Jean-Claude Maleval

Je me suis déjà assez exprimée quant à ce que je pensais de Lacan : sujet-limite dont le langage forme une courbe qui tend vers la psychose. Qu’il ait analysé le sinthome de l’écriture folle de Joyce dans Ulysse ne doit rien nous indiquer d’autre qu’une extrême compréhension d’un phénomène qui le menaçait lui aussi. Si le concept de « forclusion du Nom-du-Père » ne vous dit rien, c’est normal : vous ne faites pas encore un usage psychotique du langage. Ça viendra.





Le pavé ici présenté nous rappelle brièvement le concept. Lecture destinée aux usagers courants de Lacan, les autres prendront sévère. Ensuite, déploiement de ce concept psychanalytique dans des approches psychiatriques concrètes : comment va-t-on rentabiliser la théorie dans les asiles ? Peut-on vraiment en faire quelque chose ? Quarante ans après la fixation du concept, malgré de nombreuses tentatives de traire la bête, aucun bon lait n’en est sorti, pauvre vache stérile ou petite machine sans chair.





Entre autres tentatives de transposition concrète (mécanisme du déclenchement de la psychose, échelle des délires, émergence de la femme, transfert), notons un chapitre particulièrement rare et intéressant sur le schizolangage. Et comme on est tous le fou d’un autre, je vous présente un extrait de ce chapitre qui, sorti de son contexte où il paraissait s’intégrer naturellement, devient le témoignage d’une sorte de démence thérapeutique :





« L’émergence de la lettre, qui constitue le réel du signifiant, élément symbolique, résulte d’une rupture de la chaîne signifiante, qui seule permet d’en isoler un de ses constituants. Il apparaît dès lors que la carence de la signification phallique, conséquence de la forclusion du Nom-du-Père, qui suscite le déchaînement du signifiant, constitue le phénomène situé au fondement des troubles du langage du psychotique ».





Advienne que pourra.