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Citation de chris49


La Bête est éveillé, énervé par la proximité des truies en chaleur dont lui parvient l'odeur depuis le bâtiment consacré à la conception, à travers les cloisons poreuses. De son groin, il pousse la porte de l'enclos. (...) Sa masse énorme se meut en silence dans l'obscurité.
Un autre appel le guide, plus pressant encore que celui du rut; c'est le parfum ténu de la nuit qui pénètre le bâtiment par les interstices. La Bête remonte l'allée centrale jusqu'à la large porte. Il plaque le groin contre la fente et, d'un mouvement de gueule, fait coulisser le panneau sur le rail. Il avance de quelques pas sur la grande dalle de béton, lève la tête et respire. La campagne est noire et calme. Un frisson d'excitation traverse de part en part le corps massif du verrat. Il tourne le regard un instant vers les portes du bâtiment derrière lesquelles se languissent les truies fertiles qui ont à leur tour perçu sa présence et les phéromones de son haleine lourde, puis La Bête s'en détourne et marche jusqu'à l'enceinte grillagée. Les terres s'étendent au-delà, luisantes et embaumées, recelant l'effluve des herbes et des tubercules, des bêtes inconnues et des petites proies, des buissons humides et de vieux vergers bleuis par la lune. Le verrat mord, tord et déchire sans mal les mailles du grillage, ménageant un trou dans lequel il glisse la tête, puis repose de tout son poids, bombant la clôture et forçant à ployer les piliers scellés dans le béton. L'ouverture ménagée s'agrandit et il parvient à y engager ses pattes antérieures. L'embout des fils coupés s'enfonce dans sa chair et l'entaille tout du long, sur le dos et sur les flancs. Son cri vrille la nuit et excite les chiens qui flairent son odeur et aboient de concert dans le chenil de la ferme. La Bête redouble de puissance, se débat et dessoude des piliers le pan de grille qui vibre en s'y rabattant violemment lorsque le porc se dégage. Ivre de douleur, il galope jusqu'au milieu d'un pré en friche. Il n'a jamais couru. Il découvre sa masse et la force qu'il lui faut mobiliser pour la déplacer. Un sang fluide s'échappe de ses plaies et coule entre ses soies. Il s'arrête, étourdi par l'effort, la liberté nouvelle et la vibration de la nuit que ses yeux sondent, pupilles dilatées. Il distingue les bâtiments mornes de la porcherie qui composaient jusqu'alors la limite de son monde.
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