AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Bouvy


Tout en déchiquetant son corps, les abeilles tueuses lui avaient appris un terrible secret : sa vie ne valait rien aux yeux des grands de ce monde. Chair à canon en temps de guerre, il devenait par temps de paix un producteur à exploiter, un consommateur à escroquer, un chiffre dans une statistique, une simple variable d’ajustement, un pion, un rien du tout, une miette qu’on évacue d’une chiquenaude. Le corps social tout entier n’était qu’un énorme bestiau anesthésié dont la chair, le sang et les os servaient à nourrir des parasites en tous genres, qui avaient su détourner, à leur profit exclusif, les nécessaires principes sans lesquels la société humaine ne pouvait subsister. La Loi, la République, le Bien commun, les Droits de l’Homme et toutes ces choses merveilleuses que Diderot, Voltaire, Montesquieu et Rousseau avaient léguées à l’Humanité avaient été confisquées, trahies et finalement galvaudées pour servir les intérêts d’une caste de privilégiés qui avait tout simplement remplacé l’ancienne. Comme un vulgaire gogo, le brillant normalien Pierre Taillandier avait gobé toutes les fadaises qu’on lui avait racontées sur l’égalité républicaine, la méritocratie et le savoir émancipateur. Il y avait cru, corps et âme. Mais à l’heure des abeilles tueuses, quand son corps avait été sacrifié pour défendre les intérêts de Schneider contre ceux de Krupp, son âme s’était libérée de ces illusions.
Commenter  J’apprécie          70





Ont apprécié cette citation (6)voir plus




{* *}