dieu, vas-y, demeures-y tout le temps qu'il faut mais pas plus, sois-y bon chrétien et ne me fais pas de mensonge lorsque tu reviendras."
Le domestique ne revint que huit jours après.
"Eh mais, dit le bon Dieu, tu as bien tardé à revenir !
- C'est que, Notre Seigneur, dit le domestique, si vous saviez comme il y fait bon vivre là-bas ! La nappe toujours mise, on y boit, on y chante, on y danse de nuit comme de jour. Il y a une chose, tiens, à présent que j'y pense, on n'y parle pas de vous ..."
A six mois de là, le domestique, qui avait plus d'une nièce, demanda une fois de plus la permission d'aller à un autre mariage qui se faisait dans ce même pays où il était déjà allé.
"Vas-y, dit le bon Dieu, vas-y, demeures-y tout le temps qu'il faut mais pas plus, sois-y bon chrétien et ne me fais pas de mensonge lorsque tu reviendras."
Le domestique partit à la pointe du jour mais revint le soir même, bien avant la nuit.
"Eh mais, dit le bon Dieu, tu n'y a guère demeuré, cette fois-ci !
- Ah, Notre Seigneur, dit le domestique, c'est qu'il n'y fait pas bon du tout, là-bas ! La peste, la famine, tout y est en royaume. On n'y voit partout que morts et moribonds. Et partout, ce n'est qu'un cri: Ah mon Dieu, mon Dieu, Seigneur, Seigneur, Jésus, Jésus ! ...
- Tiens, dit le bon Dieu, ils parlent de moi, à présent ?"
Tant comme le malheur, parfois, te rend la mémoire des prières ...
(Tant coma lo malaür, daus un còps, te tòrna la memòria de las pregieras ...)
Litanie
À toute langue, une parole,
À toute tête, son chapeau,
À tout tiroir, une table,
À tout os, son peu de peau.
À toute musique, une note,
À toute traverse, palis,
À tout sein, une bonne lèvre,
À tout demeuré, malin.
À toute gifle, une bonne joue,
À toute fumée, son feu,
À tout repentir, bonne faute,
À toute route, son quelque part.
À toute haleine, ail et oignon,
À toute lame, son couteau,
À toute femme, belle chevelure,
À toute forge, son marteau.
À tout hasard, sa destinée,
À tout coin de cheminée, son archebanc,
À toute erreur, qu’elle fût bernée,
À tout après, cherche un avant.
À toute aiguille, son horloge,
À toute horloge, autant d’heures,
À tout dégourdi, son empoté,
À toute promesse : quand ?
(…)