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Citation de Ledraveur


Des anomalies génétiques héréditaires ou accidentelles, auxquelles s'ajoutent les dysfonctionnements de la société dans laquelle grandit l'individu, peuvent fournir une explication valable de la violence comportementale de l'homme, expression de la “contre-passion”. Les animaux offrent des modèles d'agressivité pour se défendre et protéger leurs petits ou de conduites prédatrices pour se nourrir. Dans tous ces cas, il est facile de reconnaître une valeur adaptative. J'avoue être moins convaincu par des arguments bio-logiques lorsqu'il s'agit d'expliquer la furie qui enflamme régulièrement l'espèce humaine ou l'ivresse contagieuse qui s'empare des hommes à la vue du sang. Le caractère adaptatif du “mal” ne me paraît pas alors évident. Comment le même François d'Assise peut-il être successivement le jeune adolescent épris de lui-même qui participe à la boucherie de Collestrada* dans l'impatience de la victoire escomptée et le “poverello” dont le cœur débordant de compassion bat dans la multitude des autres cœurs ? François, “l'homme post-moderne” selon l'expression de Bof qui me permettra de célébrer le triomphe de la compassion. Qui sont ces chrétiens qui violent et massacrent pendant les cruelles croisades au nom d'un Évangile où Jésus, « en voyant cette foule d'hommes, fut ému de compassion pour eux parce qu'ils étaient harassés et abattus comme des brebis sans pasteur » (Matthieu 9, 36) ? Quel darwinien perverti peut dire la valeur adaptative de la Shoah ? Et d'où vient chez nos contemporains la force du ressentiment — un mot nietzschéen qui désigne l'envie, fiel de nos sociétés modernes : avoir tout ce qu'a l'autre et plus si possible ; réussite intolérable de l'autre qui fait de ce dernier l'objet du ressentiment, forme rampante et inépuisable de la contrepassion.
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*La bataille de Collestrada opposa le 12 décembre 1202 les habitants d'Assise à ceux de Pérouse chez qui s'étaient réfugiés des nobles de la ville. Elle se termina par une sanglante défaite au cours de laquelle François fut fait prisonnier.
Léonardo Boff, François d'Assise, Paris, Editions du Cerf, 1986.
p. 19 et 20
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