Jean Giono

"Sentinelle familière, la crèche, à Noël, dans les églises condense à merveille l'esprit des mystères. Distincte, comme eux, du dogme, lequel n'a pas cru devoir hospitaliser l'âne et le bœuf, ni stipuler du jaune pour le vêtement de saint Joseph, elle n'est pas, non plus, la copie hasardeuse, amusante et laïque, genre musée Grévin, d'une histoire divine arrivée autrefois. Elle est, pour les fidèles, cette histoire en train à perpétuité, comme celles que proposent les fresques, les miniatures et les statues religieuses. Mais, par la bonhomie réaliste des accessoires et du matériau, et parce qu'elle ne vient qu'à point nommé, tournée Karsenty du firmament, la crèche touche au théâtre. Elle appartient à cette liturgie surajoutée, les roses de la fête de Dieu, les palmes, l'huile, les cloches, la tintante quête et, à la messe de onze heures, les clameurs, toujours, de quelque nourrisson, où mon enfance antiboise baigna, et qui possède son répertoire ancien." (Giono, Préface, 1962, année où le IIe concile œcuménique du Vatican allait détruire tout cela à tout jamais).