Quant aux lapins, elle aimerait se couvrir de leur robe. Mais on doit les saigner ! Voilà le nœud de l’affaire. Elle se convertirait au végétarisme, au jeûne à vie, au lieu de lever ne serait-ce que le petit doigt pour les prendre au piège. Le restant de ses jours, elle s’enfermerait à leur place dans un clapier pour ne pas priver de liberté une seule de ces créatures. Par ailleurs, il y a une exception à la règle : le renard. Un jour, son mari lui offre un renard argenté qu’elle se jette sur les épaules pour la messe du dimanche. Durant l’office, Ariel caresse le pelage en évitant les crocs qui l’apeurent. D’un côté du costume, la bête a la tête en bas, les yeux et la gueule grands ouverts, puis de l’autre côté pend la queue. Elle est folle de sa fourrure portée avec des atours et un bibi pas piqués des vers. Même en plein mois d’août. (p. 169)
Affolée en permanence dans cette contrée sauvage, Rachel craint avec une égale frayeur la ménagerie indomptée des bois, de sorte que la liste des rapaces capables de la dévorer, de faire de fiston une bouchée, s’allonge à l’infini. Sans parler des bêtes inoffensives qui la répugnent au plus haut point. Chiens et chats ne trouvent pas grâce à ses yeux. Elle a l’habitude de les chasser avec tout ce qu’il y a de cailloux. À propos des bestioles, mieux vaut ne pas s’étendre sur le sujet tant elle les a en horreur. (p. 168)
Transmettre la vie comme sa mère l’a fait douze fois avec deux maris, comme sa grand-mère l’a fait quatorze fois avec trois maris, comme ses aïeules l’on fait seize fois chacune, sauf une, dix-huit fois, et une autre, vingt fois avec quatre maris, c’est sa façon à elle de se faire respecter, de se faire appeler madame et de pouvoir enfin prendre le nom de son homme. Être femme, c’est être mère. Et les filles se marient pour ça. (p. 24)