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Citation de art-bsurde


Peut-être une autre époque commence-t-elle avec les années 1970. Pour les auteurs nés après la guerre, le passé s'est clos avec le suicide de Mishima et l'avenir se dessine avec les mouvements étudiants. Le siècle de la littérature moderne dont ils héritent alors leur offre les moyens nécessaires pour se distinguer, tout en inscrivant d'emblée leur œuvre dans une dimension internationale. La question de l'intériorité a perdu de sa pertinence, elle est saturée. Comment alors ne pas abandonner le sujet, qui conserve toute sa force comme principe de cohérence ? C'est ainsi que l'on peut analyser l’œuvre d'un Murakami Haruki (1949), qui installe dans ses récits un « je » récurrent, jeune homme tranquille, en perte de repères, et envahi par le monde – un monde étrange où tout peut se produire, pourquoi pas une Course au mouton sauvage (1982), tandis qu'un Éléphant s'évapore (1985). Comme une silhouette qui traverserait l'histoire, le « je » chez Murakami, incertain, sans référent ni signifié, semble inscrire le signifiant du sujet dans le texte. Ce détachement, délibéré, implique aussi un dégagement par rapport au cours du temps, comme si cette jeunesse des années 1970 devait demeurer là pour l'éternité.
D'autres auteurs contemporains bousculent eux aussi l'intériorité. Ainsi, Nakagami Kenji (1946 – 1992) a imposé la présence en littérature d'un sujet discriminé, acteur tragique emporté dans le tourbillon d'une histoire cyclique ; Murakami Ryû (1952) inscrit pour sa part ses personnages dans une succession échevelées d'actions pures, violentes, qui ne laissent pas le moindre répit pour une pause réflexive. La technique est celle du manga, à effet immédiat.
Ces nouvelles approches du sujet s'ajustent à une réalité mouvante. Ainsi, en 1995, avec le séisme de Kôbe et l'attentat au gaz sarin perpétré par la secte Aum dans le métro de Tôkyô ; la concomitance des événements frappe les esprits et apparaît comme un appel au réengagement de la littérature. Société, politique, histoire, reviennent dans les récits et donnent une épaisseur contextuelle au sujet moderne, elles le conditionnent, même chez Murakami Haruki – mais d'intériorité, point. Ni la psychologie ni la métaphysique n’apparaissent comme des recours. Et c'est un certain désarroi qui demeure.

Les grands thèmes littéraires de Meiji à nos jours - Cécile SAKAI
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