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Critiques de Jean-François Desserre (1)
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Le dernier Rimbaud

L'HOMME AUX SEMELLES DE VENT



On a tous en mémoire les quelques titres aussi rares que magistraux de ce météore de la poésie française - Le Bateau-ivre, Une saison en enfer, Illuminations -. On a tous à l'esprit que ce parcours à nul autre pareil, du moins dans nos lettres françaises, fut des plus brefs : de l'âge de quinze à vingt-et un ans, et qu'il cessa, a priori, d'écrire autre chose que des correspondances dont nous avons encore quelques traces - environ cent quatre-vingt lettres - aujourd'hui. À ces exceptions-là près, c'est le silence. Le plus complet. Prend alors corps la légende vécue de l'homme aux semelles de vent qui devait terminer son étrange, lent et douloureux itinéraire, fait de marches et de vagabondages plus ou moins décidés à l’hospice de la Conception de Marseille. Il n'avait que trente-sept ans.



Loin de vouloir reprendre à son compte l'intégralité de la légende, Jean-François Desserre se pose sur les quelques dernières années d'existence du poète devenu aventurier, négociant - en tout et rien, y compris, pour la légende, en armes dont le bénéfice sera surtout d'y contracter ce mal qui aura raison de sa santé -, explorateur. On le retrouve ainsi à l'occasion de son ultime voyage à Aden puis au Harrar. Il y apprendra les langues pratiquées dans ces régions, de l'arabe à l'oromo (langue alors parlée dans la Corne de l'Afrique), tombera amoureux d'une éthiopienne de religion catholique, cultivée et très libre, du moins dans la sphère privée.



Face à cet irrémissible ennui (dont nous avons encore trace à travers les correspondances qu'il eut avec sa famille avec laquelle il s'était réconciliée) fait de longues attentes pour obtenir les autorisations, recevoir les biens à revendre, etc, au-delà de ces langues nombreuses dont on sait que le poète fit un apprentissage assidu, Jean-François Desserre ose franchir plusieurs pas, mais qui ne sont pas forcément si impossibles : il lui fait avoir une fille qui naîtra après son départ définitif et qu'il ne connaîtra donc pas mais le dessinateur et scénariste fait aussi écrire, pour quelques dizaines de pages encore, un Rimbaud sans doute désabusé et éloigné de toute versification mais prosateur tout de même, autrement que de mornes livres de compte. De cet ultime héritage, demeuré sous une forme incertaine en Afrique, il compose une fin inattendue pleine de charme et de mystère.



Licence poétique sans aucun doute, l'ouvrage intrigue, interroge, pénètre en profondeur, malgré sa brièveté. Le dessin est souvent sec, tendu, vif mais plein de poésie et parvient à capter l'essence de cet homme certainement pas à la dérive, comme on est parfois tenté de se l'imaginer, mais parvenu sur une autre planète, parfaitement antagoniste et, paradoxalement, dans la plus pure lignée du monde poétique que cet enfant de génie s'était plus tôt composé.



Un petit ouvrage étonnant, tour à tour émouvant et désappointant, par un dessinateur trop rare (l'une de ses plus belles réalisations demeure sans aucun doute une mise en image du Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov) chez un éditeur de très belle qualité bien que lui aussi trop discret, les Éditions Grèges.
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